Le torse bombé mais le coeur lourd jamais l'île n'avait semblé aussi mortifère qu'au retour de Cameron en son sein. Il n'avait encore revu personne après le désastre. Il se souvient encore être resté là, un instant, le crâne vide et le regard hagard sur le corps de Méduse puis de Georges (ou ce qu'il en restait sous la pierre) puis d'avoir hurlé, quand il se croyait seul. Jamais l'héroïsme n'eut semblé tant cruel que ce soir-là.

Il errait entre les couloirs de l'hôpital, à la recherche d'un nom familier ou d'un signe qu'on lui enverrait ; n'importe quoi. Il ne cherchait qu'à noyer le deuil et la peine, trouver une planche pour rester à flot : de quoi se raccrocher pour ne pas sombrer (ne pas couler). Cameron cherchait à fuir le vide, au moins quelque temps, pour pouvoir s'y enfermer ensuite et s'y complaire — quand on ne pense pas on n'existe pas.
C'est repérer Leslie du regard qui le tire de sa transe contemplative, il cherche à l'appeler mais les sons se confondent entre sa gorge et n'en sort qu'un râle sourd et lointain, Cameron alors essaie de se mettre en mouvement mais ses jambes sont comme faites de verre. C'était comme essayer de marcher sur du verglas malgré la surface rugueuse et stérilisé du sol de la clinique. Quand enfin il réussit à reprendre contrôle de son corps, il se mit en chemin vers Leslie et revoyait encore la pluie tremper leur deux corps sur Governors Island. Leslie ! Il se racle la gorge mais la gêne n'est pas logé au niveau de son larynx : elle réside en son coeur.
Tu- euh, viens voir qui ? Non, je veux dire ... Il se tait subitement et le prend entre ses bras.
Je suis si content de te revoir, gros rat.

@Leslie Mirzoyan

C’est l’allégresse de voir qu’il avait pu et su être un vrai héros, au moins pour une personne. C’est Cameron dans son fantasme qui s’était persuadé d’avoir sauvé Leslie des iris de pierre de Méduse : il se rappelle sa voix se briser tandis qu’il saisissait de toutes ses forces les épaules de son ami, le suppliant de se sauver. Les maigres nuits ayant succédées l’assaut, il avait repensé à chacune de ses actions. Et s’il n’avait pas porté le premier soufflet ? Et s’il s’était donné à Méduse, aurait-ils survécus ? Et s’il l’avait tué tout de suite sans autre forme de procès ? Dans ses pensées spirales et grises, il n’y avait que Leslie qui brillait encore. Il le regarde avec une fraternité nouvelle. Ouais, j’imagine. Tu as vu, euh, qui finalement ? Il omet un instant la fin de sa phrase, se contente de passer son bras autour du cou de Leslie (comme Cameron avait l’habitude de le faire) Il faudrait qu’on arrive à tous se voir, en mode Ratz-union. S’assurer que tout le monde va bien, pas qu’en mode santé physique, tu captes ? Parce que Cameron ne va pas bien. Il n’a été que légèrement blessé durant toutes les altercations mais c’est son esprit qui se dégrade et s’effrite ; et même si on ne le voit pas derrière ses grands yeux bleus, Cameron pleure la perte de sa candeur. Attends, gros, Diane ? La Diane, ma soeur ? Qu’est-ce que tu fous avec elle ? Il n’imagine rien de leur histoire, les seules scènes qui veulent bien prendre tête dans l’esprit ignorant de Cameron sont sa soeur, figure d’autorité et de devoir (tout ce qu’il répudie) possiblement faire la leçon à Leslie, son camarade et une extension de l’odyssée du fils d’Océan. Hormis te barber avec son délire de devoirs et d’ambassadeurs et de ‘il faut rester sur l’île’ j’sais pas pourquoi tu vas la voir … Il s’amuse presque du portrait qu’il dépeint d’elle : c’est qu’il aime et la charrie.

@Leslie Mirzoyan

L'innocence, l'ignorance et l'indolence que Cameron prendrait cul-sec dans un verre à shot il ne veut pas se perdre dans ces trop-pleins d'émotions de sentiments et, fatalement, d'angoisse : il se refuse au monde adulte et austère des responsabilités. Lui, Cameron, apprenti héros, ne veut que la liberté des aînés sans en payer aucun prix ni conséquence.
Mais grand enfant n'est pas complètement aveugle ni imperméable pour autant : il lit en Leslie toute la détresse qu'il ressentirait, lui aussi, s'il se posait une seconde pour réaliser l'impact funèbre et les espaces néfastes qu'avaient laissés les cratères lunaires du concert. Il secoue doucement la tête et accorde un regard compatissant, d'une douceur fraternelle à Leslie. Te le réfléchis pas trop, mon grand : tu vas en perdre le sommeil. Notre vie c'est pas un rêve mais c'est la notre faut en tirer le max. Focus toi un moment sur le positif et tu verras que le reste tu l'oublieras.
Enfin, c'est comme ça que j'veux avancer, moi.

Et cet élan de sagesse — une éclipse vivace mais indéniable, vient disparaître pour que l'évidente bêtise de Cameron vienne reprendre sa place. Mais gros dans quel monde tu connais quelqu'un autre que moi dans l'entourage de ma soeur, toi ? Un grand sourire railleur alors que Cameron réalise qu'il ne connaît sûrement pas aussi bien Leslie qu'il le croyait. C'est que le contact éparse qu'ils partagent créent des nébuleuses parmi leur récit de vie : Cameron à la parole si décomplexée se met à nu à chaque rendez-vous alors que Leslie garde une part muette (lui déjà si peu loquace) Mais en fait t'es archi sneaky comme mec, Les' : faut te tirer les vers du nez pour que tu parles ! Je t'élis Rat de la journée, carrément.
Allez, raconte, c'est quoi ton bail ?

@Leslie Mirzoyan

Hausse un sourcil amusé à la remarque de Leslie : Cameron sait qu'il n'est pas souvent le plus pertinent (parmi les Rats et les hommes) mais il ne s'estime pas si inhabile qu'il puisse en paraître. Sous ses airs d'éphèbe ignorant et gauche Cameron parfois faisait preuve d'esprit ; il ne se refusait les interrogations profondes que par seule peur de s'y noyer.
Mais Leslie n'est pas un grand parleur : c'est un homme de peu de mots mais de pensées larges, Cameron le sait, il l'a compris. Puis, c'était un avantage chez Cameron, aussi, qu'il aimait parler : il pouvait tenir des conversations pour deux. Eh ouais, y'en a aussi là-dedans, parfois. Aller, viens, on va prendre l'air.

Il l'entraîne alors vers le dehors : un tronçon d'hôpital où l'air n'est pas encore totalement aseptisée et où peuvent pousser les germes nocifs des cauchemars déguisées en idées. Mais mec, tu devais pas nous dire un truc super important pendant le festival ? Euh ... Garde le silence une demie-seconde et se rend compte seul qu'il n'est pas encore tout à fait prêt à s'épancher sur une soirée dont il ne garde que les gouttes de pluies (pleurs) sur le visage et les cadavres. Pff, comment tu peux savoir qu'elle a ... un gars ?! Mais putain d'où t'en sais autant sur ma soeur ? C'est ma soeur ou la tienne, merde ? Non, Leslie, mon raton, t'en as trop dit : raconte tout à ton grand ami Cameron ! Il resserre sa prise sur Leslie et se veut faussement menaçant : Cameron désireux d'une vérité se veut joueur prêt à dégainer.

@Leslie Mirzoyan

S'amuse bêtement de l'agacement de son confrère-Rat mais Cameron vite se fige alors qu'il écoute les dernières déclarations arrachées à la volée. Il s'essaie à une image mentale de la chose puis décide de s'en abstenir ; tout ce qui gravitait autour de Diane soit l'agaçait soit le répugnait (et quelque fois l'émouvait, il devait le reconnaître). Cameron se fige alors dans sa course mais son sourire reste plaqué étrangement sur son visage — il ne savait pas quel muscle contracter ou relâcher, dans le doute il n'avait rien changé ... HEIN ?

Il chercha à se sonder quant à quel discours tenir et puisa dans les films datés et les séries niaises qu'il avait regardé plus jeune pour essayer d'en reconstituer une réaction plausible et adéquate ; Cameron complètement perdu ne peut s'empêcher de garder silence encore un instant. Ha ha, c'est- c'est quoi ce bordel ? Ses membres s'étaient légèrement crispés mais Cameron dans sa fidélité et son dévouement aveugle accepterait (presque) tous les crimes et ne pourrait se retourner contre ceux à qui il avait juré amitié. Mais c'est ... euh qui son mec, Bellamy, là ? Mais
tu fais des trucs avec ma soeur ? Mais tu lui trouves quoi ? Il reste abruti, une seconde, puis cherche du regard un banc pour t'y poser avec Leslie. Mais c'est quoi cette histoire de gros baisé, frère ?! Un ouragan de pensées et d'émotions il en attrape une au vent et c'est à l'incrédulité qu'il décide de se limiter.

@Leslie Mirzoyan

Cameron aurait aimé que son frère choisi soit plus expansif dans ses histoires et ses dialogues. D'ordinaire il pouvait parler pour deux mais se rendait compte qu'il n'apprenait réellement jamais rien de Leslie. C'était un msytère pourtant si proche de lui : Cameron avait sans doute dû lui raconter toute sa vie sans que Leslie n'ouvre une parenthèse insignifiante sur sa vie à lui. Ah, euh, ok ... ?
Ouais j'imagine bien que tu gères. Je pense juste que j'aurais aimé que tu m'en parles avant, tu captes ?

Il chercha les bons mots pour décrire au mieux ce à quoi il pensait sur le moment. Mais Cameron garda encore quelque instant un silence blanc : devant ce qu'il venait d'apprendre c'était tâche hardie. Et puis Cameron n'était pas connu pour être subtil. Sa douceur reposait sur ses oeillades attendries mais jamais sur ses éclats de verbes souvent désastreux et néfastes malgré ses intentions pures et honnêtes. Les', c'est pas parce que tu gères quelque chose qu'il faut que tu gardes toujours tout pour toi, hein ? J'veux dire, je me rend compte que j'peux prendre beaucoup de place mais ça me ferait trop plaisir si tu me racontais plus de trucs sur toi, des fois, tu vois ? Cameron était peut-être trop calme pour la situation — la probable vérité c'est qu'il n'avait sans doute rien compris à ce qu'il venait de lui arriver. Mais touche pas à ma soeur parce que de un : c'est crade, mec, et de deux : c'est off-limit. Capicho Leslito ? Un drame n'en valait pas la peine : ils étaient déjà tous deux marqués à vie par les pertes et les ennuis ; Cameron n'aurait pas oser en rajouter encore.

@Leslie Mirzoyan

Bah, bien sûr que j'suis cool. J'serai pas un rat de la glisse sinon ! Son expression était légère — mais sans doute faussement. Il portait encore sur ses frêles épaules d'adulte le poids de cette soirée-là. C'était ce fiasco et ces morts qui pèsent sur sa conscience ; en suspens sans doute, mais toujours en épée de Damoclès qui menace de trancher tout ce qui s'y tiendrait en dessous. Il ébouriffa encore la tête de Leslie sans mot dire.

Un petit instant, il fut facile de discerner ce qui turbinait en Cameron. son visage s'était assombri et ses yeux semblaient s'être grisés, comme recouvert d'un filtre opaque. Tu crois - Avala sa salive avant de recommencer sa phrase. Lui qu'on venait d'appeler cool s'en sentit bien loin, l'espace d'une seconde.
On ne voit pas les héros douter. On ne les entend pas pleurer. Pourtant, Cameron parfois doutait. Ça lui arrivait aussi de pleurer. En était-il moins un héros ? Tu crois que tout redeviendra comme avant ? Avec Armand et Rhys, et tout ça je veux dire.
Ils sont morts, Leslito, putain ... Morts- tu te rends compte ? Ses yeux rougis clignaient mécaniquement dans le vide — pour la première fois peut-être Cameron découvrait la réalisation du deuil.

@Leslie Mirzoyan