– Hey, brother, nice and steady, Put down your drink, you ready It's hard when things get messy

Elle aussi aime ces routines. Ca l'accomplit. Elle sait que Pascal se moque du bruit de clochette torve que font les machines lorsqu'on les secoue un peu trop fort et qu'il n'intervient que dans les cas les plus subtils du desespoir. Ellui-même se sent bien incapable d'éprouver la moindre émotion un peu contradictoire, et pourtant sensible, qui ferait d'elle autre chose qu'un manequin vaguement aimable ; ceux dont on a un peu pitié lorsque l'on en aperçoit les contours à la décharge, parce qu'ils ont un semblant de visage.

Il porte l'uniforme un peu drôlement ; c'est comme si on l'avait fondu dans un gribouilli de toile et de satin ajusté. On a l'impression continue qu'il menace de déborder sa fonction incarnée à grands traits dans l'étoffe. Il a l'air d'un passant ; cette inconstance l'amuserait si elle était en mesure d'en penser quoique ce soit. Lorsque Pascal l'aborde, elle se retourne lentement - lui sourit largement, mais on ne peut pas dire que ce soit malveillant. Il exibe une joie franche et tranquille et on ne lui en veut pas de manquer de pudeur ; finalement, il offre un contraste saisissant avec le décor, dont les snobs ont besoin, car ils ont besoin de fantaisie ; cela les aide à ignorer leur sphère car il est plus difficile d'ignorer une assemblée uniforme. < Salut, Pascal... > son timbre est toujours un peu trainant, oscillant, comme sur un fil tendu entre deux mondes. Elle glousse même un peu en rougissant ; ça lui fait toujours plaisir lorsqu'on lui fait remarquer sa vanité ; et Pascal a le don pour être gentil, ,d'une gentillesse accessible, lénifiante, annihilante sur la durée. Elle aime son contact ; elle se raccroche à la litanie unique de sa propre futilité. Owl doit être à la hauteur de leur hypocrisie, elle pense. Celle de Pascal est joueuse, débonnaire de cruauté. Elle rigole fort, c'est fait exprès. < Ben... Owl elle a du travail... > La main sur la bouche, parodie pudibonde alimentée à blanc, elle pouffe en roulant des yeux, l'air de dire : tu vois le genre. Sa vulgarité complaisante fait peine à voir.

< Mais là, j'ai vraiment plus un rond. Pascal... J'peux t'emprunter un peu d'argent pour me racheter quelques parties ? S'il-te-plaît... J'ferai ce que tu veux en échange. Moi on me dit souvent que j'ai un don pour faire plaisir aux gens. C'est mon patron qui dit ça. Et d'autres gens. Mais surtout lui. Si je réfléchis, je peux t'en dire d'autres, mais là j'ai oublié. Alors qu'est-ce qui t'ferait plaisir en vrai? A part de l'argent, parce que tu vois qu'Owl elle a plus d'argent... Tout dépensé dans les machines !> Elle rigole ; c'est grossier.

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elle compte sur ses doigts, fait semblant de se tromper - elle se donne beaucoup de mal pour jouer la comédie, et plus encore pour que l'on comprenne qu'elle joue mal ! pascal, adepte toujours de ces formes de marchandage - acceptables, elles échappent à la curiosité inquisitrice des visiteurs - a la gentillesse d'attendre presque jusqu'à la fin du simagrée - mais pas si formellement tout de même ; il marche alors qu'owl étudie encore les conditions de sa propre humiliation en mimant la moue de papier froissé qui convient aux marionnettes de second plan. < 20 dollars ! quand même... Ok ! Ok ! C'est d'accord. > Son rire est apaisé ; il déborde d'une joie modeste, informe, qui fait peine à voir.  

il faut qu'elle se fasse belle ; c'est l'heure où on se le dit. lorsque le soir colore les rues avec sa mauvaise grâce et que les visiteurs rapportent un peu des suies nocturnes du dehors sous leurs semelles, il faut les accueillir en condamnant tous les signes du jour à venir. la patine cuivrée de la machine lui renvoie sa propre image avec l'impétuosité souillée d'un mauvais coup. ses traits sont tout étirés, comme si une main invisible tirait un fil au-dessus de sa tête, jusque par-delà le lustre au plafond. cela la fait rire à nouveau - heureusement, iel ne voit rien de cette euphorie là. on la voit qui plaque ses mèches derrière "ses" oreilles d'un geste un peu nerveux ; elle fait toutes sortes de mimiques et se remet même du rouge à lèvre - elle en a sur les dents.

< Merci Pascal, t'es le meilleur ! > en tendant les deux mains.
Cela ne lae dérange pas de se donner en spectacle. Au contraire, elle met un point d'honneur à offrir son manque d'intégrité en pâture aux attentions des plus voyeurs ; le plus désintéressé est la fascination, le mieux c'est. s'il s'agissait d'exhiber au monde entier le vide intégral qui définit sa probité par degré, elle n'aurait aucun mal à entamer par elle-même le grand spectacle de son abjection. mais le monde ne se satisfait plus de ces plaisirs, lorsqu'ils sont présentés sans faille, en faisant l'économie des décors et des manières ; il faut de la mise en scène.  < Vas-y, dis-moi quand tu commences. > L'idée déloyale que Pascal la tienne en joug, à portée de sa honte, la grise absurdement. Le début d'une émotion vraie, au visage monstrueux, couve sous les cendres de son embarras. < Mais tu montres ça à personne, hein ? promis ? tu jures ? > son ton est suppliant exprès, pour qu'il la trahisse.

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< t'es en train de filmer là ? tu filmes pascal ? >

elle rigole. rien ne grave n'arrive jamais dans les hauts lieux du vice ; et Pascal en l'enjoignant à l'humiliation la préserve des tentations d'un mal d'autant plus grandiose qu'Owl n'est pas capable de l'éprouver véritablement - l'on parle de la honte.

< oh ! > ses lèvres s'arrondissent en forme de note indécente- et puis, en penchant un peu la tête sur le côté, pour mimer l'abjection  : < o-k ! t'as toujours de trop bonnes idées, toi... >

autour d'elle, des bruits grossiers de mécanique, le cliquetis rauque du cuivre en trop dans les bassins en aluminium, et la rumeur sourde d'une humanité massive, conglomérée autour de leur unique ambition, et que l'espoir échantillonne comme dans une ruche ; de tout cela l'on ne démêle pas les rires les uns des autres, et la noblesse de cœur confond aisément les instincts les plus bas. A un moment, Pascal hurle en musique ; < hein ? un tigre ? où ça ? > iel tend le cou, pour faire semblant de s'intéresser ; mais la porte claque déjà derrière eux.
Owl a bien entendu le triomphe de sa machine ; mais elle rit doucement, une main sur la bouche, comme si iels venaient de faire une belle course. < eh, tu me racontes pas d'histoire, là ? y'a pas de tigres ici... ou alors, c'est un demi qui s'est transformé ? > et sa joie, quoique feinte, projette sur le bas de son visage des ombres de satisfaction larges et vaines. < merci de t'inquiéter pour owl ; c'est vrai qu'elle a très, très peur des tigres ! > bien sûr ; et hier, c'était des araignées ; et demain de l'orage ; l'on verra bien.

< je sors déjà ? mais owl a encore rien gagné > un pouce jeté par dessus son épaule, l'air un peu trop théâtral pour que l'on adhère à l'artificialité du geste. < et t'as presque rien filmé...  owl peut faire aut' chose tu sais. même ici. demande-moi c'que tu veux. tu m'as donné 20 dollars, quand même ! >

elle pose une main sur l'épaule de Pascal ; iel est juste un peu plus grand.e que lui. < t'as pas envie de me filmer en train de faire des trucs graves ? >

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on dirait des enfants aux portes du blasphème ; ils s'amusent du pire et de ses conséquences, en se donnant tout le mal des cœurs légers. l'un et l'autre présagent de leur crédulité, et survivent de naïveté qui s'ignore. les pactes marchent ainsi ; l'on se trompe allégrement, travaillant en commun à l'établissement des petits plaisirs dont on assume la volatilité. que les châteaux soient en carton pâte, que le velours des rideaux soit mangé aux mythes ; que le prince menace de s'éclipser en coulisse au moindre entracte venu ; après tout, peu importe. la simplicité de leur rapport inaugure pour owl les raisons d'une spontanéité malléable et délicieusement étouffante. il a posé la main sur son épaule ; et comme l'autre est libre, elle lui attrape.

iel sourit largement à la mention de saon adelphe. bien sûr, Siegfried les gouverne. < Owl comprend. > c'est évident ; ne rien faire qui puisse aller au-delà des contours piégeant la masse informe des oiseaux. l'on tient son ombre en laisse, bien sagement ; et si pascal fait faire à owl des trucs graves, c'est contre l'ordre des choses. < la prochaine fois, alors. > iel ne remarque pas la mine sombre de pascal ; plutôt, elle la remarque mais n'en pense rien. les lois de son vide sont fondamentalement égoïstes. si elle savait, cela ne changerait pas grand-chose. swan pourrait bien égorger pascal, l'éventrer ou le tuer sans fioriture - qu'elle ne transigerait pas avec l'acte. après tout, iel est doté.e d'un sens commun, et c'est une tare - puisque celui-ci repose sur un incohérent phénomène d'émulsion.

donc, elle ne pense rien de sa morosité nouvelle, et si surprenante, puisqu'il s'agit de la sienne ! iel connait de pascal beaucoup de choses apparemment infimes ; le fait qu'il aime se moquer mais sans jamais lui donner l'impression de l'humiliation directe - ce qui est encore mieux ; elle le sait naturellement désintéressé, un peu indolent, discret pour les clients mais incontournable ; et ces qualités qu'iel lui fabrique - c'est du sur-mesure - participent à la volatilité de ses perceptions, en ce qu'elles diffusent dans l'espace meuble de son appréciation - un ensemble d'impressions confuses et un peu dégradantes.

< j'y vais alors. on s'parle par message hein ? je t'aime ! > en l'embrassant rapidement sur le front. < tu diras à owl si tu postes la vidéo. owl te fera de la pub. tu vas devenir un grand real ! > le pouce levé, geste de félicitations prématuré. < j'prendrai soin de tes 20 dollars...> puis, elle s'éloigne sans se retourner, pas même une fois.