Lawrence n'a jamais trouvé de bonheur dans ses journées, dans ses venues au cimetière. Il a vu toutes les tombes être déposées par les années, la terre retournée et cela ne fait que depuis peu que le rythme perd son souffle. Ça ne fait que depuis peu, que les dieux ont décidé de prendre pitié, on comprit que leur génération n'est plus celle de héros aux éclats resplendissants, qu’ils se sont teintés d’ocre que l’on n’exprime plus en trophées.

Lawrence se tue dans ses pas jusqu'à la tombe, a perdu amis, proches, famille, a noter le nom de chacune de ses tombes, associer à une date ainsi qu'une cause et là dans ce décombre d'humanité August Marsh-Cryan lui arrache plus qu'une tristesse. S'y est déplacé après avoir fermé la bibliothèque, n'a pas la sanctification d'un deuil entier maintenant les années passées, a laissé la journée s'écouler comme toutes les autres, s'est habillé comme toutes les autres, porte du noir mais pas que, une mine fatiguée mais habituelle et un air loin de celui chaleureux que l'on attend habituellement d'un parent ou plutôt celle intensément triste que l'on devrait lui associer au rappel de sa perte.

C'est un pot de pervenche qu'il tient en mains plutôt qu'un bouquet, on lui a assuré qu'elle tiendrait, vingt ans souvent, parfois même plus et l’on espère toujours plus, alors arroser une plante un peu tous les jours ne lui semble pas tant demandé. De ça au moins il se sent encore capable, ce n'est pas tant un amour ou une tendresse qu'il offre, mais un soin qu'il se considère enfin légitime à poser au détours des regards.

Au détour d’un jugement connu qu'il ne pardonne plus. Tu n'as pas ta place ici et encore moins pour m'adresser ses mots. N'a pas envie de faire de ses instants un moment autre qu'entre lui et son fils. Ne lui accorde pas une mine, contente de se décaler avant de s'accroupir. N'a plus le même élan, donne une allure crochetée à sa silhouette tristement neutre, posant le pot aux côtés des autres fleurs, glissant quelques mots qu'il ne surssurent qu'à lui-même. Se donne le temps, un rituel en plusieurs minutes avant qu'il ne se redresse dans la même rigidité, ne se surprend pas de la présence d'Orion à ses côtés, qu’il cherche encore une confrontation, lui qui le surplomb sans un doute mais à qui on a retiré la moitié du monde, à lui, qui aurait pu agir. Est-ce que tu pourrais au moins avoir la décence de garder tes préjugés hors d'ici, c'est un stade minime de respect, n’oublie pas que cela aurait pu (aurait dû ?) être toi dans cette tombe.