Ta mère t'avait dit un jour qu'elle t'avait donné le prénom d'un roi car elle savait que tu en serais un. Fils d'un dieu. Fils de la guerre. Mais surtout, son fils à elle. Tu avais été béni à la naissance. Tu étais destiné à du grand. Toi, plus que tout les autres, parce que tu étais le fruit de l'amour entre ton père et la meilleure de ses maîtresse, la seule qu'il est sincèrement aimé, d'après elle. Après tout, c'était par deux fois qu'il était venu lui confier, à elle, le fruit de ses entrailles. Si elle n'était pas spéciale pour lui, alors pourquoi ? Et tu avais toujours cru fermement aux mots de ta maman. Maman sait. Maman de ment jamais. Tu es un roi. Alors en roi tu te comportes. Tu sais que tu le mérites, tu es le meilleur de ses fils.

Tu te pavanes avec ta cour dans les couloirs du domaine. Plus qu'une bande, le clan était une famille, un tout. Tu avais pour eux de grands projets, de grandes ambitions. Ta vision était celle de la gloire ! Du grandiose ! Alors tu ne comprenais pas, Midas, qu'on ne te suive pas. Tu ne comprenais pas qu'on ne te comprenne pas. En arrivant dans le sale, tu surprends la silhouette du pire fils d'Arès. Le pire, parce que Cecil et Ellair, eux, avaient eu le cran de partir. Tu méprisais Moon-Lee, car tu ne le comprenais pas. Tu le méprisais, car il ne résonnait pas aussi sauvagement que toi. Vous partagiez pourtant le même sang. La différence entre tes frères et toi t'affecte beaucoup plus que celle que tu peux avoir avec des membres du clan d'autres ascendance. Tu te sens seul dans ta passion. Pourtant, ta cause est juste, non ?

— Oh, l'idole k-pop, qu'est-ce que tu trafiques ?

Tu fais un geste à ta cour de continuer sans toi. Tu viens t'asseoir à sa table, attrapes une feuille qui traînait là pour la lire dans les grandes lignes.

— Ça tombe bien que tu sois là, fallait qu'on parle.

Tu jettes nonchalamment la feuille de papier et braques ton regard sur lui.

— J'ai bien compris que tu m'aimais pas. Non, plus que ça, tu me méprises. Dit pas le contraire, ton petit poing serré et tes yeux pendant le conseil ont parlés pour toi.

Tu le défies du regard. Qu'il ose se faire lâche et tu enjamberas la table pour lui éclater le crâne.

— Alors on va s'expliquer. Parce que si t'as un problème avec moi, Moonie, on va le régler. Parce que t'as peut-être oublié ta place ici.

Tu es déconcerté. Il ouvre la bouche et tu réalises que tu ne comprends pas cet homme. Peut-être es-tu trop bête. Peut-être trop intelligent. Tu agites la main devant ses yeux, l'air sceptique.

— C'est Arès ou Apollon qui t'as enfanté, Moon ?

Tu t'adosses contre ton siège. Croise les bras. Tu ne sais pas si tu as envie de le frapper ou non. Son raisonnable fait tache dans un lieu tel que le domaine sparte. Tu sembles chercher un moment quoi dire. Il te coupe les jambes et c'était inattendu. Alors comme a face à chaque situation qui te dépasse, tu cherches à l'emmener sur un terrain connu, à lui faire parler la seule langue que tu comprends car elle est brute. Ça te rassure.

— Qui a parlé d'aimer ? Tes sentiments je m'en fous. Moi en revanche, je ne t'aime pas. Non, en fait, je te méprise. Tu es tout ce que le clan ne devrait pas être. Mou. Faible. Apathique.

Tu te lèves de ta chaise, pousse un cri puissant qui renverse les tables autour et lui avec.

— OÙ SOMMES-NOUS ?

Autour de toi certains se lèvent et hurlent "CHEZ LES SPARTES"

— QUI SOMMES-NOUS ?

Galvanisés, on te répond "LE CLAN SPARTE !"

— Exactement ! Et c'est ça que tu ne comprends pas.

Tu tournes autour de lui, élèves la voix pour te faire entendre.

— Tu as le profil d'un guerrier, mon frère, mais pas celui d'un héros. Tu parles de raisonnable, mais tu perds de vu l'essence même de notre ordre ! Le clan sparte est le garant de l'ancien, des traditions ! De tout temps les demi-dieux ont existé dans l’excès, dans la gloire, dans le grandiose ! Tu te préoccupes de ta sécurité comme une femme au foyer alors que ton regard devrait être porté sur le dehors !

Tu te penches vers lui.

— Je ne te respecte pas, Moon-Lee. Car tu n'es pas l'un des nôtres. Tu n'as d'un Sparte que le nom.

Ce bouffon reste au sol. Le cul vissé par terre à utiliser sa seule bouche comme arme. Si tu étais plus sensible aux mots des autres, sans doute que tu avais trouvé ça admirable. Moon-Lee avait des convictions et une sagesse que tu ne posséderais probablement jamais. Chez n'importe quel autre groupe, on l'aurait écouté, probablement approuvé. Mais vous êtes chez les Spartes. Et toi, tu en es le plus brutal et passionné de ses représentants.

— Quelles actions ?

Tu penches la tête sur le côté pour le dévisager. Soudain tu ne hurles plus, n'attend plus l'approbation de ton publique. Tes mots sont crachés avec mépris.

— Dix ans parmi nous à rien foutre et tu t'en vantes ?

Ah, ça y est, il te lasse. T'aurais voulu qu'il se lève, qu'il te cherche. Il n'est pas comme Seraph. Tu n'as pas de prise sur lui. Ça t'ennuie. Ton regard s’éteint un peu.

— Qu'est-ce que tu racontes ? T'as rien à foutre chez nous en fait.

Tu ne comprends pas qu'il ne comprenne pas.

— Je te demande pas ce que t'as fait pour Seraph, je te demande ce que t'as fait pour nous. Pour notre honneur. Pour notre cause. On rassemble des demi-dieux véritables et dignes de leur ascendance divine, ici. Si c'était pour jouer les femmes au foyer dans l'espoir de te faire troncher, c'était la porte à côté.

Tu l'observes d'en haut. Ça te déprime. Il accepte d'être perçu comme faible. Il accepte de n'être rien. Tu ne comprends pas. Son existence ne fait pas de sens. Il n'a aucun sens. Tu ne peux pas reconnaître ce type, encore moins l'aimer. Il est tout ce que tu refuses d'être, tout ce qu'on t'a appris qu'Arès ne pouvait pas aimer. Pourquoi ton père l'a revendiqué. Tu sers le poing, penses : "Tu acceptes ça, papa ?".

Tu secoues la tête, à l'image d'un père déçu alors même que Moon à plus la carrure d'un parent que toi.

— Tu ne mérites même pas que je t'affronte, Moon-Lee. Ça, c'est réservé aux vrais guerriers.

Tu sembles déçu, presque triste.

— Et tu n'es pas un vrai guerrier.

Et c'est étrange, Midas, comment ça t'atteint.

Ah. Le clan. Le clan. Le clan. C'est déstabilisant. Il te fait rire. Puis te lasse. Puis t'énerve. Tu sens un sourire nerveux tendre tes lèvres. Le clan. Le clan. Le clan. Ton sang s'échauffent.

— Tu ne sais rien du clan.

Il ne comprend pas. Personne ne comprend. C'est comme-ci seul Sohel avait du plomb dans le crâne. LE CLAN ! Ça sonne comme une insulte dans sa bouche. LE CLAN ! C'est sacré, c'est puissant. Et personne n'en connaît vraiment le sens. À voir Moon-Lee, tu as l'impression de contempler un saboteur détruisant un patrimoine précieux et vieux de plus de deux-mille ans.

— Ferme ta gueule pauvre merde avant que je tue ta sale face de gay.

Mais il parle. Il parle. Tu finis par hurler.

— FERME TA GUEULE !

Et abats ton poing contre son visage avant de comprendre que ton corps est en mouvement. Le silence s'abat dans la salle, tu fulmines, furieux. Quand il parlait de toi tu n'avais rien à faire. Mais quand il parle du clan tu te sens insulté personnellement.

— Tu craches sur le clan ! Pisse sur notre héritage !

Il est une honte. Il faut qu'il parte.

— Oh je vais parler à Seraph crois-moi. Père m'en soit témoin, si lui n'a pas le temps de débarrasser la vermine dans ses rangs, moi je le ferais. Le clan existait bien avant toi petite merde, ta seule contribution c'est d'en faire la honte de l'Olympe.

Tu le regardes de haut, prends plaisir à lui cracher dessus.

— Prends garde à toi, Moon. La trahison est passible de mort et à mes yeux tu n'en es pas loin. Contente-toi donc d'être un soldat.

Tu te penches, souffle.

— Mais ose souiller une nouvelle fois le clan en te faisant passer pour le plus méritant d'entre nous et je le jure sur le Styx, tu ne passeras pas la nuit.

Tu le vois se relever. Tu sais comment ça va finir. Dans ta tête, tu penses : je vais le tuer. Et presque en même temps tu réalises que lui ôter la vie de te fait rien. La mort, c'est loin d'être dramatique.

Le coup sur ta tête te fait voir un bref instant trente-six chandelles. Tu le laisses te frapper de nouveau, trop étourdit pour répondre. Mais tu as pour toi une force et une condition physique bien supérieure et les sévices de Cecil qui ont fait de toi quelqu'un de naturellement tolérante face à la douleur. Tu relèves la tête, le sang obscurci ton regard mais Moon peut le voir tu souris bel et bien.

— Ouais, réglons ça à la Sparte.

Sans pitié.

Tu le saisis par les hanches pour le soulever de terre et le lances contre le mur le plus propre. Un crack se fait entendre et tu n'attends pas le temps d'un souffle pour te jeter sur lui. Plaqué à terre, tu t'assois sur lui et le frappes, encore, encore et encore. C'est un carnage. C'est brut. C'est sanglant. Ton propre sang se mêle au sien, ta tête gronde du coup qu'il t'a infligé. Est-ce que ça t'arrête ? Non. Il a dit "réglons ça à la Sparte", c'est ce que tu fais. Tu lui inculques le sens profond de votre doctrine, de votre nom. Tu te redresses, dans cette folle transe meurtrière. Tu pourrais le tuer. Quelques coups sur la tête et il ne respirerait plus. Mais tu as une autre idée. Tu fais un signe de la main, le torse gonflé par la respiration.

— Un couteau.

Vos hommes hésitent, mais l'un deux finis par décrocher sa propre lame de sa ceinture pour te la tendre à deux mains. Tu la saisis par le manche. Avec le sang qui s'écoule de ta plaie au crâne, tu as l'air d'un fou. Tu l'es, assurément.

— Il faut que tu apprennes, Moon, ce que c'est d'être Sparte.

Tu te laisses tomber à califourchon sur lui. Ton souffle est puissant, rauque, balayé des effluves métalliques du sang qui souille ta bouche et tes dents.

— Garde bien cette leçon en tête, d'accord ?

Lentement, tu écartes sa paupière droite pour découvrir son œil. Tu approches la lame de sa pupille agitée, appuies de toutes tes forces pour le maintenir en place et d'un coup sec, tu lui crèves l’œil.

Tu es haletant, tu jubiles presque. Plus excité par le sens dont tu viens de le priver que par la personne que tu prendras le soir même. Tu te relèves, titubant, l'adrénaline te rend fou, aussi incertain que sous l'emprise de l'alcool. Ton cœur bat à tout rompre. Tu jettes le couteau sur le sol t'essuies seulement alors ton front.

— Soignez-le, qu'il survive.