et il cria d'une voix forte, disant à tous les oiseaux qui volaient par le milieu du ciel : venez, rassemblez-vous pour Son plus beau festin ! afin de manger la chair des rois, la chair des chefs militaires, la chair des puissants, la chair des chevaux et de ceux qui les montent ;
la chair de tous, libres et esclaves, petits et grands. »
— Revelations 19:17
il est dedans son lit
mais aussi dans une foule, un soir, ailleurs ;
minuit résonne au loin et nulle part à la fois.
rêve-t-il du festin ? Son plus beau - il l’ignore - ne discerne pas un ange ni soleil qui l’entoure, ne perçoit que la sorgue habillant les noceurs, et puis la lune ; chante son ode à la loyauté des tueurs. la scène à l’horizon fait pulser l’atmosphère, et la fête bat son plein tant qu’elle secoue le sol. il y a du monde en son sein : dont un très jeune garçon, peut-être de son âge - les cheveux scintillant dans les tons sélénites, blancs des astres -
et Tau se dit alors, ce doit être lui, l’ange des Textes ;
il s’avance,
et la bouche du garçon aux cheveux blancs s’entrouvre, seulement, il ne crie d’aucune voix - ni une forte ni une faible - ne produit pas un son lorsque son cou se rompt
et soudain, tombe son chef.
la foule et lui se figent ; jouent les mauvaises têtes.
il rêve, c’est tout - pas vrai ? il rêve et tout est faux - le festin d’artifice ; après la stupeur c’est l’effroi qui se saisit des cœurs et le public s’enfuit, sa justice assiégée : au centre du chaos se dresse un arbre immense, l’unique encore debout jusqu’à ce que frappe la foudre ;
il rêve, c’est tout.
il admire sans bouger : les gens filer partout comme des étoiles folles, éparpillées paniques, les gens former des flots sauf qu’une vague plus grandiose s’élève au-dessus eux, presqu’un raz-de-marrée : s’abat sur l’armada, dévore les en cavale et la chute des rois ;
il rêve, c’est tout.
il sent l’eau sous son ventre, ne s’anime toujours pas puisqu’il admire maintenant : une femme tournant le dos aux noyés qu’elle adore, sa chevelure des blés détrempée du déluge : elle les abandonne tous et le renard, lui, reste affamé de l’or ;
il rêve, c’est tout.
il ressent la secousse en-dessous ses talons, à côté du château des égarés, chancèle, et la terre se fend large en une fosse effroyable, un avaloir sans fin : par dizaines des bras sortent en rampant aux parois, coloris de cadavres, pour se saisir ensemble d’un fils des Enfers, le traîner aux géhennes quand bien même il refuse ;
et il rêve, et c’est tout,
tout l’inhumain passé il rêve ainsi des bêtes : surplombant le carnage un aigle veut s’envoler, plus haut, mille fois plus haut que ça mais des chaînes l’en empêchent, le ramènent ici-bas : ici-bas il n’y a plus que des corps sans la vie, amoncelés vulgaires en dernier rendez-vous, la charogne ça et là et sur elle se promène la saleté plurielle : des scorpions, des vipères, des araignées-serpents : ces monstres miniatures qu’on préfère en bocaux, la nuit au muséum ;
et Tau se dit alors, ce doit être Tau, l’ange des Textes ?
devrait-il s’écrier : venez, rassemblez-vous ! et sinon
décrier, empêcher l’avènement ; vous prévenir, tous !
mais il rêve, et c’est bien tout ce qu’il fait
(enfin, ne vendons pas la peau du lion,
avant de l'avoir tué) ;
à l’éveil ses joues sont humides.
il ne sait plus pourquoi - ah-
quelle est-elle déjà ?
la réponse à toute chose.
— quelques nuits avant celle du festival, Tau fait un rêve ; prémonitoire sans qu’il ne sache. il y voit dans cet ordre :
— la mort violente d’un oracle, provoquant un mouvement de foule qui coupe court au concert
— un éclair qui s’abat sur un arbre solitaire
— une vague gigantesque déferlant sur les gens
— quelqu’un disparaissant dans la pénombre
— quelqu’un disparaissant sous la terre
— un aigle cerné de chaînes
— au final un charnier sur lequel prolifèrent des insectes et des reptiles
— (certains passages de la prédiction concernent trois enfants issus des trois grands)
— le seul souci étant qu’il s’éveille sans souvenir…