– I know you're scared of me, you say that I'm too eccentric I'm crying all my tears and that's fucking pathetic

Ici, la rouille ambiante contamine l'humeur en apposant son emprunte brune sur les expressions humaines, dont elle dévie la gravité ; l'odeur de brume qui persiste dans le caniveau suinte d'un ciel trop bas, plein de trous, qu'on croirait perforé à l'emporte pièce, et que des immeubles faméliques, construits trop près les uns les autres, se disputent entre eux. Les poteaux électriques, plantés en terre comme des longs doigts secs, tendent leurs bras rachitiques vers ce firmament ramassé sur lui-même. L'até ploie sous son propre poids, et si la rocaille verdâtre de son pavé, heurtée par les corps en chute libre, résonne comme en Enfer, les lois environnantes donnent l'impression que le quartier lui-même tend à s'avaler de son propre fait. Au beau milieu de cette gueule béante trottine Owl et son maître ; pataugeant en talons dans les rues pleines de salive, elle appartient sans peine à la grande masse édentée de la nuit.

il n'a pas de visage, et iel lui a dit au moins cent fois qu'elle l'aime, et le lui redira encore cent fois jusqu'au lever du jour. L'anonyme est un tout vers lequel projeter l'ensemble de son vide fondamental ; elle se nourrit de sa propre inconsistance et le laisse la couvrir d'attentions bêtes et méchantes. Pendu.e à son bras, le sourire en trop, c'est vrai - elle n'est pas laide, elle est pire.

< oh ! > une note ronde, unique, qui éclabousse le plat de l'obscurité ; qu'il est grisant d'être ainsi rappelé.e à l'ordre ! et comme il est satisfaisant d'être rendue brutalement à l'état de chose ; car c'est innommable, les façons qu'il a, solan, de la déranger ; il en fait du désordre dans ses principes, sur la poussière desquels il souffle allégrement ; il a la domination alerte, poisseuse, confortable et confortante - la tendresse qu'il lui jette en pâture laisse sur la peau des traces en forme de coups de dents ; les caresses qu'il lui prodigue sont un bien effervescent, à l'instar de la peine ; les chaînes qu'il dessine entre ses côtes lui font mal au ventre parce qu'il les serre trop fort, comme il serre maintenant sur sa nuque. < ah -- Solan, arrête... tu m'fais mal > mais iel rigole ; la nuque tendue sous les caresses, les épaules basses, les paupières lourdes - déjà se fond dans la poigne de son nouveau maître de cérémonie.

l'autre a lâché son bras, pas pressé. la passion prend un certain temps. "Récupérer quoi ?" dit-il, sans bouche, sans yeux, sans âme. < Solan, tu m'fais mal... > les premières larmes qui scintillent au ras des cils comme des gros œufs de larve, et le sourire pendu aux lèvres, toujours ! ça lui fait du bien. iel se rappelle au monde ; soudainement, dans le creux de la paume de Solan, elle prend consistance ; ses os repoussent, sa chair se gorge de nectar, iel se perçoit, un peu ; Solan lui rend un corps délicieux, dégoutant ; iel existe < qu'est-ce qu'y s'passe ? qu'est-ce qu'owl a fait de mal ? owl est désolée, désolée - owl recommencera plus... >

– I know you're scared of me, you say that I'm too eccentric I'm crying all my tears and that's fucking pathetic

La douleur est un Dieu d'aménité abjecte, car il se laisse adorer sans condition. La douleur que lui inflige Solan est son Dieu, sa marque, son crime - c'est un châtiment à renouveler sans cesse afin de prévenir aux amnésies, un supplice vers lequel l'on tend nécessairement si l'on veut en guérir - Owl y revient toujours, toujours... Solan sait s'y prendre. Iel est tendre et viscéral ; iel griffe et iel cajole ; iel ne l'aime pas et cela lui suffit en soi - car iel la consacre par l'absence, par la brutalité de ce que l'on n'ose appeler "affection" qu'en le murmurant tout bas ; iel brûle en l'exposant aux feux inverses de ses massacres attendris ; iel n'a pas de cœur et lorsque la nuit tombe, Owl rêve de se plonger tout.e entier.e dans le trou béant qu'elle ouvre en pensée, là, au beau milieu du torse qu'elle n'ose jamais toucher ; comme l'on souillerait une roseraie par fascination excessive.

Bien sûr, iel a choisi  - avant même d'avoir rencontré ce monsieur sans visage, avant même d'avoir senti son odeur sans odeur et d'avoir agrippé son bras mécanique - owl est cruelle, elle aussi ; bien plus que Solan, en réalité - Owl a sacrifié.

Car personne ne l'aimerait jamais comme tu l'aimes ! Iel lui procure certaines formes de consolation en lui donnant l'impression, ne serait-ce qu'un instant - oh ! un court instant, c'est flétri et profond, et vain et grandiose, c'est bien vite consumé, comme les ailes du papillon de nuit qui s'abandonne à la flamme d'un cierge - qu'iel existe, un peu - et elle croit l'aimer : elle croit l'aimer beaucoup, passionnément, à la folie, car iel la tient fermement par la nuque comme une chienne, et iel la raccroche aux extrémités de leur croix renversée, en tapant, sans vergogne - sur les clous d'une pantomime un peu rouillée qu'iel dirige par gestes vagues, les gestes de l'être humain qui connait bien les principes de la dissection des fleurs.

A ce moment précis, Owl est persuadé.e de l'aimer, et pense, elle aussi, qu'elle n'aimera jamais plus comme iel aime Solan.

< Owl est vraiment vraiment désolée ! > désolée de quoi ? désolé.e pour qui ? Qu'on ne lui parle pas ! C'est mieux ainsi. Le mépris en partage est sa bénéfiction.
Et l'autre ne comprendrait pas ; et l'autre ne comprendrait pas. "Qu'est-ce que tu racontes ?" Il dit. "J'ai payé" et il agite les mains, histoires de dire : voilà ! il y a cette marionnette à mon bras ; voilà bien une preuve de ma complicité. Mais elle, elle est ivre d'amour. Les mains de Solan sont toujours un peu froides - elle a l'habitude de penser cela, par automatisme. En réalité, elle ne sait rien des saisons qui l'animent ; après tout, pour elle - iel reste humain. Et l'autre... L'autre, c'est une ombre. < Laisse-moi ! > iel crie, dilué.e toujours dans l'absoluité de la poigne qui la gouverne. < Laisse-moi. Je ne veux pas de toi... Je l'aime. > Pour Owl, c'est difficile de dire < je veux > ou < je ne veux pas >. L'un demande de l'abnégation, l'autre l'abandon total. Iel s'imagine que Solan choisit pour ellui. < Vas-t-en ! > et elle ose lever vers ellui des yeux d'amour suppliants ; elle est misérable. < Pardon... Pardon... Pardonne-moi... Je m'en veux... Je n'ai que toi tu sais ! > et c'était vrai.

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tw mention sexualité


oubliée, la nécessité de l'ombre qui la retenait, et dans la chair obscure de laquelle, il y a quelques secondes encore, elle plantait désespérément ses ongles ! oubliée, l'humiliante jouissance de n'être que simulacre ; un mot de Solan est suffisant pour l'incarner à nouveau, terriblement ; et la silhouette à ses côtés la gêne comme une seconde peau, car il l'éloigne de son Dieu, en lui coupant la vue ; owl voit se dessiner dans son dos les contours aveuglants d'une vision qu'iel souhaite obsédante. en cet instant, elle en est sûr.e - iel l'aime ! iel l'aime éperdument, et l'a toujours éperdument aimé.

alors iel se sent le besoin de se compromettre ; à l'instar des pécheurs, qui, saisis subitement d'une pulsion de mort, se précipitent à la confession pour expier le crime qui les étouffe, owl aspire à l'irréparable sous la forme de son Mépris ; owl veut qu'iel lae couvre de ses sourires torves, de ses regards-empruntes, qui marquent comme des blessures ; owl veut qu'iel l'enterre sans se recueillir, qu'iel lae damne sur le moment et qu'iel l'oublie bien vite.

iel se jette à ses genoux ; à quatre pattes dans la poussière, insignifiante comme un rayon lumineux sur le bitume < owl... owl s'est très mal comporté.e... > voilà qu'elle pleure, et ses larmes lui sont dédiées - décadence banale, que l'on abandonne trop facilement aux pieds des autels, ceux que l'on dresse en l'abject honneur des icônes les plus respectables. < owl... allait à l'hôtel avec lui > l'autre, celui qui n'est pas Solan. < et... il l'aurait baisée, owl... owl a reçu de l'argent, et owl -- > iel hoquète, en fidèle misérable ; ses grands yeux de fixité pâle élèvent jusqu'à ellui leur flamme d'insignifiance découverte. < owl allait faire tout ce qu'il lui aurait demandé. tout, tout ! et depuis la dernière fois avec Solan > on dirait qu'elle n'ose pas le toucher ; c'est un sacre ! pourtant, sa timidité apparaît répugnante < y'en a eu d'autres, au moins... trois... non, cinq ! > et iel hésite, se corrige, grossit toujours le chiffre - vois ! vois comme elle est horrible, l'incorrigible pécheresse ! il faudrait beaucoup, beaucoup de haine pour la libérer de son Mal. < owl est désolée... il n'y a que Solan qu'elle aime. owl le jure ! owl le jure sur sa vie ! > oh ! owl ne comprend pas la gravité de tes désirs ; ton génie lui est étranger. owl se laisse toute avoir car owl ignore les termes infernaux de sa dégénérescence en ton nom, et iel croit t'offrir sa vie de bon cœur, comme il se doit. < owl le jure sur toute sa vie ! owl est désolée.. tellement désolée... owl ferait n'importe quoi pour se faire pardonner par Solan ! n'importe...  même le tuer, lui -- owl le ferait, si c'est que tu voulais. pitié ! que Solan la pardonne... > il y a ce désir fou d'être retrouvé.e vaguement.