Bellamy avait été retrouvé ; les traqueurs étaient revenus pour la majorité blessés. L'heure était grave - ce n'était plus l'ère des héros qui régnait, mais bien celle des monstres, qui attendaient, tapis dans l'ombre de la grande ville. Le chaos grandissait et avec lui le signe d'une guerre approchait. Tu en étais ravi Cecil. Tu n'étais pas le fils du dieu du carnage pour rien - tu lui ferais honneur.

Mais si tu t'étais attendu (préparé) à tout ; tu n'avais pas prédit le message de Dionne au lendemain de la mission. Pour quelles raisons souhaitait-elle échanger avec toi en dehors du conseil ? Les temps sont durs et les alliés sont rares. Tu ne peux pas te permettre de l'éconduire - ainsi tu lui donnes rendez-vous dans un petit café dans le centre-ville d'Olympus District.

En avance, tu pestes silencieux de son retard.
Mais quand enfin elle arrive, tu ne lui offres aucune remontrance (bien que tu les penses, au fond, dérangé dans tes fonctions) ; seulement des sourires de réassurance.

Il n'y a pas de problème.

Tu penches la tête sur le côté, le regard écarquillé en attente d'être comblé.

Ne t'inquiète pas, je viens d'arriver.

Lorsqu'elle mentionne Nate, tu te tends sur ta chaise. Tu ne dis rien, ravale l'aigreur qui te prend aux tripes. Tu ne dois penser qu'à des choses pratiques ; alors tu y penses : la solidité de la chaise sur laquelle elle est assise, la doublure mal taillée de son chemisier, ses yeux trop clairs.

Ce que j'en pense ? Tu m'as convoqué au lendemain de l'apocalypse pour me demander ce que j'en pense ? AH ! D'accord.

Tu sembles réfléchir un instant.

Je pense que je ne suis pas satisfait. Je pense que je suis en colère. Mais je pense aussi que tout vient à point à qui sait attendre. On aura beau fermer les portes, la guerre viendra. Et alors ils détruiront tout sur leur passage : la muraille, la grande porte, Nomos, l'île toute entière.

Le serveur pose sur la table un verre de champagne.
Elle avait dit : la même chose que lui.

Tu sirotes avec amusement et légerété la coupe de champagne en premier. Son rire franc ne semble pas calculé. Et ça te plait, oui, d'être à l'origine de ce genre d'innocence. Tu te méfies des personnes plus âgées - de celleux qui prétendent mieux connaitre la vie alors que la mort leur a échappé autant de temps. Tu te dis que tu vas mourir jeune, toi - et que tu reviendras plus fort avec de vraies expériences à raconter.

Je pense qu'il ne faut pas laisser une guerre nous décimer. Il vaut mieux tuer que se faire tuer. Il vaut mieux se battre que de s'abandonner. Un discours ma foi connu de tous tant il est simpliste. Je te parlerai bien de véritables stratégies mais est-ce que ça t'intéresse ?

Au même moment, tu baisses le menton en direction de sa coupe encore pleine. Le champagne pétille et postillonne tout autour du verre. Tu es fasciné, dissocie un instant avant de voir l'ombre flou de sa main bouger.

Hm ?

Elle avait mentionné tes armes. Celles que tu dissimules sans trop de subtilté un peu partout sur ton corps.

Mes poignards, oui.

Pourquoi est-ce qu'elle s'abstient de les nommer ? Est-ce que c'est tabou ? Et parler avec toi, est-ce que ça l'est aussi ? Si tu n'es pas totalement éveilllé sur le fait d'être un monstre ; tu es conscient de ne pas être le plus populaire des fils d'Arès, encore moins le plus aimé des fils tout court.

Et bien je suis ravi, Dionne, d'être le petit sujet d'expérience de ton ouverture d'esprit.

Tu joues des épaules, satisfait ; joues à être à la fois surpris et touché. Au fond, ça ne te laisse pas indifférent. C'est presque sincère.

Moi aussi je t'apprécie.

Tu lui avoues d'un ton flatteur, alors qu'en réalité tu ne ressens rien de particulier.

Tu parlais des Olympiens. Moi ce qui me rend curieux, vois-tu ; c'est que tu n'y sois pas.

Le tintement agréable des verres qui se cognent à des allures de cri de guerre. Tu prends le temps ; alors que de ta main tenant le verre, tu l'agites pour en faire tourner le liquide pétillant ; de détailler Dionne sous toutes les coutures. Elle a la beauté des jeunes années et la fadeur des vieilles. Tu la méprises autant qu'elle te fascine. L'immortalité dont elle fait preuve est un joyau et en cela, elle t'est supérieure - c'est subitement la représentation évidente de tout ce que tu détestes chez elle. Elle a le culot de pouvoir assumer pleinement ses positions quand la plupart d'entre vous passent leur temps à essayer de les masquer, de les arrondir, de les faner, de les censurer ou de les lisser.

Si seulement tu pouvais être aussi vrai qu'elle ne l'est.
Aussi libre, qu'elle se l'impose.
Tu serais devenu roi de tout, roi des ruines. Là tu n'es roi de rien - et ça t'emmerde, Cecil, de te présenter à une souveraine sans couronne à cueillir.

Ça a au moins le mérite d'être clair.

Mais c'est étrange, tu ne t'en retrouves pas spécialement plus heurté que ça. Son affection ne t'intéresse pas ; sa validation peut-être. Le fait qu'elle soit venue quémander ton aide pour rejoindre votre groupe prouve bien qu'elle a besoin de toi. C'est plus intéressant que son appréciation.

Donc je te fais peur.

Tes yeux la dévorent.
Elle a sans doute raison sur toute la ligne - elle a raison d'avoir peur.

Je suis désolé de te faire cette impression.

Parce qu'il est de convenance de s'excuser de ce genre de choses ; surtout quand on participe grandement à l'alimenter. Tu ne fais rien pour la faire changer d'avis. Tu es et tu resteras un prédateur.

Je te trouve très intelligente, Dionne.

C'est tout ce que tu réussis à synthétiser, à son monologue. La manière dont elle articule avec précision, l'analogie des mots qu'elle choisi, qu'elle conjugue avec parcimonie. La justesse t'effraie ; c'est en ce la qu'elle te fait peur à toi aussi.

Vraiment ! Brillante. Oh, je me doute qu'une femme comme toi est insensible à la flatterie, ainsi j'en resterai là.

Même en voulant aller dans son sens, tu en fais trop.

Je n'ai aucune raison de m'opposer à ta venue.

Vu que tout semble déjà décidé.
Tu es piégé.

Et donc... j'en parlerai aux olympiens dès ce soir. Surtout si tu connais autant de monde... haha, oui, c'est parfait.

Même si toutes les têtes connues qu'elle a cité te mettrait en danger sans hésiter.