c'était une nuit comme d'autres, maintenant
il y avait dans les habitudes nouvelles une fraîcheur étrange -qui restait collée au linge parce qu'on les lavait chaque semaine, et qui disait : dans sept jours, tout aura l'air neuf encore, mais pas tout à fait, et c'est là que stagnent les changements qui deviennent quotidiens
je ne fuis plus
j'apprends
sur moi, sur toi, sur nous
et, parfois, c'est vrai, je m'en vais
jamais trop longtemps parce qu'il y a avec toi un confort que je ne retrouve jamais ailleurs -je crois que c'est ça de s'ouvrir le cœur, juste assez pour laisser imaginer tout le reste, et toi t'es si patient, un ange presque, tu ne te faufiles pas dans les fissures, t'attends que je colmate et que je t'ouvre la grande porte, et ce soir encore je pense
à ta douceur et ta gentillesse
à quel point tu as changé ce que je croyais que je méritais.
il est tard, je ne sais pas l'heure mais qu'importe
tu dors et pour rien au monde je ne te dérangerais
j'écoute ta respiration tranquille, m'amuse à imaginer tes rêves
j'espère que je suis dedans.
et sinon, ce n'est pas grave -je veille sur toi ici
ma main glisse dans tes cheveux, les peignent tendrement
je devrais dormir mais je n'en ai plus envie.
alors, ça y est, hein ?
je regarde ses yeux fermés. cela faisait bien longtemps que vous n'étiez pas venues dans cette pièce, dans ce lit. mh ? c'est un silence qui m'a questionné, parce que vos voix n'ont pas l'habitude de se taire. mais, j'imagine, il y a un temps pour tout -et le vôtre, ce n'est généralement pas celui-ci
ça y est. tu as trouvé. je souris. pas trop. c'est doux. je ne sais pas. je chuchote. je ne veux pas le réveiller. peut-être. nous l'aimons bien. c'était une confession sans hésitation, presque peut-être préparée en amont -aviez-vous répété en silence, loin de mes oreilles ? je ris, moi aussi. tu as retrouvé une famille. c'était une phrase heureuse, sûrement
vous ne pensiez à rien de mal, sûrement
mais moi je revois celle que j'ai laissé derrière moi : cassé, tuée, la vie arrachée des corps encore palpitants
il n'y a plus rien à en dire ; si luna m'étais restée, je n'aurais probablement jamais rencontré cette rockstar toute fatiguée.
je ne souris plus, et le regard est lointain -il se perd quelque part, vous regarde peut-être
oui, j'imagine. pas de sang, ni de chair, mais de volonté et d'amour vous n'êtes jamais parties. c'est faux. on le sait toustes. mais je mens. parce que je ne pourrais jamais plus vous en vouloir que de vous aimer. alors, je n'étais jamais vraiment seul-e. je ne le serai plus jamais.

il y a dans le silence confortable un sentiment difficile à décrire
ce n'était pas de la confiance : elle était hors sujet, entre moi et les voix, puisqu'elles savaient tout de toutes manières ; peut-être même savaient-elles ce qu'il allait advenir de moi, et peut-être même me connaissaient-elles plus encore que moi seul-e
mais, dans l'absence de bruit, de conversation, on se contente de la présence de l'autre
on la sent dans l'air, dans le rien, dans l'assurance -dans le sourire fin sur mes lèvres, invisible dans la pénombre, mais ressenti au plus fort ; moi aussi, j'en suis certain-e, vos bouches sont juste trop occupées à être heureuses pour parler.
la conversation est coupée, mon corps appartient à d'autres mains (jamais complètement, toujours surtout à vous, et puis par dessus tout à moi)
je souris d'autant plus, tourne la tête, ferme les yeux sous la tendresse
la tête trouve sa place contre son torse, là où son odeur est la plus forte, et où je serai toujours protégé-e
mmmh un rien, presque ; pas de mots, pour sûr, mais une flemme soudaine et envahissante, une envie de retourner chez morphée, et de m'inviter dans les rêves de jun rien, on discutait et ça paraît si normal que je ne précise rien ; c'est qu'il est beaucoup trop tard, ou beaucoup trop tôt, et la confiance que je ai donné à junhao me fait oublier la logique, les confidences que je devrais garder, les secrets que j'ai entre mes doigts et dans ma tête
je viens m'installer mieux encore, remonte la couette jusqu'à mon cou, rendormons-nous, à deux, peut-être qu'alors le dieu aura pitié
et nous fera dormir au même endroit.

j'imagine les rêves que l'on pourrait avoir ensemble et je me questionne : ne rêverions-nous pas juste de dormir, ensemble, dans le même lit ?
dans cette pause où le temps n'a plus de réalité, j'en oublie la mienne ; celle d'un être qui cache autant qu'iel ne ment, et qui réussi à ne jamais mélanger ses fils car iel n'en dit rien. dans tous les pièges que j'ai pu faire, tu es le plus simple : il te suffisait d'exister. peut-être que ça aussi, c'était un rêve que nous ferions,
moi qui tombe dans tes bras.
je préfère le voir ainsi ; ça me paraît plus simple, meilleur, et quand le poids de la couette m'endort autant que le rythme tranquille de cette pompe qui te sert de cœur (que j'aime, alors), je me laisse aller aux rêves déjà
ceux dans lesquels tout se passera bien, toujours
où mes erreurs n'ont pas de conséquences, et mes actes intentionnels non plus
mais pas ce soir, puisque nous sommes encore réveillé-es, et que malgré tout nous appartenons à la réalité
le frais du soir s'engouffre sous le tissu relevé, mais j'ai surtout froid de comprendre ce qu'il vient de se passer ; ta peau est loin, et mes yeux collent, et le secret est éventré (le tableau est congelé)
il est encore temps de mentir
je pourrais dire : ah ! c'était un rêve
ou : oh ! parfois je parle dans mon sommeil
mais je n'aime pas te donner des mensonges ; je crois que si je commence, je ne m'arrêterais plus, et si je te protège de moi en évitant ce qui te ferait du mal (c'est moi qui décide ce que c'est), je ne veux pas sciemment te dire : je ne veux pas te donner la vérité, alors je l'avale et je recrache quelque chose d'autre, que tu croira car cela viendra de moi
non, ce n'est pas juste. ni envers toi, ni envers moi.
je me relève dans le noir de la chambre ; les voix sont là mais plus loin, elles se sont cachées sous le matelas je crois
ma main glisse, s'accroche à ta taille, et mon visage s'accroche à l'épaule
j'embrasse ce qui s'y trouve
non. d'abord, te rassurer il n'y a personne à part nous, d'accord ? tout va bien, chaton. je viens chercher une de tes mains avec la mienne, lie nos doigts pour te donner quelque chose à quoi te raccrocher
mais, euh, ah, comment dire ? je parlais bien à ... à quelque chose. je ne sais pas si tu as déjà entendu parlé d'un des pouvoirs des hécate ? de manipuler la brume ? je laisse le temps à la phrase de faire son chemin. il faut pouvoir suivre. il y a certain-es demi-déité qui peuvent naturellement la contrôler, sans être enfant d'hécate. j'en fais partie. nous ne sommes pas beaucoup, et au-delà de la manipulation, on peut aussi lui parler. en fait, pour moi, je ne les contrôle pas vraiment. je leur demande des choses, et elles acceptent. les voix n'ont jamais été bourreaux
elles n'ont jamais rien exigés ; elles n'ont fait qu'être présentes je dis les parce que je les appelles les voix. elles sont avec moi depuis tout-e petit-e. ce sont un peu des conseillères, tu vois ? et, forcément, on parle parfois de toi. je m'avance, tends la nuque pour t'embrasser dans le cou elles disaient qu'elles t'aiment bien.
c'était peut-être l'information de trop
je me rends soudainement compte que j'ai peur
si je tiens ta main aussi fortement, c'est peut-être pour me rassurer moi