Le miroir qui renvoie son image.
Un clignement d’yeux.
C’est le klaxon du taxi qui la rappelle à l’ordre.
Un pas de côté, le dégoût s’infiltre dans ses entrailles quand elle sent la chaussées gluantes des rues de New York.

Le peignoir nouée autour d’elle, le froid qui lacère ses jambes nues, elle réalise où elle se trouve : dans les quartiers de la ville. L’incompréhension se transfère en peur, puis en rage quand elle comprend comment elle a pu finir ici. Ethel.

Il lui faut un peu de concentration pour passer parmi les ombres, se glisser dans la peau de ses formes qui suivent le matériel, délimiter le règne du soleil et de la lumière. Dans l’obscurité, elle est maîtresse et se déplace avec une facilité alarmante jusqu’à surgir à nouveau chez elle. Déjà, l’idiot n’est plus là.

L’envie de prendre soin de soi est envolée, elle s’habille comme elle peut ; avec la vitesse de ceux qui ont une bataille à mener.

ETHEL HAYS se répercute dans les couloirs, tandis qu’elle les traverse au pas de guerre. Quand enfin elle aperçoit la tignasse blonde, sa rage ne fait que décupler. Une fois, juste UNE FOIS JE PRENDS UN JOUR DE CONGÉ et il faut que tu viennes me déranger, pire que tu m’envoies à New York en peignoire.

Les plantes qui vibrent sous le poids de ses pas, dans la pièce semble fleurir un cimetière dédié tout entier à Ethel. Qu’as-tu à dire pour ta défense, et surtout ne me dit pas que c’était pour sauver quelqu’un, nous savons tous les deux que tu peux permuter avec une autre personne.

C’est plus fort qu’elle ; une sorte de bénédiction secrète que Nike faisait pleuvoir sur ses enfants, il devenait très vite difficile de leur en vouloir. Sous les mèches blondes d’Ethel se dessine une douceur alarmante qui fait fondre la rage déjà entamée. Alors ses pas se font moins tranchants, son regard moins noirs et enfin la terre semble presque cesser de trembler.

Oui, toi là, toi qui ne cesse de me téléporter à droite et à gauche, par Perséphone je te jure que je vais t’enterrer, on verra si perdu dans le noir tu réussis toujours à te téléporter mhm ? Ses octaves ont baissé à mesure qu’elle se déchaîne ; fond sous le soleil juvénil d’Ethel.

Un haussement de sourcil, l’exclamation lui permet d'exprimer son scepticisme. Sans ? Raison ? Dois-je te rappeler la fois où tu as permuté parce que tu allais manquer le début de je ne sais plus quoi alors que j’étais littéralement au milieu d’un dissection ?

Plantée sur ses talons aiguilles, elle atteint presque la taille d’Ethel, et c’est un doigt menaçant qu’elle tend vers le nez de son prétendu ami. D’accord pour un restaurant, cela me va mais en échange, j’exige que tu vérifies mes jours de congés à partir de maintenant ET que tu m'envoies un sms. Est-ce que tu peux retenir au moins ça dans ta boîte crânienne ?

J’oserai même dire, Ethel, que tu n’es pas parfait.

Les lèvres pincées à nouveau, elle vient planter un doigt sévère dans la couenne de son épaule. Il est difficile de venir à bout de la légiste, surtout lorsqu’on menace ces précieuses heures de tranquillité. Aussi, Sinistra n’avait pas l’intention de se laisser faire, pas plus qu’elle n’avait l’intention de laisser Ethel s’en sortir ainsi.

Ne me joues pas le coup de ouin mes pauvres patients, tu peux très bien demander à quelqu’un d’autre de l'hôpital pour permuter, ce n’est pas comme si tu n’étais pas assez bavard pour combler toutes les conversations.

Elle baisse finalement son bras, prenant le temps de réarranger ses vêtements et coiffer son chignon. Un œil critique sur leurs deux ensembles, elle soupire. Bon, je pense qu’on peut faire une croix sur les restaurants haut de gamme que tu… nous affectionnons. Je n’ai pas envie de retourner chez moi pour me changer à nouveau, et tu sens un mélange d'égout et de sueur.

Elle incline la nuque et le sourire qui s’étire se fait presque cruel. Oh non… Ne t’inquiète pas, nous ne serons pas en retard. Déjà, elle referme ses doigts sur les siens, le front plissé par la concentration qu’il lui faut, à la recherche du passage.

En un instant, les ombres les avalent pour les recracher des kilomètres plus loin, devant la devanture d’un restaurant indien. Tu vois ? C’est sympa aussi comme moyen de transport.

Elle sourit, la satisfaction brillant par ses prunelles noires. Comme un chat sortant de sa sieste, elle abordait maintenant le pas souple d’un prédateur qui vient de coincer sa proie. C’était toujours la même histoire avec Ethel, des messes basses et des tirs croisés qui se concluaient par un cessez le feu autour d’un repas. Oui. La fac de médecine n'est pas loin, c’était pratique le soir après les cours. Ça m'a évité bien des fois de cuisiner. Aller viens, promis je vais pas te manger, tu n’es pas à mon goût.

Après tout, elle ne voulait qu’un certain et unique enfant de Niké.

L'intérieur chaleureux et douillet ne comptait qu’une dizaine de places, toutes vides, le coup d’envoi du midi n’ayant pas commencé. Tu vois ? Rien à craindre. C’est naturellement déjà qu’elle se tourne vers sa place favorite, dans le coin du restaurant à l’ombre des rideaux. Salut Bakhash ! Ça fait longtemps. Elle abandonna quelques instants Ethel pour se rapprocher du propriétaire, discutant rapidement.

Elle avait le sourire brillant et l'œil vif en rejoignant son compagnon. C’est bon, on peut s’asseoir.


Sinistra trouvait étrange de revenir là. Ca fait trop longtemps que je ne suis pas sortie de Nausikaa…

Je n’ai pas vraiment le temps honnêtement, de sortir je veux dire. Les gardes sont longues. Je veillais sur mes frères et puis… La moue plissée fendait son joli visage, révélant les fragments de doutes et la douceur douloureuse des égarées. Fouler la terre était une évidence pour les hommes, mais une particularité étrange pour les enfants des Dieux Morts.

J’ai peur du dehors tu sais, ce n’est pas simple, je ne sais que me défendre et … Les lèvres closes, elle offrit un regard désolée à Ethel, une demande de ne pas la juger, de ne pas lui en vouloir. Elle aimait la ville, mais elle aimait d’autant plus la sécurité de Nausikaa.

A cette époque, Sinistra n’avait rencontré que des monstres humains, fait de luxures, d’abus et de cruautés dirigés tous envers elles. mais ils étaient restés des hommes et elle n’avait pas peur d’eux ; elle savait leurs points faibles et leurs vies aussi risibles que la sienne.

Les monstres la terrifiaient d’autant plus.

Enfin, je suis plus utile à Nausikaa quoi, il faut bien exister et y faire un travail.

Ne lui en veut pas Ethel, elle n’a pas ton courage.