depuis que le signe de Thanatos s’était illuminé au-dessus de ta tête, tu te surprenais souvent à penser “j’ai une famille maintenant”. enfin, une famille… un Père qui ne voulait pas de ses enfants, un frère, une sœur décédée et potentiellement un deuxième frère. mais tu ne baissais pas les bras ! pas quand un de tes rêves les plus chers était à portée de main ! de plus qu’il ne t’a pas fallu très longtemps pour trouver Ezra, populaire comme il est. bon il n’a pas une belle popularité qui le poursuit mais au moins cela avait faciliter tes recherches.

en début d’après-midi tu rejoins donc le domaine des Spartes, avais demandé à l’entrée si “Ezrael, fils de Thanatos” était là aujourd’hui et avec une expression dure on t’avait répondu que oui, mais tu n’avais pas osé t’aventurer plus loin, préférant attendre à l’extérieur. tu n’avais pas peur de ces brutes, tous muscles, plein de rages et pourtant gardien de la sécurité de cette île, tu n’avais pas peur de la bâtisse qui se dressait devant toi. non. tu avais peur de rencontrer ton frère. rien que l’idée d’avoir un Père, un frère - peut-être même deux ! - de ce même Père te semblait irréelle ! tu avais passé près de vingt-deux ans à chercher une famille, à te convaincre que c’était peine perdue ou bien que tu n’en avais pas besoin, et voilà que tu en avais une du jour au lendemain. une famille au prix de rivières de sang, de tas d’os et de chair, digne des enfants de la Mort.

en l’attendant, tu avais eu le temps de fumer une cigarette, puis une deuxième, une troisième, mais consciente de l’odeur qu’elles laissaient - tu voulais faire bonne impression ! -, tu décides de combattre l’anxiété montante tantôt en écaillant le reste de vernis de tes ongles, tantôt en rongeant la peau autour de tes ongles. tu vérifiais constamment que ton manteau était bien propre, bien droit, tes manches aussi, ton pantalon, tes chaussures, passaient même une main dans tes cheveux pour les recoiffer. tu te mets même à machouiller l’ongle de ton pouce, sursautant presque quand quelqu’un émergeait du domaine de Spartes. puis, enfin, Ezra en sort.

tu le fixes un instant, pour t’assurer que c’était bien lui, trouver dans tes souvenirs un visage à son nom, mais il ne fallait pas chercher, penser, plus longtemps — il avait, comme toi, la Mort qui lui collait à la peau. à pas rapides, tu le rattrapes salut ! excuses-moi, Ezrael, n’est ce pas ? te surprends un peu de faire la même taille que lui avant de prendre sa main dans la tienne pour la serrer je m’appelle Krista, on s’est brièvement connu à la colonie, enfin j’ai essayé de te parler mais Simca a pas aimé et- enfin bref- j’ai été réclamé par Thanatos donc on est frère et sœur maintenant !! avec un grand sourire aux lèvres il y a aussi Love qui a été réclamé par Thanatos, enfin c’est ce qu’on dit, mais c’est si rare comme événement donc ça doit être vrai ? tu n’avais pas lâché sa main, serrant et desserrant ta prise au fur et à mesure de tes mots — tu n’avais jamais imaginé pouvoir être si anxieuse devant ton frère. tu pensais que tu serais plus enjouée, plus confiante, mais le concept d’adelphie, de famille était si distant que tu ne pouvais qu’être nerveuse.

pendant que tu parlais, tu avais eu le temps de découvrir ses traits proprement, chose que tu n’avais pas pu faire à la colonie. mais qu’y avait-il à découvrir quand vos visages étaient si similaire ? tu ne connais que trop bien ce teint pâle, ces cernes et ce visage creusé ! ces cheveux noirs, tu les avais portés jusqu’à ta sortie de la colonie ! vos yeux, voilà la seule chose qui vous différencie vraiment, les siens verts contre le bleu des tiens. il y avait un certain bonheur à voir que vous vous ressembliez tant !
est-ce-que ce sera la même chose avec Love ?

ton sourire disparaît soudainement quand Ezra rompt le contact physique ah ! pardon- excuses moi ! ne me déteste pas ! ne me déteste pas ! je- j’avais pas réalisé que je te tenais encore la main… et tu ranges de suis tes mains dans les poches de ton manteau, trouvant des petites bricoles abandonnées à tripoter dedans pour canaliser ta nervosité.

mais le sourire te reviens quand à sa question, oui ! enfin de mon côté oui… après l’attaque de l’Hydre Thanatos a décidé de me revendiquer. tu ne commenteras pas sur le timing de cette décision. pour Love j’ai pas pu confirmer parce que je l’ai pas encore trouvé mais j’espère que c’est vrai pour lui aussi ! comme ça on a une petite famille ! dit avec une certaine candeur.

au fond de moi je pense que je savais... quand j’étais à la colonie, j’ai cherché par tous les moyens d’éveiller mes pouvoirs et ceux que j’ai pu vaguement éveillés étaient beaucoup trop similaire à ceux des enfants de Thanatos, mais j’ai rien pu prouver jusqu’à il y a quelques semaines. n’avoueras pas que tu avais senti un certain soulagement à ne pas être fille d’Hadès et d’appartenir ainsi à une toute petite adelphie. de faire partie de cette adelphie que tu avais tant jalousé et admiré durant ton enfance, d’avoir deux frères avec qui tu t’entendras bien, deux frères rien que pour toi. tu… tu es content d’avoir d’autres adelphes..? il doit être content aussi, n’est ce pas ?

malgré son hésitation tu ne peux t’empêcher ton sourire de s’agrandir — il était content d’avoir de nouveaux adelphes, il était content d’être ton frère et de t’avoir comme sœur, tu ne pouvais demander rien de plus.
et même si votre nouvelle revendication était une punition de Thanatos, tu défierais le Père, le divin parce que pour toi Ezra, ton frère, était déjà parfait.
lui et Love étaient le réel prix pour avoir attendu toutes ces années. tu savais déjà qu’ils en valaient chaque seconde.

un léger rire t’échappe t’inquiètes c’était il y a longtemps. puis chacun avait sa charge mentale, chacun avait traversé ses péripéties, il y avait de quoi oublier un visage entreperçu à l’adolescence.

ah ! ouais ça serait plus sympa que devant le domaine des Spartes… j’ai cru comprendre que tu travailles ici mais je dois t’avouer il fout les jetons… une pause avant de rajouter enfin on fout les jetons aussi, donc j'imagine que t'as pas si mal choisi. un endroit qui pu la sueur, le sang et la mort digne d’un fils de la Mort tu veux aller où ? un sourire plus naturel à tes lèvres.

on t’avait appris a adorer et a craindre le Père universel qui faisait souffrir ses fidèles leur promettant un avenir, un au-delà meilleur, et tu l’as fait que trop mal. alors adorer et craindre ton vrai Père qui pareillement vous fait souffrir mais cette fois sans promesse d’un avenir, d’un au-delà meilleur ? tu serais encore pire ! il valait mieux ne pas chercher à comprendre son raisonnement et le détester d’office !

ah ok… hésitante. Seraph Liu n’était qu’un nom flou sans visage, les Grands une entité nouvelle promettant monts et merveilles, pour quand ?, les Spartes étaient la seule entité sur laquelle tu pouvais mettre quelques visages. en somme, tu en savais peu pour vraiment te réjouir ou le plaindre.

sa main dans ton dos t’arrache un grand sourire. cette soudaine proximité, cette chaleur humaine, cette chaleur fraternelle, tu comprenais pourquoi tant de gens la cherchent, tu comprenais pourquoi toi, tu la cherchais — elle était si apaisante après tout. guidée par ce contact, qui te semblait imprimé dans ta peau à présent, tu suivais aveuglément ton frère - quelle joie de pouvoir penser ces mots ! - à travers les rues de l’Agôn, surtout qu’il avait l’air de connaître ces rues beaucoup mieux que toi. tu le suis à l’intérieur du café, t’asseyant en face de lui, t’inquiètes, moi non plus. exilée d’office dans l’Atè, quartier que le nouveau gouvernement voulait maintenant comme les autres, libre de tous préjugés et de ruines. il en faudra du temps pour ça, il en faudra du temps pour faire des égarés un groupe comme les autres, de votre petite adelphie, une adelphie comme les autres. tu le devinais d’après les regards qui vous étaient adressés à peine aviez-vous mis les pieds dans ce café.

tu fais face à ses regards un instant à peine avant de reposer ton attention sur ton frère — qu’ils pensent ce qu’ils veulent, rien n’importe à part tes frères à présent. les gens sont au courant. enfin beaucoup le sont, comme tu dis on passe passe pas de un à trois sans passer inaperçu. puis c’est comme ça que j’ai su pour Love. un serveur arrive à votre table, tu commandes un latte avant de laisser Ezra passer sa commande. une fois le serveur éloigné tu reprends mais vu que tu savais pas, j’ai eu au moins le privilège de te faire la surprise ! avec un léger sourire de travers, tu étais contente mais tu ne comprenais pas encore tout à fait les sentiments d’Ezra face à cette nouvelle situation, donc tu ne pouvais pas encore totalement affirmer si c’était une bonne ou mauvaise surprise. ça fait aussi que maintenant t’as pas à te taper les regards de travers tout seul, on peut se les partager ! avec un nouveau sourire — comprendre cette peine, la partager, c’est ce qu’une famille fait, n’est ce pas ?