Le jeune homme laissant sortir un autre grommellement.
— Elle est douce?? Mais elle sent mauvais..., il se releva et changea d'emplacement, Celle-ci?, se marmonne-t-il à lui-même.
Oui, vous ne rêvez donc pas, Demian Herlihy, fils AVEUGLE d'Hephaistos, est bel et bien en ce moment penché parmi les fleurs multicolores du camp, visiblement à la recherche de quelque chose.
Demian ne prenait pas comme habitude de visiter les attractions "visuelles" du camp, et encore moins avec son teint roussin qui s'amusait à brûler au soleil. Toutefois, ce n'était pas rare de le voir à une telle distance du camp et des autres sang-mêlés, davantage agréant des étendus d'arbres et de forêts : plus de mur où la chaleur peut interagir avec son environnement, plus facile pour Demian de "voir", simple. Il préférait être capable de voir son entourage, pouvoir voir venir les gens bien avant qu'eux-même puissent le savoir. Une méfiance et obnubilante habitude de son passé plus que rocailleux. C'était donc une particularité de voir le jeune Demian, dos au soleil, dans une aire aussi grande et libérée que le champ de fleurs. Encore plus particulier de le voir, obnubilé par les fleurs sauvages présentes, l'entièreté du camp sachant pertinemment que le fils d'Hephaistos était tout sauf voyant et apte à apprécier les merveilles florales. Sa présence attirait également l'attention de quelques nymphes, curieuse de voir un enfant du feu dans leur antre, encore plus un réputé pour son antipathie envers tout ce qui était social. Pourquoi donc était-il là, à sentir les fleurs?

La raison était plutôt simple : la fête de sa défunte mère arrivait bientôt, et malgré que les portes de Naussika étaient fermés et impossible était sa visite de sa tombe à New York, cela ne l'empêchait pas de visiter, chaque année depuis son arrivée, une petite tombe qu'il avait érigé dans un coin reculé du camp. Il avait pris pour habitude de lui apporter des fleurs, grandes jardinières qu'avait-été sa génitrice, mais chaque année, encore, la galère recommençait : que choisir? Comment la choisir? Quel odeur? Texture? Demian doutait que l'esprit de sa mère soit déçu de son choix de fleur, aussi individualiste qu'elle était, une mauvaise herbe lui aurait plu, mais il ne souhaitait que le meilleur pour sa mère, et la danse de "celle-là? Non celle-ci? Ou elle?" recommençait donc de plus belle à chaque fête. Le fait qu'il ne puisse pas les voir n'aidait pas non plus.

— Attends. Tu es train de te rapprocher des orties. Tu risque de te faire mal...
Relevant rapidement la tête, Demian pencha cette dernière sur le côté, un peu comme un oiseau le ferait, à la recherche de l'origine de la voix. Tournant lentement sa tête vers l'origine du bruit, il aperçu finalement dans son mental la flamme d'un autre demi-dieu à quelques mètres de lui. Un jeune garçon, 10 ans peut-être, se tient, un peu hésitant. Se redressant, Demian le fixa quelque moment, avant de bafouiller,
— Je... Oui clairement, je savais ça, je les ai vu!
Avec toute la grâce d'un gamin de 19 ans qui se découvre encore. Amenant une main sur ses lunettes, un peu embarrassé, il joua un peu avec ses montures avant de rajouter, je voulais clairement cueillir des fleurs d'orties pour-, il hésite puis se tait, ... Pour rien.
Amenant ses mains devant lui, il joua avec une peau sèche sur son pouce quelques secondes, mal à l'aise de devoir se rabaisser à demander une telle chose. C'était... C'était comme prouver qu'il n'était pas capable de fonctionner seul que de demander de l'aide, prouver que tous les stéréotypes comme quoi les aveugles étaient incapables étaient vrais. Mais... Mais il était capable de mettre de côté sa fierté une seule maudite seconde pour sa mère!
— Dis, euh... Tu sais elles sont où les fleurs? Je les vois pas, eh.
Il ne les voyait pas elles, ni rien d'autre, à vrai dire.

Le silence est quasiment pire. L'absence de réaction venant du plus jeune a le don de faire suer légèrement Demian, tous ses sens sur l'alerte afin de découvrir ce que manigançait l'autre alors qu'il ne pouvait pas le voir. Lentement, capturant les bruits uniquement car il étirait tous ses sens à leur maximum, il aperçu le garçon s'approcher lentement. Suivant de la tête l'avancée de la petite flamme enfantine, il le laissa prendre sa main, combattant tous ses instincts qui lui intimaient de fuir le plus loin possible de cette menace possible. Curieux de voir ce qu'il faisait, il suivit son élan et laissa ses doigtés effleurer les pétales d'une nouvelle fleur.
— Elles sont là. Ce sont des cosmos roses.
Cosmos... Roses...
Douces, leurs grands pétales ronds ne lui disaient rien, mais voici bien des années qu'il avait oublié la texture et apparence des fleurs l'entourant. Fronçant les sourcils, il continua de lentement contourner l'apparence de la beauté qui lui était interdite.
— C'est pour offrir à quelqu'un ?
Il se pencha devant le bouquet de fleur. Ramenant à lui sa main, il frotta ses doigtés ensemble, savourant le restant de douceur sur ses doigts rugueux.
— Ouais. On peut dire ça comme ça, il en cueillit une tournoyant la tige en un tic nerveux entre son pouce et index, Elle peut plus vraiment en profiter, mais je sais qu'elle aurait apprécié...
Petit silence.
— Dit... Tu pourrais m'aider à faire un bouquet?, demande-t-il, un peu timide. Maintenant qu'on lui avait pointé comment il était totalement nullos à faire des bouquets, il ne se voyait aucunement faire comme si de rien était et offrir des orties à sa mère. Elle aurait trouvé sa drôle et ça lui ressemblait bien d'aimer les fleurs détestables, mais Demian n'était pas comme elle, infiniment positif.

— Je... désolé. Je ne voulais pas être trop curieux.
Demian chasse l'empathie de l'autre d'un mouvement de main dans la direction vague de son interlocuteur. Il ne la refusait pas, non il n'oserait pas, mais il ne voulait pas vraiment adresser le sujet. La mort de sa mère était encore un sujet délicat, surtout qu'il n'y avait pas que son décès dans la situation. L'ignorer était-il malsain? Oui très probablement. Mais il n'avait jamais été un garçon très sain depuis.
— Bien sûr !
Il laissa sortir un souffle qu'il avait retenu sans vraiment s'en rendre compte. Il ne l'avouait pas, mais il avait un peu sauté sur la première personne apte à l'aider et s'il avait refusé ça le remettait à la case première, ce qui en soit, vu son premier choix de fleur, n'était pas très fameux.

C'est donc ainsi que passe son après-midi, bourré de nom de plante, de texture et de descriptions de couleur oubliée. Demian n'étant pas la personne la plus imaginative, et malgré les descriptions de Timothy, se fia bien sur l'opinion du voyant entre les deux pour construire l'offrande à sa défunte mère. Lorsque son ami du moment fut satisfait de leur collection, Demian lui adressa la parole,
— Dit euh... Je sais pas trop comment dire ça, il laissa sortir un petit rire, Enfin, ce que je veux dire c'est : merci., il joua quelques instants avec la tige d'une des fleurs choisies avant de reprendre, Tu peux venir... ce serait vache de t'avoir fait cueillir des fleurs toute la journée pour ensuite te demander de partir sans te montrer pourquoi, il fit quelques pas vers la direction de la forêt avant de s'arrêter et rajouter, un peu hésitant, Si tu veux...?