L'odeur délicieuse fin chatouillé tes narines. Les humains empestent. Empestent leurs émotions, empestent leur peur, leur ego. Les demi-dieux, c'est encore pire, ils empestent leur parent en plus. Empestent à rendre fou, car la flagrance aussi terrible qu'elle soit est bonne, si bonne. Et cette demi-déesse que Duke a ramené, à cette touche très particulière, presque unique : celle de l'expérience et de la complexité. Alors que tu l'entends toquer, tu prends le temps sur ton siège de respirer à pleins poumons. Tu lèves les yeux au ciel, vers le domaine de Zeus et d'Héra. Et tu penses, souriante, qu'il était bon et doux de voler les enfants des autres.

— Entrez.

Tu la regardes, un stylo plume entre les mains. Tu notes sa démarche, son maintient, tous ces petits détails qui l'a font elle et qui peuvent te donner matière à la comprendre. Tu désignes le siège devant toi.

— Asseyez-vous.

Tu t'enfonces dans ton siège, laisses la petite humaine gagner le sien.

— Dionne.

Le nom roule sur la langue d'une façon tout aussi étrange. Elle n'est pas la seule, ici, à se targuer d'être traître à sa propre race. En revanche, elle est bien la seule que tu ne comprends pas.

— J'avoue ne pas comprendre, Dionne.

Tu te redresses sur ton siège, pose ton stylo.

— J'ai dans mes rangs certains des vôtres, des marginaux, des furieux. Vous en revanche... Vous avez raison, nous avons besoin d'une discussion, vous et moi.

Duke n'avait, en effet, pas parlé d'elle. Tu souris, non pour elle, mais pour ton fils. Cet enfant cachottier, aussi changeant que les océans. Et tu te demandes non sans amusement de quoi tien-t-il le plus, Typhon ou toi ? Ou, l'impulsivité, le changement, les mensonges, ces qualités sont les tiennes, assurément.

— Ainsi donc, vous vendez-votre âme au chaos pour assurer la protection d'une tranche bien précise de votre race.

Tu fixes le bois de ton bureau, songeuse. Puis, soudain, dans une attitude qui rappelle Duke, tu éclates de rire. Un rire, cristallin, bref.

— Je retire tout ce que j'ai pu dire, j'ai jugé trop hâtivement les demi-dieux.

Tu sembles poser sur Dionne, un regard brillant d'un intérêt nouveau. Tu n'attendais rien des animaux de compagnie de tes enfants. Rien de plus que des pions, des outils à utiliser, des distractions, des objets de motivations pour ta progéniture et tes alliés. Mais peut-être avais-tu sous-estimé ces frêles créatures. En vérité, tu reconnais même l'essence divine que tu t'es si longtemps entêtée à ne point voir. Dionne est telle une déesse Olympienne, cruelle, mais maîtresse d'une justice qui si elle n'appartient qu'à elle, est incontestable. En ça, tu réalises avec frissons que tu as peut-être plus en commun avec ces Olympiens que tu ne le pensais.

— Je suis surprise, agréablement surprise. Pour vos adelphes- et part adelphes j’entends tout ceux de votre espèce- je n'ai jamais eu qu'un profond mépris. Les grands héros m'ont toujours été insipides, présomptueux, stupides. Mais vous, en revanche, me donner à ressentir un certain respect. Vous êtes courageuse. Je crains cependant que personne dans votre cité ne s'en rende compte.

Tu te lèves de ton siège, grande, nimbée de rouge. Tu ignores si Duke à choisit Dionne pour ce que tu vois en la contemplant. Tu ignores souvent si ton aîné, si ton enfant terrible, est le plus idiots ou le plus intelligents de tes enfants.

— Je n'attends rien de vous. Vous m'avez été imposées comme le jouet de ma Sophia m'a été imposé. Mais je vois un intérêt en vous. J'ignore encore quelle forme je souhaiterais lui faire prendre, mais c'est bien là la première fois en de nombreux siècles d'existences que je crois comprendre un de vos semblables, mademoiselle Dionne.

Tu contournes le bureau pour t'y asseoir, ainsi rendre l'espace plus tenu entre vous. Instaurer une discussion presque légère. Avec un demi-dieu ! Et tu penses, sincèrement amusée : Ô, Typhon mon amour, me vois-tu ? N'est-ce pas tordant ? Comme cette garce d'Hébé doit être verte.

— Vous avez un sens de la famille que votre mère n'a pas. Êtes-vous cependant consciente que nul ne verra votre sacrifice à sa juste valeur ? Ange le confirmera, mais je connais assez les gens de votre espèce pour savoir qu'on ne vous verra pas comme une héroïne. Certains de vos adelphes vous haïrons. Vos parents ne vous ont pas appris le sens du mot "amour".

Tu croises les jambes.

— Je peux imposer à ma tribu d'épargner les vôtres. La parole de Duke ne vaut rien face à la mienne. Mais n'oubliez pas que je veux l'Olympe, je veux vos parents. Je veux la tête des dieux qui ont persécuté mes enfants. Je veux la mort de ceux qui ont disposé de la vie des autres comme-ci elles étaient la leur. Et pour cela, Dionne, il me faut détruire Nausikaa. C'est là le seul affront qui fera, peut-être, sortir vos parents de leur retraite.

— Voulez-vous que je vous confie un secret : Dionne ?

Tu souris, sur tes lèvres il y a bien plus de chaleur que tu en as eu pour certains de tes enfants ces derniers siècles.

— Je ne le sais que trop bien.

Tu te penches en arrière pour attraper une petite boîte en bois ouvragé de laquelle tu sors un cigare. Tu le portes à tes lèvres, laisse la fumée envahir ta bouche et brûler ta gorge avant de l'expulser par le nez et la bouche.

— Vos parents jouent sans être soumis aux mêmes règles. Le jeu est truqué, à chaque nouvelle partie ils sont déjà les gagnants désignés. Et pourtant, il me faut continuer. Si je rends les armes quel exemple donnerai-je à mes enfants ?

C'est quelque chose que Typhon, passif, n'avait jamais compris. Qu'importe puisqu'en homme sage, il te laissait essayer et continuerait de te laisser faire autant de fois qu'il te plaira.

— Et puis, une victoire n'est pas exclure. Il y avait un monde avant les dieux. Il y en aura un après.

Et tu ne fais qu'essayer de l'entrapercevoir. Dans tous les cas, aussi minime soit vos chances tu te dois de te battre. Et si la victoire ne se résume qu'à une chance sur un million, soit ! Tu présenteras cette chance comme la seule issue possible. Tu as besoin d'un but et ta progéniture aussi. Tu as besoin d'une justice qui ne soit pas rendue par les pieds d'Athéna et du roi des dieux.

— J'aurais aimé vous rencontrer plus tôt, Dionne.

Tu te lèves, tends ta main non pas pour soumettre cette jeune existence, mais au contraire pour quémander une poigne franche et respectueuse, car tu sais reconnaître le bon grain du mauvais.

— Je m'assurerais que les promesses de Duke soient tenues. Considérez-vous mon invitée à défaut d'être comme chez vous.