La peau souffre encore de l'agression que tu lui as infligé quelques heures plus tôt. Il avait fallu faire preuve d'une détermination sans faille pour plonger son propre visage dans les flammes. Tu avais conspiré à ta vengeance pendant deux longues années - le résultat et la douleur, bien qu'atténuée par ta faible maitrise de dolokinésie, en valait la peine. Il est vingt-deux heure trente et, assis sur ton lit, tu ne regrettes rien.

Certains de tes adelphes passent, la plupart t'ignorent mais tu les entends chuchoter. Tu te laisses tomber sur le matelas et fermes ton seul oeil capable d'être ouvert - l'autre ayant la paupière collée et gonflée pour le moment.

La responsable de l'infirmerie, accompagnée d'une fille d'Apollon, vient t'inspecter. Ça va aller Warren ? On va s'occuper de faire dégonfler. Malheureusement, on ne pourra pas faire disparaitre totalement la marque de brûlure. La peau sera moins abimée que ne le serait un mortel, mais tu garderas à vie une trace.

Tu ne dis rien, espères simplement que tes frères et soeurs en prennent de la graine. Si seulement ils savaient... à quel point c'est dur de retenir le sourire qui désespérément cherche à sortir. Tu te laisses faire.

Pendant ce temps, tu sais Midas en proie avec Charon et Mr. D. Tu espères secrètement qu'il se fait lourdement réprimander. Mieux encore, qu'ils se rendent tous compte que c'est un incapable et qu'il n'y a que toi pour pouvoir le remplacer.

Une fois l'infirmière partie, tu sors du bungalow pour aller marcher un peu, espérer espionner un peu du côté de la grande maison. Il est vingt-trois heures cinq et le vent souffle dans les vignes. Derrière la maison, tu entends des pas dans les brousailles environnantes. Tu te retournes, sur tes gardes, avant de voir la silhouette d'Ellair, un de tes demi-frères, se rapprocher.

Tu m'as suivi ?

Tu le toises avec une certaine distance. Tu portes une main à ton visage pour te cacher.

Si tu es venu te moquer, je te frappe.

Parce qu'il n'y a que la violence à laquelle vous êtes habitué chez les enfants d'Arès. Vous parlez ce langage.
((Bien qu'avec lui, tu veuilles en parler un autre))

Pas besoin de la cacher. Tu profites de cette opportunité pour la saisir. Tu dissimules tes véritables intentions dans une fausse pudeur, instrumentalisée pour qu'il fantasme à ta bravoure. La fierté n'est pas endeuillée, loin de là. Elle est sublimée par les regards compatissants et honorés qu'ils te portent tous. Tu jubiles, Cecil, de voir ton frère tomber en disgrâce au même titre qu'ils t'élèvent en héroïque rescapé.

Je ne veux pas faire reposer l'entièreté des fautes sur Midas.

Le mensonge bien ficelé prend racine dans cette innocence que tu sais jouer à la perfection. Tu as l'air peiné, Cecil, mal à l'aise. Au fond de toi tu te couronnes déjà roi.

Notre mission s'est mal passé. Notre compagnon est décédé par la furie et celle-ci m'a attaqué.

Tu te montres à la lueur de la lune déjà haut, avances de quelques pas vers lui pour poser une main délicate sur son épaule.

Qu'importe que Midas ait fauté. J'ai la ferme intention de redorer le blason des enfants d'Arès.

Tu étires un demi-rictus et appuies ta prise, telles les serres d'un rapace affamé.

Merci de ton futur soutien, Ellair.

Cela devient de plus en plus compliqué de ne pas vomir ta propre nature, jusqu'alors sclérosée dans ton système. Ellair pourrait peut-être comprendre si tu lui expliquais... Non ! Non il ne comprendrait pas ! Continue Cecil ! Ne perds pas pied. Tu fermes les yeux l'espace d'un instant pour recentrer le fil de tes pensées. Jusqu'à ce que l'exclamation d'Ellair te force à les rouvrir brusquement. Sa colère est un honneur.

Calme-toi, Ellair.

L'araignée tisse sa toile dans son esprit déjà tourmenté.

S'il te plait, je ne veux pas de problème. Chiron et Mr. D. sont déjà en train de régler ça.

Mais pourquoi le retiendrais-tu d'avantage ? Midas est trop stupide pour que sa vérité ait de la valeur. Il aurait beau essayer de t'inculper, il est déjà fini.

Mais évidemment... Si jamais tu veux faire porter ta voix, je ne t'en empêcherai pas.

J'irai le battre, qu'il dit. Tu te mords la lèvre, le regard écarquillé de malveillance.

Et j'irai l'achever.

C'est une promesse dans un murmure.

Il a l'air de douter de sa propre voix. Tu n'as pas pitié des morts, Cecil, mais bien des vivants qui s'interdisent de parler. Tu caresses sa joue du bout du pouce ; t'autorises vaguement une tendresse sans arrière pensée (parce qu'il est ton frère ton sang et ton allié) avant de baisser les bras le long de ton corps. Tu te tournes à demi sur le côté pour fixer les silhouettes flous qui s'agitent derrière la fenêtre, à l'étage. Tu crois reconnaitre les quatre pattes de Chiron et les boucles d'or de Midas.

Oui. Il faut frapper fort.

Il n'y a que comme ça que ça rentre, pour les crânes durs comme ceux de ton frère.

Profiter de sa faute pour reprendre le pouvoir qu'il nous a volé il y a des années.

Ça aurait dû être toi !
Midas ne peut pas être un leader crédible et correct pour mener les fils et filles d'Arès à la victoire. Tu refuses de le laisser vous faire courir à votre perte.

Tu peux le battre, si ça te chante.

Tu ne lui adresses aucun regard, tu sais quoi faire pour le rendre dépendant de tes oeillades approbatrices.

Je ne t'en empêcherai pas.

Tu l'encourages même, tu l'incites !

Je vais m'exprimer à nos adelphes ce soir. Est-ce que tu seras à mes côtés ? J'ai besoin de toi Ellair.

Tu confesses.

Je ne l'ai jamais dit à quelqu'un d'autre. Il n'y a que toi qui compte, que toi.