— Pouah ! Qu'est-ce c'est fatigant le ménage, hein ?

Tu étouffes un bâillement volontairement sonore et exagéré, autour de toi, les ricanements fusent. T'es allongé comme un roi dans ton plumard, de même que tout les autres. L'Inspection des bungalow est dans une quinzaine de minutes et celui qui sera jugé le plus sale se verra être de corvée de latrines. En bon chef de bungalow que tu es, tu as décidé qu'il était hors de question de faire connaître ça à tes Adelphes. Après tout, vous êtes les enfants d'Arès ! Récurer les chiottes, vous laissez ça aux deux zombies des Thanatos. Non, vous, vous allez présenter un bungalow bien propre et pour ça t'as mis sur le coup une équipe de choc.

— Là, y a une tache.

Ton regard se pose doucement sur le seul glandu occupé à récurer le parquet. Tous tes autres adelphes sont sagement assis ou allongés dans leur lit respectif. Tu n'as pas menti quand tu parlais d'équipe de choc. On ne met pas quelqu'un d'inexpérimenté sur un coup pareil. Non, il n'y avait que lui pour accomplir pareille tâche. Lui qui savait si bien lécher le sol.

— Whoua, tu fais ça trop bien, frangin.

Tu esquisses un sourire met un pied en dehors de ton lit, comme-ci tu t'étais enfin décidé à l'aidé. Mais à peine poses-tu le pied par terre que, oups, ce dernier vient heurter une poubelle remplie de mouchoir à l'odeur... Peu alléchante.

— Arf ! Mince alors ! Pardon frangin, j'ai renversé la poubelle de Daren.

Un chic type, ce Daren, tant qu'on oubliait le fait qu'il était le plus crasseux et sans gêne d'entre vous.

— J'voulais t'aider mais, vraiment, c'est plus sage que je t'observe.

Un sourire triomphant orne tes lèvres.

— Ramasse.

Autour de toi, tes adelphes rigolent.

"Un jour je serai ambassadeur". Tu ricanes, ton frère te donne l'image d'un gosse revanchard qui brandit son hypothétique gloire future comme bouclier. Sauf qu'un enfant d'Arès n'a que faire du futur ou même du passé. À tes yeux, seul l'instant présent compte. Et tu es sûr que ton père pense pareil. Il te regarde, tu le sais. Et ce qu'il voit c'est ton frère occupé à jouer les ménagères. Tu ricanes.

— Ok Sacha. Maintenant, balaye.

Tu offres un sourire à tous tes adelphes. Sourire qui se meurs, lorsque la poubelle de Daren te tombe dessus.

— PUTAIN !

Tu te considères plutôt hermétique au dégoût, mais avoir la poubelle pleine de mouchoir dégueu de Daren te donne envie de gerber. Tu bondis de ton lit au moment où la nymphe de l'inspection décide de venir. Évidemment. Ton regard s'assombrit. La sentence tombe. Et Cecil, lui, fait le malin. Tu fais doucement craquer ta nuque, siffles entre tes dents.

— C'est bien, bravo, à cause de ta mesquinerie on va récurer des assiettes. Tu te trouves marrant ?

Tu joues des épaules, absolument pas subtile concernant tes intentions.

— Maîtrisez-le.

Deux Ares se jettent sur ton frère pour le plaquer au sol par les épaules. Tu t’assois sur lui en y mettant tout ton poids. Tu te penches à son visage.

— On va commencer par essuyer la vaisselle sale dès maintenant. Je vais te montrer, attends.

Un sourire dément naît sur tes lèvres. Tu agglutines ta salive sur le bord ta bouche pour la laisser pendre dans un filet que tu laisses s'écraser lentement sur son visage. Le supplice dure d'interminables secondes et quand enfin ta bave touche sa peau, tu prends un bout de ton t-shirt pour l'étaler sur ton visage en frottant énergiquement, sans délicatesse.

— Faut faire partir toute la saleté, hein les gars ?

Tu ris, ton œuvre achevée, tu te redresses.

— Ça c'est pour avoir fait honte à papa.

Ah. Tu jubiles. Tu respires pour voir son petit air supérieur se faner. C'est trop bon de le remettre à sa place. Il t'a toujours méprisé, au prétexte d'être le premier. Mais tu le sais, Midas, tu le sais, que tu vaux mieux que lui sur tout les points. Tu es le digne de fils de ton père, tu es le fils parfait de ta mère. Il fut peut-être une époque où tu cherchais son affection. Peut-être aujourd'hui cherches-tu également une forme de reconnaissance. Le fait est que, peu importe, tu vaux mieux que lui. L'histoire ne retiendra qu'un seul Warren et ce sera toi.

Triomphant, tu souffles du nez. Prêt à partir comme un prince, mais Cecil n'est pas décidé à se laisser faire. Tu butes contre sa jambe et te rétames en arrière. Tes fesses heurtent douloureusement le sol alors que Cecil, libéré, se jette sur toi pour te frapper. Le coup part, ta tête part sur le côté. Tu écarquilles les yeux, une seconde sonnée. Puis tu vois rouge.

Tu écrases ton crâne contre le sien dans un choc violent. Si ça fait crack, tu ne t'en préoccupes pas. Tu sais avoir l'avantage au corps-à-corps. Bénis, sois le don de ton paternel.

— JE PARLE DE LUI ESPÈCE D’ADOPTÉ !

Tu plonges à son épaule pour le mordre comme un clebs enragé. Tu veux qu'il saigne, qu'il hurle, qu'il comprenne la différence de puissance entre eux. TU ES SON FILS QUAND LUI N'EN AI QU'UNE PALE COPIE !

Tu te redresses, vous roulez ensemble sur le planché que tu griffes, que tu frappes.

— Regarde-toi ! La seule raison pour laquelle il t'a revendiqué c'est pour s'épargner la honte que les gens se rendent compte qu'il avait engendré une chiffe molle pareille ! Parce que les gens auraient su en me voyant que même le grand Arès pouvait mettre au monde une putain de tapette !

Tu lui craches dessus en guise de ponctuation.

— Tu lui fais honte, tu me fais honte, même maman à honte. Ta place c'est dans un musical sale cafard.

Tu arrives à le bloquer, grogne en essuyant quelques coups. Tu le maintiens, la tête contre le sol et souffle contre son oreille.

— T'es faible, grand-frère.

La lame taillade ta joue. Vous en voilà aux armes blanches. Cloué au sol, personne ne réagit. Personne n'ose. Toi, tu ne fais plus attention à ceux qui t'entourent. Alors tu ne vois pas, ce jeune Arès d'à peine huit ans s'éclipser par la porte. Toi, tu ne fois que Cecil.

— T'as pas compris, j'crois. Tu parles comme ces précieuses d'Athéna.

Tu ne t’embarrasses pas à épargner ton t-shirt. Tu contractes, pousses sur ton abdomen pour te redresses. Le tissu se déchire en même temps que tu te relèves, laisses ton torse apparaître telle une provocation peu subtile. Tu découvres volontairement tes points faibles, te donnes l'air d'une bête. Tu te penches et tires d'un coup sec sur le couteau planté pour t'en saisir.

— T'as pas compris, grand-frère, ce que c'est d'être le fils de notre père.

Tu craches sur le sol, fait jouer ton couteau, en partie pour la frime, en partie pour le soupeser rapidement.

— Tu veux me planter, salope ? Bah vas-y. Plante-moi. Plante-moi. Quoi ? Tu n'oses pas ? Oh non.... Tu flippes ?

Tu le regardes, hilare, ouvre grand les bras pour éclater d'un rire volontairement sonore. Sonore à en faire trembler les murs.

— REGARDEZ-LE, LE FIER FILS D'ARES !

Tu te lèches la lèvre, souris, puis soudain.

— BOUH !

Ton cri puissant, fige la plupart des Ares devant toi. Tu profites de la surprise pour foncer sur Cecil et lui décrocher une droite bien sentie. Tu te pavanes, les bras en l'air, comme pour appeler au triomphe ! Tu rugis comme un lion, hurle comme un loup. Le plus animal des garçons. Tu frappes ton torse, transit d'adrénaline . Putain c'est bon !

— Bah alors Cecil ? T'as bobo ? Tu veux que je te fasse un bisou magique comme quand on été petits ?

Le bungalow est un stade où tu te pavanes à grand conquérant. La violence est un spectacle raffiné dans lequel tu te fais bête de scène. Sous les sifflements de ton camarade, tu rugis encore, grand seigneur et grand prince. Tu vibres de l'importance qu'on te donne, de la puissance qu'on te reconnaît. Mais Cecil te connaît trop bien pour te laisser. Tu ne lui prêtes pas attention, le regrettes quand la lance te heurte la joue. Tu recules de quelques pas, l'excitation te donne un sourire carnassier. Vous êtes plus débraillé l'un que l'autre. Tu avances d'un pas, sans la point de la lance contre ta peau, dangereusement proche de s'enfoncer, mais tu souris.

— Quoi, c'est tout ce que tu trouves ? Tu crois que je vais pleurer pour un tatouage ?

Tu saisis la hampe de la lance pour l'arracher des mains de ton frère et la planter d'un geste ferme au sol.

— ET BIEN QU'IL EN SOIT AINSI !

Tu te débarrasses de ton t-shirt déjà en lambeau qui n'est plus qu'un chiffon gris sur le sol. Tu lèves les mains pour encourager la clameur à se faire plus forte.

— Un rite que guerrier pour un guerrier, ça me parle ! Admire, papa ! Sort ton kit Ben !

Tu t'approches de ton frère la belle insolence aux lèvres.

— Et toi observes et apprends, t'as malheureusement pas eu le don de dignité à la naissance.

Il est plus grand que toi, que ce soit en taille ou en un âge. Mais il n’empêche que tu tends la main pour ébouriffer ses cheveux, avec toute l'humiliation que tu sais que ça va lui provoquer.

Tu t'allonges sur le lit de Ben, un sourire pour tes compagnons. Tu joues des épaules , comme-ci tu t'impatientais. T'es trop occupé à faire le fier pour remarquer Cecil prendre à part Ben. Quand, quelques secondes plus tard, Ben se penches sur toi pour commencer à travailler, tu t'attends à passer un glorieux moment. Et à peine pose-t-il l’aiguille, que c'est l'enfer. Un douleur aussi brûlante que vive te transperce l'épaule. Tu écarquilles les yeux, manque de crier mais te retient. Putain ? C'est quoi ce cirque ? Pourquoi ça fait aussi mal ? Tu lèves yeux sur le curieux, pour surprendre ton frère, l'air concentré sur toi et ce qu'il se passe. Tu entrouvres les lèvres... Tu comprends. Tu le fixes, l'air de le défier en silence ? Il te pense trop peu endurant pour tenir ? Qu'il contemple ! Tout le temps que dur le tatouage, tu ne fais que le fixer lui. Et quand enfin Ben arrête, aussi fier que tu le sois, tu peines à masquer ton soulagement. Tu joues des épaules, te redresses. Tu sens tes adelphes regarder ton dos. Tu souris, t'attend à des sifflements mais tu ce que tu entends ce sont des ricanements.

— Quoi ? Pourquoi vous vous marrez les guignoles ? Qu'est-ce que tu m'as tatoué Ben ?

Là tout le monde éclate de rire. Tu te précipites vers le miroir à pied du bungalow et te tords pour voir ton épaule rougie sur laquelle trône une étoile remplit de noir.

— Qu'est-ce que...

Tu surprends dans le reflet Ben hausser les épaules et lancer un regard à Cecil. Oh. Tu vois. Tu vois, très bien. Et tu n'as pas besoin de penser pour que ton corps réagisse. Tu t’élances pour te jeter sur lui. Tu le saisis par les cheveux et éclates son crâne contre le sol. Tu armes ton poing de libre pour lui en coller une.

— SALE PUTE !

Tu te relèves, lui crache dessus.

— Y en a d'autres qui se sentent d'humeur à rire ?

Tu défies chacun de tes adelphes du regard. Ça baisse les yeux.

— Le signe d'un esclave hein ? Marrant, parce que c'est l'esclave qui commande.

Tu frappes ton frère dans les fesses, puisse son coxis se briser si ton père t'entend.

— Relève-toi, sale chienne. À moins que tu sois déjà ko ?

Tu étires ta nuque.

— Et si on disait que c'était le tatouage du chef, maintenant, hm ?

Tu te penches sur ton frère pour le remettre sur ses pieds.

— T'y vois pas d'objection, hein ?

Tu es tout proche de lui et tu souffles encore hargneux du coup qu'il vient de te porter. Tu glisses tout proche de lui, pour que seul vous en soyez témoin.

— Je vais faire de ta vie un enfer sale cafard.