Tu avais exigé qu'on te l'amène. Puisqu'on refusait de te laisser aller la chercher, qu'on l'escorte jusqu'à toi, qu'on lui fasse avaler la distance qui vous sépare. Tu sais qu'elle va revenir, qu'elle reviendra physiquement intacte. Il n'empêche que depuis près de plusieurs heure tu n'as de cesse de revoir Duke l'avaler. Il n'avait suffi que d'une seconde. Et rien, rien ni personne n'avait pas l'en empêcher.

C'est de calmant dont on t'a bourré car l'hystérie t'avait pris. Tu la réclamais à grand cris et il avait fallu forcer le sommeil pour que ton corps puisse jouir de trois pauvres heures de repos. Tu t'impatientes, elle va revenir. Tu le sais. Pourtant chaque seconde d'absence te tords le ventre. Puis enfin la porte s'ouvre et c'est son odeur que tu sens. Tu étouffes un cri, te redresses avec tant de précipitation que tu serais tombé de ton lit si elle n'avait pas eu le réflexe de courir pour se jeter dans tes bras.

— Diane !

Tu la serres tes mains maladroites qui caressent son dos à coup de grands gestes désespéré, comme pour chercher à mieux la garder contre toi. Tu pleures déjà, glisses tes doigts jusqu'à son visage pour l'encadrer. Tu ne refrènes pas le baiser fiévreux et précipité qui suis. Goutte ses lèvres avec tant de passion. Elle devait revenir, tu le savais. Mais tu comprends qu'en dépit du bon sens tu avais gardé la peur qu'elle soit une exception à la bénédiction d'Hébé.

— Mon amour.

Tu colles ton front au sien, caresses ses cheveux d'or avec une douceur tremblante.

—Par les dieux tu vas bien, tu es là.

Tu t'imposes de te calmer, sans trop de succès.

— Ils ont dit que tu reviendrais mais j'ai eu peur, si peur- Par les dieux tu es là.

Tu l'embrasses de nouveau, imposes tes lèvres sur ses joues mouillées de larmes, béni de ta bouche son visage de mille baisers.

— J'ai cru mourir.

Tu la serres de nouveau contre toi.

— J'ai cru te perdre pour de bon.

Chaque seconde où tu la touches, où tu la sens, te fais reconnecter, reprendre conscience et contrôle de tes nerfs. Tu es incapable de ne pas laisser tes mains glisser, dessiner le contour de ses joues, de sa nuque, de ses bras, de ses hanches. Tu pourrais te brûler de ses formes que tu n'arrêterais pas. Tu t'ancres dans cette réalité merveilleuse où Diane est là. Où l'Hydre ne te l'as pas enlevé, pas définitivement du moins.

— Non, ce n'est pas une question de force.

Tu glisses ton front contre le sien, te recules ensuite un peu pour la contempler.

— Tu es magnifique. Je ne te dis pas assez souvent à quel point tu es magnifique.

Ton pouce affectueux qui caresse le rose de sa joue. Mais soudain l'image de Duke fendant sur elle pour l'avaler et la faire disparaître te revient. Tu entrouvres la bouche, soudain coupable.

— C'est de ma faute. Il t'a visé parce qu'il savait que ça me rendrait fou.

Elle est revenue, mais tu prends conscience que c'est la dernière fois qu'elle reviendra.

— Il ne te reste plus qu'une vie.

Et tu as peur, soudain, que Duke profite de cette réalité pour la mettre en danger. Tu as peur, qu'il ne cherche à la tuer une seconde et dernière fois, pour te faire tomber dans des abîmes dont tu ne reviendrais pas.

— Il ne faut plus que tu sortes. Il faut que tu restes loin de lui.

Tu attrapes ses mains, sérieux.

— Diane, s'il te plaît, je n'ai aucun droit de t'imposer quoi que ce soit mais je ne supporterais pas de te perdre.

Et comment tu ne pourrais pas y penser ? Tu la vois, tu la vois avec soulagement. C'est comme si la vie s’insufflait de nouveau dans ta peau, dans tes veines. Mais lorsque tu la vois, tu vois aussi la mort, tu vois aussi Duke, tu vois aussi le glas funeste du pire : il n'y aura plus le droit à l'erreur, car on a désormais le pouvoir d'arracher Diane à la vie et, par la même, de t'arracher à la vie tout court.

Tu te laisses aller à ses gestes, en graves la moindre sensation profondément. Tu respires, souffle, en bon élève tentant d'appeler en lui le calme olympien qui sied à son rang. C'est moins tremblant que tu poses un nouveau regard sur elle.

— Il va pourtant falloir, Diane.

Et tu n'es plus capable de te mentir.

— Les monstres se sont alliés, cette attaque au festival n'était pas innocente. C'est un message qu'on nous passe. Nous sommes les proies, non les prédateurs.

Et par là même, on se moque de vous. On se moque de votre sang divin, de votre soit disant puissance.

— On ne peut pas rester parqué ici comme des rats. Nos parents ne le toléreront pas.

Vous ne serez en sécurité nulle part tant qu'ils seront là. Une main sur sa joue, tu glisses derrière son oreille une mèche dorée. Tu la regardes, sincèrement désolé. Il te faut briser ses rêves de paix.

— Il faut que je les scelle, Diane. Tous. Ce n'est que comme ça que nous pourrons dormir sans crainte du lendemain.

Tu baisses les yeux. Il te semble aussi que vous n'aviez plus parlé de Leslie.

— Je suis désolé de tout ce que je te fais subir.

— Tu parles en digne Olympienne, mon ange.

Tu souris, attendrie. Tu aimes cette force avec laquelle elle te retient. Et si tu sais te faire aveugle et sourd, cette fois tu n'y arrives pas. Tu sais pertinemment que tu mourrais si elle n'était plus là. Parce que Diane te retient. Pour le meilleur et surtout pour le pire. Et toi, tu fais de même. Tu la retiens, pour le pire, mais surtout espères-tu pour le meilleur. Ses boucles blondes volettent autour de son visage. Tu souffles, tu te redresses, chose que tu ne te devrais pas faire, sous aucun prétexte. Dans ton lit, tu te redresses, tu poses les pieds au sol et sans le moindre mot, tu la serres dans tes bras.

— Diane, de nous deux, celle qui est la plus proche de rejoindre l’Élysée c'est toi, pas moi.

Tu inspires son parfum, il t'est impossible de ne pas l'aimer. Peut-être Aphrodite vous a-t-elle maudite. Toi, tu aurais aimé la détester parfois. Mais tu ne l'as jamais pu. Tu ne pourras jamais. Tu l'aimes quand elle te fait souffrir comme tu l'aimes quand c'est toi qui lui imposes la souffrance.

— Je ne compte pas mourir. Je ne compte pas me sacrifier égoïstement. Écoutes mon cœur, je ne mens pas.

Tu contrôles ses battements, ça tu ne le dis pas.

— Mais tu ne peux pas me demander de rester en retrait. Tu ne peux pas me demander de rendre les armes, pas maintenant.

Tu l'écartes un peu pour la contempler, glisse une main sur sa joue.

— J'ai besoin de toi. Peut-être même plus que tu n'as besoin de moi.

Tu ne le dis pas dans l'émotion, tu le balances, comme quelque chose de factuel. Tu caresses sa joue de ton pouce.

— Jure-moi, que tu ne m'abandonneras pas.