« the only ʟᴏᴠᴇ of God they may see is the ʟᴏᴠᴇ they see in you, and if you don't show them the ʟᴏᴠᴇ they can see and feel, they're going to have a hard time believing that there is someone up there whom they don't know and that He really ʟᴏᴠᴇs them. »

— MO letters, new life, new ʟᴏᴠᴇ

mais Love ne voulait pas en montrer, de l’Amour, à quiconque sur cette île et même sur sa voisine - Manhattan la presqu’archipel d’à côté - et peut-être carrément à quiconque sur Terre.

c’est une Terre de clebs ingrats, méritants rien. il trouve. des clébards sans-cœur et peureux de la Mort, toujours quoi qu’il arrive, tellement qu’à tout va ils aboient au visage de la Mort et ses fils et ses filles comme si c’était leur faute, si la Mort les a faits et puis, comme si cela suffisait à vaincre celle-ci. en attendant ce n’est jamais la Mort qui frappe la première et d’ailleurs, la Mort ne frappe foncièrement que dalle - juste aux portes - parce qu’avant elle des clebs ou des hommes ou des dieux ou qu’importe ce qu’ils sont, bref, parce qu’avant elle ceux-là se conduisent en vrais chiens qui déchirent des gorges et s’étonnent à la suite d’avoir la Mort en face. alors voilà. c’est tous des clebs, il trouve, peureux sans-cœur ingrats qui ne méritent rien surtout pas de l’Amour, qui ne méritent rien que la Mort après eux et très bien fait pour eux ! en fait ! qu’ils aient connu la Mort dans les rues récemment, c’est très bien fait pour eux et plus que les maudire Love leur moque les deuils !

dans ces rues de l’Atè il y a encore les traces du massacre d'hiver - des commerces fermés, des immeubles sans vie - et malgré tout ce monde populacier passant il se sent en la foule une faim d’Amour immense, le moindre réconfort affreusement bienvenu ;

lui se fiche de cette faim. il s’en fout de la foule. il marche au milieu direction l’adresse même où personne n’a peur ni trop d’ingratitude, où la plupart des gens ont un semblant de cœur - le squat’ des païens à peu près respectables - et si quelqu’un l’appelle il ne répondra pas puisqu’à chaque fois qu’untel a réclamé l’Amour ça s’est terminé sale, n’importe comment, vraiment. quand bien même quelqu’un l’appelle doublement Love et s’appelle Krista comme celle des racontars se traînant au quartier, et qui disent qu’une Krista qu’on connaît cherche l’Amour - fraternel ! - il s’en tape, là, pareil ! trace sa route impassible envers et contre tout jusqu’à ce que tu viennes en travers, soudain. et s’il se souvient ? de toi, parfaitement. de vous deux enlacés en demi-frères et sœurs par contre ça, c’est nouveau, à tel point qu’à l’instant il s’effarouche vite tu m’fais- quoi tu me fais - oh, pas du mal ! - mais tu fais des gestes familiers trop gentils d’un coup et dès lors où tu lâches tu me fais CHIER ou tu M’ENRAGES ou ! je sais pas, ce que tu me fais, avec tes mains qui serrent mes mains et ton œil scintillant des trucs - des trucs joyeux - comme des joyaux et arrête ça sifflé - arrête tes mains qui serrent ses mains, pour commencer - les siennes libres, il préfère. pique un fard et te fixe ... je sais qui t’es - tout comme il sait qui est Ezra - j’suis pas débile. vous êtes Krista, Ezra, point barre. ses adelphes pour l’heure c’est un concept abstrait, si neuf qu’il s’en méfie - se ment un outsider - toi par contre tu l’es débile si tu crois ça. vous et lui, une famille ? laisse-le rire faussement. qui c’est qui t’a dit ça ? ton père ? cet innommable, il ne vaut pas l’effort de recracher son nom ; de toute façon, Krista, ton père c’est pas mon père ! Love est né d’une mère de nulle part et basta ! ton père il peut parler, ça ne changera pas.

vous êtes cruels, voilà ! c’est vous les vrais cruels et pas lui - jamais Love - et cruels vous l’étiez car chaque fois que c’est lui ça vous pique, toujours, à votre ego ou à votre il-ne-sait-pas-trop-quoi, à votre quelque chose qui vous pâlit les joues et vous brouille les yeux. toujours ça vous dérange que ce soit Love, sauvage, tandis qu’un chat de gouttière vous vexerait peu - il pense vous mais c’est toi, dans ce cas, par exemple - oh avoue-le, Krista ! s’il avait été un félin, et pas l’humain Love, et qu’après que tu l’aies enlacé forcément il s’était hérissé, t’avait craché dessus… est-ce qu’il t’aurait vexé ? non ! bon, tu vois !

vous êtes cruels, alors, et toi pareil dès lors où tu frôles les larmes. aussi tu l’es beaucoup quand tu tournes ses mots dans le très mauvais sens : quand tu déformes au fond ce qu’il t’a persifflé. il t’a dit qu’il n’était pas débile et c’est tout, et tout de suite toi tu crois que cela t’accuse de quelconques insultes ; c’était juste un rappel ! c’est comme les chats dehors ! ils se font le gros dos pour qu’en face on n’oublie surtout pas qu’ils sont forts, capable de griffer. pourquoi faire, tu demandes ?

pourquoi Love t’a dit ceci et le reste, parce que. parce que ton père c’est pas mon père enfin peut-être, peut-être que t’es ma sœur ou peut-être pas, j’sais pas. et puis parce que ces termes le dégoûtent foncièrement, d’une manière inconsciente : le terme paternel suivi du terme grave, pratiquement sévère, revendiqué par lui. Thanatos formulé de cette façon, il trouve, ressemble dans ta bouche à un dresseur de chiens qui s’en réclame trop tard. comme quoi le type en aurait revendiqué trois, et donc ? qu’est-ce qu’il leur est ? leur paternel mais un père ça n’oserait pas s’adjurer ses enfants comme on fait les clébards ! leur propriétaire voire leur nouveau maître sinon ? ah tu vois, comme c’est crasse ! et quoi qu’il advienne Love n’a rien d’un clebs, lui, contrairement à vous tous. personne me revendique, moi, j’suis pas un animal et c’est pas la fourrière, ici, sur l’île de Nausikaa, du coup ton père il peut parler autant qu’il veut moi je m’en cogne j’en veux pas de son copyright ses droits d’auteur d’enfants - quelle blague ! - j’ai pas de père. voilà. j’ai pas de sœur non plus mais tu es si cruelle, avec ton regard plein d’eau et tes mains cachées dans tes poches comme si les deux étaient punies - tu lui fais de la peine cruellement sentie, en pinçure à son cœur - il te fixe et se froisse à force de te fixer, fronce les sourcils, fâché, arrête de faire c’te tête on dirait je t’ai dit des trucs de fou furieux ?? il n’a fait que te dire des trucs un peu méchants, pourtant ! pourquoi tu pleures - quasi - je t’ai genre rien fait, c’est toi ? t’arrives t’es là tu me touches comme- un presque frère, il croit, avant de croire une bête dénichée dans la rue fait qu’il bute sur le mot, comme- comme je sais pas quoi ! et s’il pince ses lèvres et regarde vite ailleurs c’est que ne pas savoir le trouble sous l'air à cran.

et tu pleures parce qu’il t’a comme piétiné le cœur, tu dis, au suivant des clameurs et c’est pratiquement lui dire regarde-toi ! debout là devant moi ! entre vous les prémices d’une tendresse de printemps, les bourgeons si fragiles de la famille fleurie - tout juste - à peine vertes les pousses écrabouillées par Love, le sauvageon distrait massacreur des roses.

tes yeux terminent par terre.
les siens suivent enfin.

au sol c’est le macadam pavé de travers sauf qu’après ton chagrin, lui, il voit un jardin. sous ses pieds des pétales de paquerettes broyées, les lambeaux de corolles languissant qu’on défasse - tu sais, comme on fait à l’enfance pour savoir si l’on s’aime - un peu, beaucoup, passionnément, à la folie si ce n’est pas du tout. mais donc. à te traîter si mal il t’avait arraché le bouquet-là des mains, réduit en charpies. et tu pleures et tu parles à l’imparfait déçu, le temps passé déjà, dorénavant fichu. tu crois ?

tu crois que c’est gâché pour vous trois, franchement ? il toise encore l’asphalte un instant trop taiseux, Love, et puis relève le nez - médusé, ou penaud, ou les deux mélangés au qui-vive tenace, son instinct de survie tout teinté du malaise - il te l’a dit, pourtant. ce n’est pas toi l’ennui. ton père c’est pas mon père et quand même toi tu penses qu’on peut jouer les adelphes sans parent officiel ? ... j’sais pas, je- sais pas quoi te rétorquer, en fait, je suis pas sûr d’avoir attendu qui que ce soit surtout pas pendant vingt-et-un ans, mais rien. je te réplique rien, moi d’abord je m’étrangle. les passants tout autour nous matent bizarrement - embarrassés pour nous, on dirait - ça me brûle. leurs yeux. tes yeux. tout ça. je déglutis comme si cela suffisait à ravaler l’incendie qui m’embrase la gorge. ça brûle toujours. j’expire ’scuse-moi. pour lui c’est rare de s’exprimer ! les amours en tout genre, notamment sans danger, c’est des langues étrangères jamais bien maîtrisées - barbares dedans sa bouche - quant à celle des signes affectifs, c’est pire. serrer l’autre contre soi lui paraît impigeable. c’est juste… j’ai pas aimé, ok ? que t’arrives, que tu fasses ça - avec tes bras, un nid, une sorte d’abri soudain - ça m’a surpris. voilà. et maintenant tu les sèches un minimum, tes joues ? tu vois s’il n’a de cesse de répéter j’sais pas c’est qu’il est ignorant - s’en cache très maladroit mais puisqu’il t’a blessé - sincèrement, Krista. j’savais pas que ça t’avait fait autant plaisir. d’avoir Love en frère neuf. j’pensais… j’sais pas - que tu t’en foutrais, p’t’être. à son esprit forcené ton indifférence aurait fait sens, au moins. et c’est pas que je m’en fous qu’il bredouille alors c’est de sa faute s’il trébuche sur les mots, cet idiot, il a flingué les fleurs - ces souffleuses de texte ! - c’est un peu ? il hésite, cherche le terme parmi les dahlias ravagés, ah ! là ! il l’admet : c’est beaucoup. tu comprends ? beaucoup d'amour d'un coup.