Tu n'as l'oreille fine que pour les combats, Midas. Incapable d'identifier le bruit d'une page qu'on tourne, mais tu saurais reconnaître à des kilomètres le bruit d'une arme qu'on fracasse. Qu'elle tranche l'air ou un mannequin, tu sais, tu sens. Quelqu'un a décidé de s'armer de courage et de continuer à transpirer. Ça t'intrigue, ça t'amuse, ça t'agace aussi. Il ne faudrait que Leon, ton frère, s'attache à quelqu'un d'autre que toi. Sur le terrain, tu te veux le préféré.

Tu ne fais aucun effort pour être discret, tes pas sont lourds. Même, tu siffles. Arrivé au cœur du terrain, tu la vois. Petite chose fragile. Tu penches la tête, passe ton pouce sur tes lèvres.

— Les nouvelles vont vite.

Tu souris.

— Je devrais peut-être me foutre à poil, il fait bon.

Pas tant que ça, avril n'est pas le mois le plus chaud de l'année mais ça fait depuis janvier qui tu es prêt pour l'été. Tu te doutes qu'elle vas te répondre non, tu hausses les épaules, son avis sur la question t'indiffère.

— J'admire ta persévérance, poupée, mais tu devrais pas te faire de mal comme ça, c'est dans l'ordre des choses que t’arrive pas à la cheville des enfants d'Arès.

Tu fais tourner l'épée dans ta main avec aisance, tu étires ta nuque.

— Ok, poupée, fait moi rêver.

Tu te lèches les lèvres avec envie. Tu sautilles sur place et lorsqu'elle s'élance, tu pousses ton cri pour la stopper et fond sur elle pour lui asséner une botte et ainsi la désarmer et lui faire toucher le sol.

— Relève-toi, poupée, chauffe moi.

Tu hausses les épaules, l'impertinence gravée sur tes traits. Qu'elle moque ta taille, parce qu'elle a le sourire d'un ange et les traits d'une femme, tu prends l’offense à la rigolade. Tu joues avec ton épée, la lances en l'air pour habilement la rattraper. Ton regard reste accroché quelques secondes vers le ciel puis tu glisses, la langue sur les lèvres.

— Tu veux vérifier par toi même ?

Un clin d’œil et tu ris de plus belle. Heureusement pour vous deux, la poupée n'a pas dit son dernier mot. Nouvelles passe-d'arme, tu jauges avec une certaines légèreté ses capacités. Vos armes s’entrechoquent. Une, deux, trois. Puis enfin un premier coup qu'elle te porte. Tu sens son coude s'enfoncer dans ton abdomen. Tu grimaces, deviens fou quand tu souris.

— AHAH T'EN A DANS LE VENTRE ALYSS !

Tu ne prends pas la peine de reculer, la force est de ton côté, elle sera toujours du tien. Tu la saisis par le col pour la coller toi, souffler a on oreille.

— C'est très sexy, ça.

Puis tu lui rends la politesse, un coup bien placé dans les cotes avant de reculer d'un pas.

— Tu sais, Ezra me parle peu de toi. À croire que t'existe pas. Je trouve qu'il a tort, tu as du chien. Peut-être qu'il a peur que je jette mon dévolu sur toi ?

Tu respires la peur des autres mieux que tu ne respires l'air. Et ce que tu sens, là, s'échapper de sa tendre bouche, éclair ses beaux yeux, perlés sur sa douce peau, ça en est. Dans la peur. La vraie. Tu te lèches la lèvre. La situation t'excite, tu aimes ce pouvoir, tu aimes ce fossé qui se creuse. Tu penches la tête sur le côté, balance avec une innocence feinte.

— Ouais, ou quand ils ont honte, aussi.

Tu te délectes de la moindre de ses expressions, hausse les épaules.

— Mais c'est pas ton cas, bien sûr.

Tu ricanes, aussi joueur que séducteur. Tu plies ton index pour l'invité à venir te trouver. Ce qu'elle fait. Sa rage te plaît, il y a dans ses yeux une forme de hargne et de chaos que tu aimes. Les égarés ont le chic pour avoir cette fêlure dans le fond du crâne qui les rendent si prompt à devenir brutaux.

Tu parts quelques coups en reculant à mesure qu'elle avance. Tu siffles, admiratif, tourne, l'encourage, joue avec elle.

— Allez poupée ! Allez !

Tu ris, aussi joyeux qu'un enfant. Puis tu en viens à te laisser de ses petites passes alors, tu écartes son épée d'une botte habile pour la saisir d'un bras à la taille. Tu prends son doux visage entre les doigts de ta main libre. Tu as jeté ton épée au loin.

— Tu as du potentiel poupée. Dis-moi, t'as peur que je te le vole, ton Ezra ?

Tu glisses tes lèvres contre son oreille, souffle.

— C'est qu'il m'aime beaucoup et que je l'aime bien aussi. Tu ne devrais pas... Te réjouir ?

Tu desserres un peu ta prise, viens cueillir sa main et la saluer d'un baise main appuyée comme un faux gentleman.

— Ce serait bête qu'on s'entende mal toi et moi. Et si on devenait copains, hm ?

Il ne t'aime pas, qu'elle te dit. Tu veux bien la croire. Quoi que, non. De toute façon, ça n'a que peu d'importance. Tu connais Ezra depuis près de dix ans maintenant. Tu sais qu'il tombera pour toi. Il le faut, tu ne toléreras pas de le voir s'isoler avec un ou une autre. C'est que depuis le temps que votre petit manège dure, tu y as pris goût. Ezra te manquerait si tu ne pouvais plus le torturer à l'excès pour le faire mourir de plaisir quelques heures après.

Tu t'amuses de lui baiser la main. Sa réaction, a elle, ne se fait pas entendre. Plus rapide que tu l'aurais imaginé, elle te fait une prise, t'envoie au sol, sa jambe aux courbes délicieuse contre ta gorge pour te tenir en respect. Tu souffles, excité à la l'excès.

— Grr grr.

Tu lèves les mains en signe de paix, un air faussement adorable au visage.

— Attends... Tu me dragues, là, non ?

Tu laisses tes doigts venir pianoter sur sa hanche, tout en provocation.

— Parce que je me sens dragué.

Tu te lèches les lèvres, profites de votre position entre quelques secondes.

— T'sais, si tu veux qu'on s'envoie en l'air suffit de me demander pou- Oh, pardon. Beauté.

Puis tu saisis sa cheville et à la force de ton bras tu la soulèves légèrement. Tu étires un peu ta nuque, insolent, avant de décoller tes épaules du sol.

— Je suis sûr qu'Ezra accepterait si je lui proposais un plan à trois. C'est que tu ne serais pas contre l'idée, hm ? Lui par contre... Enfin, pour moi il dira oui. Il sait que je ne lui proposerais pas si je savais qu'il passerait un mauvais moment. C'est qu'il me fait confiance.

Tu apprécies cette fille, c'est un fait. Oh, pas vraiment à son honneur, tu n'as jamais été très compliqué. Tu aimes ou tu détestes, sans demi-mesure ou fioriture. Son insolence te plaît, ce petit jeu aussi. C'est simple, elle te distrait. Pour ça, tu t'en fais une amie plutôt qu'une ennemie. Quelle chanceuse.

— Alyss. C'est ça, non ?

Sourire innocent de l'élève qui sait avoir la bonne réponse mais attend qu'on le lui confirme. Tu lui adresses un clin d’œil complice avant de te redresser plus en avant. Tu laisses se redresser, quand toi tu t'entends en arrière, en appuie sur tes mains. Tu te prélasses au centre de l'arène comme-ci c'était chez toi. Et c'est chez toi.

— Tu te surestimes beauté. Ezra et moi ça fait plus de dix ans que ça dur et c'est pas moi qui suis obligé de le courir après.

Tu penches la tête, l'air un peu inquiet.

— T'es inquiète de ta relation avec lui ? C'est pour ça que t'es insecure chérie ? Hanw.

Tu offres ton visage au ciel, soupir joyeusement sous une brise d'air agréable puis tu te relèves d'un bond.

— Beauté, y a pas de honte à être angoissée hein ? Nos liens peuvent coexister. Après tout, c'est pas comme-ci tu prenais beaucoup de place.

Tu te doutais bien, connaissant Ezra, qu'il ne se serait pas contenté d'une amitié pudique et désintéressée. Évidemment il faut qu'il couche, ramène tout au sexe. T'es sûr que si moralement il aurait pu mettre dans son lit sa très attirante sœur, il l'aurait fait. Tu ne la nieras pas, cette pointe de jalousie qu'elle arrive à faire naître chez toi. Tu n'aimes pas que les parasites viennent se vanter de s'amuser avec tes affaires. Tu étires la nuque, sans ton humeur s'assombrir. Paradoxalement, ce n'est pas tant contre Alyss que tu deviens aigri.

— Oh beauté...

Elle t'a interdit de le dire, alors tu le dis de nouveau. Tu vois la colère naître dans ses yeux et tu sens l'excitation monter. Elle arme son poing. T'es trop heureux de ce qu'elle va te faire pour ne pas sourire. La voilà.

La douleur se propage dans ta mâchoire. Ta tête part sur le côté mais tu ne tombes. Tu sens le sang pulser délicieusement dans tes tempes, ce bref sentiment d'euphorie te tordre le ventre. Ah, parfait. Maintenant tu peux être méchant. Tu craches un filet de sang, puis, sans prévenir, tu lui saisis son poignet blesser et tu la tires vers toi. Emprisonne de ta main libre son délicat menton que tu serres, serres, serres.

— Alyss, Alyss, Alyss... Tu fais pitié.

Tu t'approches de sa bouche, aimes instaurer cette proximité qui l'horripile. Tu nages dans son inconfort et c'est un délice.

— Tu te crois spéciale ? Si tu connaissais si bien Ezra tu saurais qu'il accueillerait de bon cœur n'importe qui dans ses draps.

Tu vas la faire redescendre. Et tu vas prendre un malin plaisir à le faire.

— Dis-moi, depuis que tu t'es tranché la gorge dans son salon, il t'a touché de nouveau ?

Tu ricanes, surprends son regard. C'est trop bon.

— Je suis au courant. Tout le monde est au courant.

Tu glisses ta bouche à la commissure de la sienne. Y dépose un baiser plein d'une douceur terrifiante avant de la lâcher.

— Et malgré ça, il continue de te parler. Tu penses que c'est par amour ? Non, c'est par pitié. T'es tellement fragile, il a peur que tu récidives. Je le sais, je le connais. Quand il fixe le sol de son salon il a toujours l'air... Profondément dégoûté.

Elle tremble. De colère ou de peur ? Tu ne sais pas. Peut-être des deux. Ce sont des émotions sœurs et chez n'importe qui d'autre que toi, ça ne t'étonne pas de les voir se côtoyer. En fait, tu voudrais que ce soit les deux. Tu voudrais qu'elle tremble de peur et en soit furieuse.

— Bla bla bla... On dirait que tu te cherches des excuses, princesse.

Tu l'observes, un frisson délicieux te parcourant l'échine lorsqu'elle s'approche. Oh oui. La voilà. Si proche. Si prêt que tu peux sentir sou souffle, humer son odeur. Tu étires un sourire approbateur. Tu glisses une main dans son dos, c'est qu'elle te fait envie la bougresse.

— Et pourtant il me cherche. Il me supplie. Est-ce qu'il te supplie, toi ? De rester avec toi ? De lui... Comment tu dis déjà ? Ah oui... Casser les reins ?

Tu prends trop de plaisir à ce petit jeu. Il faut qu'elle le comprenne, tu la domines dans tous les niveaux. Ezra se lassera de sa folie et se noiera dans la tienne. Tu n'es pas elle, mais tu es mieux. Peut-être qu'elle aussi, tu pourrais la rendre accro ? Dieu que ça serait drôle.

— Il ne te dit rien. Je suis sûr qu'il ne sollicite même pas ton aide. Pauvre... Pauvre Alyss.

Tu approches tes lèvres des siennes, va pour lui voler un baiser mais t'éloigne à la dernière seconde, tout sourire, sans manquer de rire. Passe ta langue sur tes lèvres.

— Tu dois être frustrée. T'es pas estimée. Pas attendue. Si t'as besoin de pleurer, j'ai l'épaule solide.

Oh tu aimes ça. La voir sortir de son gond, jouer les grandes justicières. Elle redore son blason, comme-ci elle n'était pas aussi toxique et problématique tu peux l'être. Seulement toi tu sais. Et tu penses qu'elle le sait aussi. Tu reconnais des âmes-sœurs lorsque tu les vois. Elle est sombre, Alyss. Acide. Chaotique. Elle cette guerre au fond de son bide, qui frappe ses tympans, grouille dans ses entrailles. Tu es sensible à ça. C'est bien ça qui t'avait attiré, à la base des bases, chez Ezra. Alors tu sais. Ses mots ne t’atteignent pas. Ne t'inflige aucune insécurités. Car tu es persuadé d'avoir vu qu'elle ne vaut pas plus que les âmes damnées que tu aimes dominer.

Tu souffles du nez, observes son épée tirée vers toi. Tu passes ton pouce sur tes lèvres. Souffle.

— Je ne déteste pas non plus, miss. En fait, je dois avouer beaucoup t'aimer. Voilà pourquoi je vais te faire une promesse, juste pour te rassurer.

Tu vas au-devant de sa lame. Laisse la pointe appuyer ton torse jusqu'à qu'un filet de sang n'en sorte.

— Ezra cherche quelque chose que je suis le seul à pouvoir lui offrir. Cette chose, elle le rendra profondément heureux. Et ce jour-là, il se rendra compte que ce qui le rend malheureux ce n'est pas moi, mais ton acharnement à vouloir l'enfermer pour noyer tes insécurités.

Tu tends la main devant toi, soulèves une mèche blonde qui tu viens respirer.

— Mais pas d’inquiétude. Ce jour-là, je te défendrai. Tu ne perdras pas Ezra, ça me ferait de la peine que tu sois triste, Alyss.

Tu ricanes. Sombre. Persuadé d'être vainqueur. Ton aveuglement dans ton triomphe écrase. Tu es persuadé de toujours vaincre. Tu recules, glisses sur le côté pour la frôler de l'épaule. C'est presque doux que tu lui souffles.

— On se revoit bientôt.