il y a la scène qui tremble, qui ploie sous le poids des vibrations ; il y a la foule qui gronde, qui tangue au rythme effréné ; il y a daniel, sous son masque, qui ne pense à rien, n'existe qu'au travers de ce joyeux tumulte. que lui restera-t-il ? les applaudissements, la clameur du public, les projecteurs braqués sur lui à l'en aveugler ? ou bien ce sera la musique, les percussions qui résonneront dans ses tympans pour le reste de la soirée. en coulisses, le regard braqué sur son reflet dans le miroir, il croit un instant toucher au bonheur.

l'euphorie ne le quitte pas tout de suite : il est encore sujet à sa démesure, renonçant au calme liminal des loges afin de rejoindre le monde extérieur. la fébrilité est presque redescendue mais cela n'empêchera pas l'effervescence qui parcoure ses veines d’allumer un feu dont il sera le brasier. il en a oublié de retirer son masque, s'en rend compte une fois dehors - lorsqu'il s'arrache enfin cette seconde peau sous les yeux des fans qui l'attendaient là, il leur expose un visage luisant de sueur dont l'impudeur harponne tout de suite les regards - et quelle victoire ! cette attention dont il est l'objet lézarde ses lèvres en un sourire immense et terrible. alors mes stars, ce concert ? ça déchirait ou quoi ? ça hurle à l'affirmative, ça se presse, ça grouille presque dans sa direction.
déjà, ses yeux parcourent les visages dans l'espoir de partager sa chaleur. elles sont nombreuses, ces fans dont il n'a pas le temps ni l'envie de mémoriser les façades ou les noms ; il profite néanmoins des compliments, des cris, des mains tendues dans l'espoir d'un contact infime. il y répond d'une caresse sur l'épaule, parfois d'une étreinte, d'un je t'adore, ou d'un merci beauté, superbement indifférent à la présence de ses collègues devant lesquels il n'a pas peur de faire du charme.

et puis la voilà, sa trouvaille du jour. il passe à côté de cette silhouette qui le dépasse, cela le pousse à tourner la tête et cela lui plaît. mais surtout ce sont ses larmes, ostensibles, dramatiquement accentuées par le mascara qui coule à l'unisson - et cela le charme, cette ostentation dont il croit percevoir tous les ressorts. son sourire est torve, son regard oblique. aaah, faut pas pleurer bébé.... il n'y a pas d'altruisme, pas de sollicitude, rien qu'un ego gonflé à bloc, corrompu par cette mise en scène d’adoration. quand il enlace brièvement l’objet du désir, c'est aussi une performance : la main se pose dans le creux de son dos, un endroit particulier dont il affectionne particulièrement la courbe.
tu fumes ? il lui faut lever le menton pour articuler la question dans un quasi chuchotement, puisqu’ils ne sont pas seuls, pas encore. il n’attend pas la réponse pour glisser entre ses doigts sa cigarette porte bonheur.
ce qui la différencie des autres ? sur la tranche, l'adresse de son hotel, inscrite minutieusement au stylo bille.
daniel n'a jamais honte.

oui... oui... oui ! scandé en refrain aux oreilles de daniel, c'est une prière à sa gloire dont il tire un plaisir primaire et viscéral. il a souri, ravi de voir sans surprise qu'il est capable de faire trembler.
__

la façade de l'hôtel se détache de la rue en angles bruts et solitaires. il est tard et il a fallu qu'owl patiente, d'abord parce que daniel est occupé mais surtout parce qu'il n'est jamais à l'heure. lui-même a surgi de nulle part, le pas léger, le visage placardé d'un sourire qui a tout d'un mauvais présage. faut m'demander quoi ? sans préambule, sa question trahit un enthousiasme à la curiosité décomplexée. déjà indifférent à toute forme de réponse - il n'a que faire d'entendre sa vie narrée par autrui - il s'amuse à scruter de haut en bas sa rencontre de la journée. il y a mille manières de se présenter à quelqu'un et il s'avère que celles-ci lui semblent toutes surfaites, qu'il se figure au-dessus de ces règles construites sur des non-dits, ce qu'on appelle le vivre-ensemble et qui lui est si fade. heureusement, il n'en a pas besoin et s'accomode qu'on le juge réfractaire, impropre, en somme sacrilège. il a été écrit pour aller à contre-courant et c'est comme cela qu'on l'aime ! n'est-ce pas ? ou peut-être qu'il oublie juste de demander son nom.

tu m'allumes ? d'un geste, daniel illustre sa demande d'une cigarette qu'il coince entre ses dents. il se tient juste en face d'owl sans savoir la nommer. il a le menton levé sans honte vers son visage afin d'en retracer les lignes tranchantes sous la lumière froide du bâtiment. heureusement qu'on ne brûle pas d'un regard... la chaleur, il faut en faire l'expérience par la chair. il a attrapé la main d'owl, dont il ne connait pas le nom et dont il ne connait rien, celle qui tient le briquet près de ses lèvres. du bout des doigts, il caresse ses phalanges et retrace la courbe de sa paume, s'approche comme pour confier un secret. qu'est-ce que tu dis de me me tenir compagnie cette nuit ? daniel agite sa carte de chambre sur laquelle on lit V.I.P. en lettres dorées, frappé en son for intérieur du caractère trivial de sa propre demande. les mots, dénués de tout charme en dépit de ce qu'ils promettent, trahissent la nature de son désir.
que désire daniel ?
puisqu'il les convoite à l'excès, c'est qu'il doit désirer les femmes, cela fait sens. qu'il passe ses mains dans le creux de leur dos, rassuré par la constance d'une évidence établie par défaut. parmi la foule qui criait son nom, son dévolu se serait jeté sur l'une de ces femmes dont l'étreinte l'aurait réconforté ; dont la silhouette, reconnaissable et rassurante, facilement catégorisable, se serait trouvée en tout point conforme à ce qu'il doit désirer - simplement parce qu'il en a le droit. c'est pourtant logique : il a choisi l'inconnu équivoque aux larmes les plus bruyantes, aux joues maculées de mascara, la personne qui lui apparaissait déjà, de loin, comme une délicieuse prise de risque, une découverte sans précédent, une catastrophe ambulante !
il ne faut pas s'étonner que son propre désir le laisse alors perplexe. c'est une suite v.i.p., et bien sûr je t'offre tout ce que tu veux. et il ne faut pas s'attendre non plus à un miracle, daniel ne dira rien de romantique.

(cw érotisme, mention de sexe)
daniel aime qu'elle se pâme comme le font les bons fans mais aussi qu'elle prenne ses aises. assise sur le lit, sa silhouette ne le surplombe plus. il ne craint pas de s'en approcher : il se tient debout là, entre ses jambes, le menu du room-service à la main. va pour du champagne, tes désirs sont des ordres. il commandera celui-là, parce qu'il est bon mais surtout parce qu'il est cher. il imagine que le prix fait gage de qualité. il veut qu'owl le trouve généreux. rien de sournois là-dedans, il ne cherche qu'à faire plaisir ! à son enthousiasme si prévisible, il tend une oreille compréhensive, attentive. son sourire s'est encore élargi : il est séduit par l'expressivité ostensible, par les accessoires extravagants qu'il associe au féminin, par le maquillage excessif. c'est trash, c'est rock. il se réjouit de cette excessivité dont owl - puisque c'est son nom - habille son amour. elles ont qu'à être jalouses, je m'en fous. des mots doux qu'il lui souffle de près sans lui préciser que cette occasion n'est pas aussi spéciale qu'elle en a l'air. bien sûr, la soirée sera unique, à l'image de la compagnie qu'il s'est choisie pour cette fois-là. quand il retrace les courbes de ce visage du bout des cils, daniel est convaincu qu'il a cueilli la bonne fleur. projetée sur cette trouvaille, son ombre n'est pas si imposante. aux louanges dont on le pare, il rit tant elles lui semblent surréalistes. le plus beau, le plus grand, vraiment ? puisqu'il porte une conscience cruelle sur la réalité de sa nature, il décide de s'en amuser.

le carton du menu finit sur la moquette : daniel a besoin de ses deux mains pour ce qui va suivre. contre sa paume gauche, la joue d'owl laisse comme une brûlure. ben me voilà, et j'aime rendre service, alors si j'peux t'aider à réaliser ton rêve...
sur la table à leur droite, le téléphone de la suite, que daniel a déjà saisi d'un geste adroit. on le sent habitué. il n'interrompt pas son exploration en passant l'appel : bonsoir, suite 517. ses doigts se perdent sur sa nuque - tiens, c'est la première fois qu'il touche des cheveux roses - puis sur sa gorge. la peau y est claire, tiède, vivante. une bouteille de brut, c'est possible ? deux verres, sensible à l'appel de cette chair là, daniel n'a pas honte de passer sa main sous le tissu. il la pose bien à plat sur les clavicules, là où le coeur cogne contre la cage thoracique, résonne contre l'épiderme. ses yeux sont d'un noir d'encre, magnétique. merci, c'est sympa. il raccroche.

le combiné laissé à l'abandon, daniel a retiré sa ceinture avec expertise. d'une seule main, bien sûr, pour ne pas s'arracher à ce corps dont il s'approprie déjà la chaleur. j't'en prie mon sucre, j'suis tout à toi. il préfère que ce soit owl qui le deshabille. la familiarité avec laquelle il s'exprime a le don de revêtir le parasocial des vertus de l'intime. ainsi on croirait qu'iels se connaissent depuis très longtemps. et qu'importe que ce ne soit pas classe. de sa bouche, cette promiscuité verbale sonne presque juste.

(cw sexe explicite, langage cru, comportement d'énorme cafard)

il est question pour daniel de s'accrocher éperdument au moment présent pour ne pas qu'il s'échappe et idéalement, de le capturer. le plaisir, seul, n'est qu'accessoire. il s'agit de le sublimer et de le partager aux yeux d'un public qui se fait aussi acteur - owl, en l'occurrence. d'abord, il la regarde à peine, le corps tout entier consacré à la poursuite de l'instant. il faut avoir l'air désinvolte, mais pas trop ; mimer la volupté, lui donner forme d'une main égarée sur sa nuque et de quelques mèches roses coincées entre les doigts. il faut montrer aussi, d'une inspiration profonde ou d'un frémissement, qu'il aime la douleur des ongles enfoncés dans la chair de ses cuisses. la volupté nonchalante dont il s'enveloppe est par essence prévisible : il apprécie qu'owl se consacre aussi à cette performance. quelque part, daniel est encore sur scène - son plaisir, il le joue, le compose et le vocalise à force de soupirs et de gémissements dont l'unique vocation est de l'encourager au vice.
continue, c'est bien, et c'est vrai que c'est plutôt bien, très bien même, il suffit de voir la façon dont le mascara coule, la scène a tout d'un bon film porno, voilà ce que se dit dan, alors forcément cela doit être bien, très bien ! owl est prête à tout, sa dévotion se lit partout sur son visage.
cette pratique de la corruption est le produit d'habitudes établies sans que daniel ne s'en rende compte, persuadé d'être à l'aise, ignorant que son immersion n'a rien d'authentique et presque tout d'artificiel. il lui est bien impossible de s'abandonner seul aux délices d'une concupiscence étrangère à l'amour ! il sourit, les paupières à demi-closes, le regard abrité sous l'ombre de ses cils. il caresse la joue d'owl, tendrement, recueillant sur sa paume un mélange de fluides leur appartenant à tous les deux.
puis il dit : ahhh- oui... le champagne... entrez !

bien sûr, le spectacle ne dure pas longtemps. il suffit d'un pas dans la chambre pour comprendre la nature de l'acte : ce doit être le bruit, ou l'odeur, ou peut-être les deux, toujours est-il que l'homme chargé de leur room service dépose la bouteille précipitamment et prend la fuite en un temps record - il se confond même en excuses avant de claquer la porte ! daniel éclate de rire : ahhh- attends- d'une main, et avec une délicatesse étrangement hors de propos, il attrape owl par la mâchoire et lea redresse à sa hauteur. t'aurais du voir la tronche qu'il tirait ! et il rit encore, fier de communiquer sa débauche. les yeux brillants, il colle son front au sien et passe un bras autour de sa taille. ainsi quand il s'allonge sur le lit, il l'entraîne dans son mouvement. c'que tu suces bien... j'te jure. il serait ravi de lui retourner la faveur, d'ailleurs, cela va de soi ! daniel n'a aucune idée de ce qu'owl attend de ses partenaires - il ne sait pas que, comme pour lui, ses penchants sont troubles, étrangers. du bout des doigts, il dégage quelques mèches collées contre ses tempes. et t'es canon, comme ça. comme ça, la peau luisante et le maquillage ravagé - daniel se délecte de ce portrait dans lequel il trouve le reflet de sa propre décomposition.

daniel n'est pas encore nu. il a ouvert sa chemise d'un geste sans précipitation aux premiers boutons seulement, révélant un torse lisse, imberbe, sans caractère. puisque la passion n'a pas l'air d'être au rendez-vous, c'est suffisant : il faudrait, pour que ses vêtements ne le dissimulent plus, qu'owl les retire de ses mains.
bien sûr, il balaie ses interrogations avec légèreté, oui très jolie, sans plus d'attention accordée à cette recherche de validation superficielle. les compliments qu'il reçoit de son côté, s'ils effleurent son ego, se heurtent à l'imperméabilité de sa surface et glissent le long de ses parois sans vraiment le pénétrer. leur attribuant cette même impuissance, il est alors naturel qu'il néglige les louanges faites à autrui. t'es très bien, bébé, les doigts affairés entre les mèches roses, derrière l'oreille, contre la nuque. c'est vrai qu'owl ne ressemble pas aux filles dont il a l'habitude de partager le lit. c'est ce qui lui a plu d'office. ses larmes noires peignaient sur son visage un tableau d'une indécence terriblement séduisante. en owl, daniel cherche la consécration viscérale - malgré tout décevante - de ses propres excès.  
des copines, j'en ai plein chérie- daniel s'affirme seulement ainsi dans son identité primordiale, persuadé de n'exister qu'en négatif des femmes qui l'entourent. il n'a pas spécialement conscience de sa propension à toucher des travers dont il ne comprend pas tout à fait la nature. à la mention d'aubrey, il rit d'abord - d'un éclat de voix surpris et presque aussitôt étouffé. y en a qui sont fous ! ses mains se promènent. au niveau des hanches, elles trouvent la forme des os qui pointent sous la peau et l'épousent, indifféremment. oh, ça ne le dérange pas qu'on se fasse des films - est-ce que ça devrait ? non, ça le laisse indifférent, qu'ils croient donc ce qu'ils veulent !

qu'est-ce que tu veux lui faire ?
c'est une bonne question. daniel plisse les yeux. au-travers de ses cils, il dévisage l'objet du désir. pourquoi je voudrais penser à... un instant, il se figure les cheveux roux, le regard clair et le sourire mauvais d'aubrey ; troublé de savoir qu'il existe un monde façonné par autrui dans lequel ils se font quelque chose. euhhh... bien sûr, ça n'a lieu d'exister qu'en plaisanterie ! et bizarrement, daniel lui-même échoue à en rire. on retrouve sur son visage une expression familière, une sorte de colère secrète et confuse. dans un murmure sourd, qui sonne faux : toi alors ? d'un geste brusque, il s'est redressé et a fait basculer owl sur le côté. toi tu veux quoi ? l'urgence dans la voix, toi, j't'ai choisie, ça te fait pas plaisir ? et les mots s'échouent, à l'instar de ses lèvres, dans le creux du cou dont il inspire l'odeur. et toi ? il faut qu'il soit fébrile - c'est dans la fébrilité que se reconnait le désir, n'est-ce pas ? il mord la peau exposée à sa merci et poursuit ses caresses sous la jupe d'owl. tu crois quoi toi ? j'ai l'air d'aimer les hommes ? et il faut qu'il ait l'air de s'amuser en posant la question, ça n'a pas de sens qu'il se montre aussi sérieux - même au contact de la chair tendre d'une fesse contre sa paume, ses sourcils demeurent froncés. il y enfonce ses ongles dans l'espoir de s'enfoncer lui-même ; de s'envelopper dans une volupté volatile mais authentique. il voudrait pouvoir lui arracher ses vêtements, un à un, comme ils font dans les films. alors ? daniel est-il convaincant ? lorsqu'il s'aventure entre les jambes d'owl, parait-il à l'aise, dans son élément ?
lui vient l'envie soudaine de s'allumer une cigarette. il lui semble qu'il parviendrait mieux, alors, à se laisser consumer.