Contrairement à ce qu'elle pensait, Meryem ne s'était pas amusée à ce concert. Ce qui était censé être un buffet gratuit auquel le Lotus pourrait festoyer a causé plus de pertes et de dégâts que ce à quoi elle s'attendait. Au-delà de son égo, Ange avait de nouveau été capturée. Lucius et Lady étaient morts. Duke était grièvement blessé. Les autres s'en étaient sortis à peu près, mais il n'empêchait qu'ils avaient reçu plus de dégâts qu'elle ne l'aurait aimé.

Et en plus, ils avaient maintenant adopté des animaux de compagnie.

Les bras croisés, les talons aiguilles résonnant entre les murs du couloir, Meryem jette un coup d'oeil à la pauvre chose à côté d'elle. C'était donc elle, l'espionne de Duke ? L'amante de Ange ? Qu'avait donc cette blonde pour avoir déjà gagné la confiance (mal placée) de deux monstres ?

Elle n'est pas d'humeur pour des interrogatoires. Ange n'était plus là. Elle réfléchissait déjà à comment la récupérer. Ils n'avaient pas de quoi négocier cette fois, malheureusement.
Mais, par le passé, Dionne avait aidé Ange.
Elle leva les yeux au ciel.

Je dois bien avoir des vêtements qui traînent.

Meryem savait parfaitement qu'elle avait des vêtements qui traînaient. Avec tout ce qui se passait dans l'Achéron, elle avait bien entendu toute une chambre avec une armoire remplie de tenues de rechanges et des doublons de ses produits favoris. Personne n'était à l'abri d'une retouche.

Silencieusement, Meryem conduit Dionne dans ses appartements privés. Bien que ça ne soit pas là qu'elle habite, l'endroit est décoré avec un goût prononcé pour un style baroque remis au goût du jour, dans les tons sombres et rouges. Une commode détonne avec un miroir aux bords dorés, rempli à craquer de maquillages et parfums divers qui sentaient l'argent et la poudre.

Après quelques minutes, Meryem tend de son armoire une serviette propre, noire, et une de ses robes les plus couvrantes - mais qui dénude tout de même les épaules, parce que l'Empouse ne faisait jamais totalement dans le chaste et modeste.

Il y a une salle de bain par la porte là-bas. Lave-toi.

Le ton n'était pas aussi ferme que ce à quoi Dionne s'était sans doute attendu.

Je vois que tu as le sens du dramatisme de Duke.

Et peut-être que Dionne n'était pas aussi théâtrale que l'Hydre dans sa gestuelle, son attachement à jouer les victimes semblait faire écho à celle de Duke.
Dionne avait choisi délibérément de trahir les siens. Dionne avait choisi de rejoindre les monstres. Dionne n'avait manifestement pas préparé son départ.
Dionne avait choisi de mourir.
Ce n'étaient pas des décisions prises impulsivement, il était trop tard pour les regrets.
Et Meryem était bien incapable de compatir, elle qui refusait de s'attacher aux gens qu'elle perdrait trop facilement.
Dionne apprendrait à faire de même, dans le futur, si elle était amenée à rester avec Ange et Duke.

Pendant que la blonde se douchait, Meryem replaça mécaniquement les divers accessoires et objets qui ornaient sa coiffeuse. Certains avaient des souvenirs avec eux, associés à diverses personnes, ou endroits, ou odeurs. Une collection de mementos au fil des âges qui s'agrandissait petit à petit.
Meryem n'aimait pas accueillir des personnes dans sa chambre, Dionne ne saisirait jamais à quel point elle était privilégiée d'entrer ici et d'en ressortir vivante.

Lorsque la demi-déesse sortir de la douche, elle la toise de haut en bas avant de réfléchir à sa question. Plusieurs réponses lui venaient en tête.
"Tu ne m'as pas donné ta taille."
"Nous n'avons pas les mêmes mensurations."
"Je ne suis pas Emmaus."
Finalement, l'Empuse se leva pour marcher vers Dionne, envahissant son espace vital et l'acculant contre la porte de la salle de bain.
Un léger sourire sur ses lèvres éternellement carmin.

Je ne porte jamais de sous-vêtements quand je suis ici.

Finalement, c'était ce qui était le plus dans sa zone de confort. Être à la fois intimidante, mais fatale.
Elle passe une main dans ses cheveux encore humides et emmêlés, approchant ses lèvres de son oreille.

Oui, tu me déranges. Tu imagines ce que ça me fait ? De t'avoir à portée de griffes alors que tu sens... vivante ?

Elle porte une main au cou de Dionne sans presser, et prend une grande inspiration de son parfum d'Hébé, mêlé à l'odeur de savon qu'elle affectionne. C'était presque aphrodisiaque, qu'une enfant de la déesse de la vie porte son odeur.

C'est vrai, ce serait facile de la tuer ici et maintenant.
Mais quel intérêt ?
Un maigre repas qui lui attirerait plus d'ennuis que de satisfaction.
L'Empuse se recule, faisant descendre les doigts perdus dans les cheveux blonds au creux des seins de Dionne pour les essuyer, avant de lui tourner le dos.

Je ne suis ni Ange ni Duke. Tu ne m'intéresses pas.

Avoir deux monstres semblant avoir un intérêt pour elle devait suffisamment gonfler l'égo de la demi-déesse, elle n'allait certainement pas lui donner la satisfaction de gagner l'intérêt d'un troisième. La seule raison pour laquelle Meryem tolérait sa présence était parce qu'elle avait aidé à libérer Ange une fois, et parce que l'Aigle tenait à sa personne.
Rien de plus, rien de moins.

Nous n'avons pas le droit de verser du sang dans l'Achéron, figure-toi. Quoique j'ai des moyens de tuer sans verser une goutte... Mais, puisque l'Aigle s'est entichée de toi, je te tolèrerai jusqu'à ce qu'elle se lasse.

Elle se penche vers le tiroir de sa coiffeuse pour en sortir un peigne. Elle n'avait pas de brosse qui soit suffisamment solides pour dominer la chevelure de Dionne. Elle allait devoir se contenter d'un travail long et laborieux.

Assied-toi.

Elle désigne le fauteuil en velours rouge. Meryem n'avait rien d'autre à faire, alors elle comptait démêler ses cheveux elle-même. Peut-être que Dionne était légèrement au-dessus d'un simple animal de compagnie rapporté par Duke. Peut-être qu'elle pouvait être une poupée.
Jolie, docile, sans vie.

Et la poupée obéit sans broncher. Bien sûr, ce n'est pas réellement comme si elle avait le choix, mais l'Empouse peut apprécier la docilité chez quelqu'un. Elle n'aimait pas être contredite. D'ailleurs, elle récompensa la résignation de la jeune femme en extirpant de son tiroir une boîte dans laquelle il restait une certaine quantité de pâte blanchâtre. Du revers de l'ongle, Meryem en prend une noisette et fait chauffer le produit dans ses mains avant de les appliquer aux cheveux de Dionne. Un démêlant, une recette perfectionnée au fil des années par ses soins.

Meryem faisait parfois cela, avec Ange, quand elle avait du temps à tuer et qu'elle voulait bien lui parler. Avec elle, il lui semblait que l'Aigle n'était pas aussi demandeuse d'attention qu'avec les autres. Déjà, après sa première capture, Ange n'avait pas semblée être toute à fait la même. Elle ne savait pas dans quel état ils la reverraient cette fois. Mais sans doute qu'Echidna allait à nouveau leur demander de la récupérer, et cette fois-ci, ils n'auraient pas d'agents double.

En passant le peigne dans les cheveux détendus, l'Empouse regarde le reflet de Dionne dans le miroir. Quelle étrange question. Elle se demandait ce qui se passait dans la tête de Dionne, si elle songeait encore à sa propre survie, ou si c'était perdre l'attention de Ange qui l'angoissait. Et elle se demandait quelles répercussions auraient sa réponse sur la demi-déesse dans le futur.

Finalement, elle sourit.

Il te reste encore Duke.

Quoique, les émois de Duke l'affectait bien peu, comparé à la relative tendresse qu'elle pouvait éprouver pour Ange. S'affairant toujours à brosser les cheveux de Dionne, elle se disait qu'elle allait attraper froid si elle gardait ses cheveux trempés. Alors, une fois les noeuds démêlés, elle commença à tresser ses cheveux.

As-tu peur de moi, jolie Dionne ?

La réponse est rhétorique, elle voit bien qu'elle est tendue, à raison.
Elle fait passer la tresse d'un côté de son épaule, déposant un baiser sur l'autre.

Rassure-toi. Je préfère coucher avec mes victimes avant de les tuer.

Et cette nuit, en tout cas, son esprit n'était pas à la chasse.

Sur ce premier point, Dionne avait raison. Ce n'était pas Duke qui allait la stopper de faire quoique ce soit, si elle voulait réellement faire quelque chose. Pour autant, ça ne voulait pas dire qu'elle lui était sourde, il était un peu une constante nuisible dans sa vie pour laquelle elle s'était prise d'affection. Même si elle ne lui avouerait jamais dans ces termes.

Attrapant à nouveau son regard dans le miroir, Meryem dépose un autre baiser plus haut dans son cou, et passe une main de l'autre côté pour délicatement enserrer sa gorge. Il y avait quelque chose d'enivrant, à savoir qu'elle pourrait aisément lui briser la nuque ou lui dévorer la jugulaire, mais qu'elle choisissait d'avoir le toucher lascif d'une amante.

On dirait que tu fais exprès de dire ce que je veux entendre, Dionne. Je ne m'intéresse aux femmes que lorsqu'elles nient vouloir de moi.

Parce qu'elle aimait leur prouver qu'elles avaient tort, et qu'elle était capable de prodiguer bien plus que n'importe quel homme pourrait le faire. Elle aimait faire rougir celles qui ne voulaient pas s'avouer qu'elles n'avaient jamais été touchées ainsi, mais Dionne n'était pas de ces femmes-là. Et Dionne avait Ange.

Lâche donc tes vêtements. Je doute que tu veuilles les revoir. J'irai te chercher quelque chose de plus approprié demain. En attendant...

Meryem souleva Dionne dans ses bras, et la déposa sur le lit qui était dans un coin de la pièce, abrité pour plus d'intimité par un paravent d'intérieur. Elle y coucha la demi-déesse en rabattant les épais draps au-dessus d'elle.

Parce que tu es une amie d'Ange, je te laisserai passer la nuit ici. Sans moi, bien sûr. Je ne sais pas où tu comptais dormir autrement, mais tu seras au moins tranquille ce soir. Si tant est que la parole d'un monstre ait une quelconque signifiance pour toi.

Son sourire narquois ne quittait pas son visage, alors qu'elle s'affairait à border le lit. Peu importe si Dionne n'avait pas envie de dormir, à quoi bon restée éveillée après une journée pareille ?

Meryem rit, d'un rire franc, parce qu'il faut dire que cela l'amuse. C'est vrai qu'elle bordait Dionne comme on bordait une enfant, mais après tout, c'est ce qu'elle était. Tous étaient des enfants comparé à sa très longue existence.

Jeune femme, tu m'as demandé des vêtements et je t'ai fourni cela. Je t'ai en plus laissé prendre une douche avec mes produits, je t'ai coiffé avec mes soins et je te laisse dormir dans mon lit. Je pense que le mot que tu cherches est merci. Libre à toi de rajouter une rangée de compliments derrière cela.

Parce que oui, Meryem s'attendait à de la reconnaissance. Elle n'était pas gentille et encore moins gratuitement, alors elle aurait espéré que Dionne fasse preuve de politesse envers sa généreuse personne.

Je te mets mal à l'aise ? Hm. Eh bien, qu'est-ce que ça serait le jour où je voudrai réellement te mettre mal à l'aise.

Ce jour viendrait, elle désapprouvait toujours l'intégration des planctons dans le bassin des requins, mais les ordres d'Echidna étaient donnés, alors elle ne pouvait qu'attendre qu'elle change d'avis. Ne pas les manger ne signifiait pas qu'ils étaient contraints de les faire se sentir bien auprès d'eux.
Ce n'était pas elle qui avait ramené Dionne, ce n'était pas son travail.

Mais rassure-toi, je ne te traite pas comme un enfant. Je les dévore, les enfants.

Et elle sourit encore une fois.
Montrant bien qu'elle pouvait encore la mettre mal à l'aise.