Ombre de Cecil, qui suit son sillage et veille au grain. Silencieuse, avançant au même rythme. Un malaise planne, mais il n'en fait rien; Cecil lui en parlera s'il en ressent l'utilité, et d'ici là, il reste à sa disposition.

- Hm...

Il est vrai, il y a du monde.
Mais il ne s'en préoccupe pas.
Le molosse se laisse jeter un coup d'oeil a l'étal de fruits, avant de revenir à Cecil au geste d'épée et assiste à la fin de la scène. L'enfant tombe, amusant son souverain. Et quand il l'appelle, Ellair arrive, observant l'enfant au sol, impassible.

Que faisait on aux voleurs ?
Son regard se relève vers Cecil, puis a nouveau vers le voleur. Sa main va naturellement a son couteau, mais Cecil le stopper immédiatement.
A la place, Cecil lui laisse le plaisir de le punir.
Bien que quelques curieux observent la scène, ils ne perturbent pas le protecteur des Olympiens, qui détaille le délinquant du regard. Il est jeune, mériterait sûrement une remontrance avant d'être libéré. Mais ce n'est pas l'ordre que Cecil a donné.

Alors il s'approche, l'allure naturellement menaçante, et quand le coupable se relève dans la précipitation, Ellair décoche un coup de poing violent pour le remettre au sol.
L'ancien Sparte ne retient pas sa force, hésite même a la rendre insoutenable... Maintenant que Cecil lui avait mit cette idée de couper la main des voleurs en tête, il a du mal à imaginer autre chose. Elle la nargue, là, avec ses cinq doigts...
Quelques pas, longeant le corps du voleur, avant d'écraser sa main de son pied. Ellair s'accroupit ensuite et prend son index. Les plaintes du délinquant ne le perturbe pas, ni les menaces, ni les supplications.
Tout ce qu'il entend, c'est l'ordre de Cecil.
Qu'il perde l'envie de recommencer.
Ellair casse son doigt d'un geste, et comme une seconde nature, décide d'empirer la douleur de sa victime. Ce geste devait être si affreux qu'il ne recommencerait pas.
Comme il le désire.

Une fois la punition délivrée, toujours agenouillé sur la main endolorie du jeune homme hurlant, Ellair relève la tête. Il réprime une grimace : ses oreilles sifflent, à la suite de son pouvoir. Mais c'est sans aucun regret.
Dans le silence, il attend la décision de Cecil : un autre doigt, ou le relacher.

Sa dégaine peut perdre en tension : le grand prince libère le voleur et ordonne à Ellair de le laisser tranquille. Alors, il se relève avec l'aide de son frère, retire son pied de sa main et laisse le misérable se recroqueviller au sol.

D'un main au dos, il laisse son aîné le guider. La violence à peine infligée est déjà du passé pour lui, malgré l'agitation de la foule.
Il n'y a que son frère qui possède toute son attention, de toute façon.

Sans lui en avoir parlé de sa sortie, Cecil sait.
Quelqu'un l'a vu, quelqu'un a du lui dire.
Mais cela ne l'inquiète pas plus que cela. Ellair n'a rien, ou très peu, à cacher.

- Je l'avais croisé aux bains publics. On a parlé, et il m'a dit avoir des livres qui pourraient m'intéresser dans son atelier.

Gabriel Weber avait plus que cela : son atelier aux murs couverts de tableaux hantait encore son esprit.

- Il m'a proposé de venir les voir.

Cela lui semblait si anodin qu'il n'en avait pas parlé à Cecil. Et encore maintenant, naïf, il ne se sent pas encore mis en examen.
Cependant, son regard se pose sur lui, curieux de savoir pourquoi il s'y intéressait.

- Je n'aurais pas dû ?

Quelque chose ne tourne pas rond.
Cecil semble contrarié, au ton, à ces questions soudaines, mais son bon petit soldat ne sait quoi faire d'autre que d'attendre à ses cotés et lui offrir les réponses qu'il demande.

Son ordre appelle le silence. Surpris par une telle demande, les mots lui manquent. Il lui reste en tête leurs conversations, douces et tristes, les  livres, les tableaux. Selon le bon vouloir de Cecil, ils relèvent tous, à partir d'aujourd'hui, du passé.
Il n'y aura pas de plaintes.
Comme toujours, les désirs de  l'ambassadeur sont des ordres.
Cependant, le molosse est confus. Son pas est plus lent, et les explications de son idole n'arrive pas à le convaincre.

- Ah bon ? Il a l'air gentil.

Pour quelqu'un qu'il a tabassé dans sa jeunesse, par ordre même de son frère ici présent, Gabriel semblait bien amical envers lui.
Bien top doux.

Ses sourcils se froncent à la révélation. Il faudra de longues secondes pour remettre les mots en place, leur sens, mais ce ne sera pas suffisant pour l'y faire croire.

- Mais Satya est fiancé. Et Stian... Il veut juste m'énerver.

Et il y arrive parfaitement bien ! Des années de poursuites, malgré l'aller simple à l'hôpital il y a des années de cela.
Non, impossible.
Mais pourquoi Cecil lui mentirait là dessus ? Pourquoi les éconduire ?
Il secoue légèrement la tête, avant de détourner le regard, le garder bas et fixer le sol.

- Ils sont venu t'en parler ?

Ellair ne discute plus.
Au premier écart, Cecil rappelle son chien à l'ordre. Il s'était oublié, esprit aventureux, à se laisser réfléchir par lui même et le voilà puni pour un tel affront.
Son roi se poste devant lui, l'immobile avec douceur en prenant son visage entre ses mains. Les yeux du protecteur ne quitte pas les siens, déjà désolés d'avoir remis en question son maître.

- Je ne le verrai plus.

La tendresse de ses caresses fait couleur ses remords comme une plaie béante. Les excuses qu'il leurs trouve sonne aux oreilles de l'Olympien comme des mensonges, et maintenant, Ellair se retrouve coupable, entre ses mains. En grand seigneur, il se voit offert l'occasion de s'expliquer.
Mais sous la pression de ses mains, ses yeux se plissent. Sa bienveillance heurte. Elle a des airs d'intimidation, est désagréable, mais Ellair s'en attribue entièrement la faute. Mauvais frère, médiocre serviteur, qui en réduit le bon Cecil à s'arrêter en pleine balade pour le remettre sur le droit chemin.
Alors, n'osant pas détourner le regard, il prend quelques secondes pour être sûr de ne dire que la vérité.

- Stian fait ça juste parce qu'il sait que ça m'énerve.

Il n'y a pas d'autre explication.
Quant à Satya...
Il y avait bien des signes qu'il se refuse d'admettre. Le souvenir de leur dernière lutte le hante encore, la promesse, ses mains à la même place que celle de Cecil, ses lèvres sur son front...
Mais ses mâchoires se serrent.
Satya et lui ne sont que frères d'armes, deux soldats prêts à se battre ensemble contre le monde entier.  Pourtant, depuis leur promesse, il se demande...

Le protecteur voudrait se taire, mais craint les conséquences d'une demie réponse. Comme Cecil le souhaite, Ellair doit être dévoué. Ellair doit être honnête, même s'il étouffe, le cœur serré.

- Pour Satya... Peut-être...

Des mots durs à prononcé, tout juste murmurés.
Et il espère, des mots suffisants pour se libérer de son expression douce mais sévère.

Il sait.
Plus que lui même.
Il n'y a pas moyen autrement, quand il s'approche ainsi de lui. S'il pouvait fuir, se cacher, il le ferait. Mais Cecil le voit tout entier. Impossible d'échapper à ces yeux perçants. Cela terrifie son palpitant. Le voilà perdu, déchiré entre l'idée de soutenir son regard, celui d'un frère qu'il admire; ou de le fuir, celui du maître omniscient jouant avec ses limites.
Il vient poser les questions qu'Ellair évite, s'invite dans son espace vital, viens regarder à travers ses failles. Cette inspection minutieuse est insupportable, mais que peut il faire, à part baisser la tête fermer les yeux, forçant légèrement, comme si cela allait chasser toute cette pression.

- C'est... C'est juste qu'une impression... Je ne peux pas m'y fier.

Et il se cache derrière une justification toute faite : ses fiançailles avec Neala.
Une raison valide, à ses yeux, pour douter de ce genre de sentiments de la part de l'entraineur Sparte à son égard.
Et ce malgré ces souvenirs aux bains publics.
De bons amis, se promettant de toujours se battre ensemble contre le monde, sans pouvoir se quitter des yeux. Et c'est ce que diront les historiens aussi.

Puis, un rire sans réconfort pour le chien des olympiens. Un bruit désagréable qui le conforte dans l'impression d'avoir fait une bêtise sans pour autant pouvoir y faire quelque chose.
Ses yeux reviennent timidement vers le visage de Cecil.

- C'est une mauvaise chose ?

Lui même ne comprenait pas comment il en est arrivé là.

L'image même lui déplait, celle d'un cher ami rampant à ses pieds. Non, c'est haut et fier,  à ses côtés, qu'il doit être. Le sol n'est que pour les ennemis et les vaincus.
Mais il ne dit rien, Ellair.
Continue d'observer son grand frère, acquiesçant ces impressions prophétiques.

- Tu ne l'es pas

Peu de mot, mais pleins de conviction.
C'est le travail de plusieurs années, l'œuvre de Cecil. Réussir à lui faire croire qu'il n'y a pas mieux sur Terre que son grand frère, avec ses qualités et ses défauts. Que le monde est contre lui, et qu'il n'y a qu'Ellair pour le défendre face à l'injustice.
Que ses caresses pardonnent ses violences, qu'elles y trouvent entre les mains de l'ambassadeur un refuge rempli de bienveillance et de miséricorde.

- Tu sais que je ne t'abandonnerai jamais.

Trop sérieux, venant se planter à ses côtés, cherchant son regard sans imposer le sien ni bloquer sa route.
Ellair, devenu une arme fidèle, bien consciente de ne pas devoir gêner Cecil ou se mettre dans sa route. Attention toute entière, dédiée à cet homme, et seulement cet homme.
Se taire et attendre sagement ses prochains mots, ou ordres s'il estimait ne pas être convaincu.

Ses traits se sont moins inquiets. Le sérieux s'invite, le grave aussi. Regard imperturbable et sûr de lui, le protecteur des Olympiens -de Cecil- acquiesce d'un léger acquiescement.

- Je le ferais.

Aucun doute pour faire trembler sa voix.
Ni de temps pour la réflexion.
Ses poings ont déjà plongé dans un songe de plusieurs mois par pure colère, alors achever les ennemis de son frère, pour sa gloire, lui semble tout à fait faisable.

- Un nom. C'est tout ce qu'il me faut.

Et dans la nuit il partirait retrouver le coupable désigné pour lui faire vivre ses derniers instants.
Le parfait petit soldat aurait pu tué de lui même.
S'il n'a pas encore dérapé depuis le camp, c'est bien grâce à Cecil. Un tel geste aurait porté préjudice à son ascension. Alors, s'il venait lui demandé dans un murmure, ce soir, de l'aider à éliminer un concurrent... Cela serait fait avec plaisir.
Alors le chien des Olympiens se retrouve à nouveau suspendu aux lèvres de son maître, attentif, sans le quitter des yeux.

Son rire provoque une légère grimace vexée. De toutes les moqueries, celles de Cecil feront toujours le plus mal au chien des Olympiens.
Mais cette offense s'évapore dès que son maître s'explique.
Ellair se laisse alors emmené par la  marche, fixant le sol.
Songer aux frères célébrant uniquement la force d'un chef lui arrache un léger soupir. Certes, Seraph est fort. Un admirable combattant même, qui encore aujourd'hui possède le plus grand des respect de la part d'Ellair.
Mais on peut être fort et se faire pitoyablement roulé par la ruse de Cecil. Et s'il est tout aussi fort que Seraph, alors cela se joue sur l'intellect. Un aspect dont les Spartes ne s'encombrent pas... Et lui même sait qu'il n'a pas été honoré de ce don, mais suffisamment pour reconnaitre celui d'un adelphe et de s'y fier.

- Hm...

Puis il revient soutenir son regard, et hoche la tête.
Le protecteur, toujours prêt, pour n'importe quel ordre, que ce soit des courses ou verser le sang d'un ennemi.

- Du plaisir ?

Ses sourcils se froncent légèrement tandis qu'il y réfléchit. Chaque conflit lui semblait si naturel qu'ils semblaient ni emprunt de joie ou de colère, mais de banalité.
Cependant, chaque victoire, chaque adversaire au sol lui apporte une sérénité toute particulière. Une fois cette violence qui le ronge à l'œuvre, Ellair respire. A cette pensée, ses traits se détendent l'espace de quelques secondes.

- Ah, c'est vrai...

Mais l'ennui lui revient rapidement au visage.

- Mais on ne peut pas en avoir souvent.

Depuis le foyer, on le lui apprend. Chacun de ses exploits étaient récompensé d'un séjour dans une chambre étriquée à la porte verrouillée. Et ici, même à l'arène, la victoire n'est jamais complète. Le poing ne devait jamais continuer de s'abattre.