Beau faisait parti de ces hommes que Meryem savait apprécier pour ce qu'ils étaient. Dénué des faux semblants, dans leur nature la plus simple : il savait ce qu'il voulait et le prenait, en redemandait. Il lui en fallait peu pour gonfler son égo. Elle le laissait se pavaner comme un paon tout en lui prodiguant l'adrénaline passionnelle qu'il cherchait avec elle. C'était le genre de proie qu'elle ne voulait pas manger tout de suite, car elle pouvait encore profiter de tout ce qu'il pouvait lui offrir, matériellement, physiquement. Elle mettait d'ailleurs un point d'honneur, à ne garder que les dernier bijoux qu'il lui offrait sur elle quand ils se voyaient. Parce qu'elle savait qu'il adorait avoir l'impression qu'il la possédait et la marquait d'une manière que lui seul, avec sa richesse, pouvait le faire.

D'ailleurs, ces bijoux, elle les avait soigneusement ôté pour ne pas les abîmer sous la douche, mais elle gardait un oeil sur eux à travers la paroi transparente. Il avait bon goût, ou du moins, Meryem lui avait appris à connaître ses goûts. Ça la faisait sourire, parce que Beau faisait sans doute gonfler son égo mieux que la plupart des gens avec qui elle s'amusait. Raison de plus pour le garder bien au chaud, près d'elle.

L'Empouse l'entend arriver, quand il vient derrière elle. Le geste n'est pas anodin, elle s'attend à ce qu'il veuille la prendre encore, malgré qu'elle l'ait déjà bien épuisé. La question la fait sourire. Le demi-dieu semblait accroc.
Elle tourne la tête et dépose un baiser sur son biceps.

Pourquoi faire, est-ce que tu le retiendras seulement ? Est-ce que ça ne t'amuse pas plus de ne pas savoir ?

Ça faisait partie du mystère autour de sa personne, qui le fascinait sûrement.
Elle voit son visage, sur le reflet de la vitre, elle le regarde avec un sourire narquois.

Il ne faudrait pas que cette belle langue délie avec tes autres amants et hurle mon nom à la place.

Elle n'était pas possessive — mais ça l'amusait.

Oh, comme elle aimait que les hommes soient à genoux devant elle. Elle savait qu'elle avait fait le bon choix, depuis le jour où elle s'était laissée tenter par ses belles paroles, et jugea de s'il était digne de passer plus d'une nuit avec elle.

Beau portait si bien son nom, et elle aurait aimé qu'Apollon voit à quoi en était réduit son fils, à genoux devant un monstre. Elle devait l'avouer, dans toutes ses vies passées, elle avait toujours été sensibles aux bardes, aux poètes, aux musiciens, aux artistes et aux écrivains dont elle pouvait être la muse. Elle lui répond dans un français parfait.

Mon amour.

Ca, il ne le savait pas encore à propos d'elle, qu'elle parlait tout à fait bien cette langue. Et beaucoup d'autres, que le temps et les réincarnations lui avait permis de maîtriser. Mais ça l'amusait, de ne lui laisser qu'entrapercevoir l'entièreté de sa personne, lui qui la suppliait littéralement d'en savoir plus.

Ca fait parti du charme de notre romance. Tu me couvres de cadeau, je te couvre de baiser, on se quitte, on se retrouve, et on recommence. Pourquoi vouloir plus d'intimité ? Je suis ta maîtresse, ton amante, ton secret. Je préfère que tu penses à moi avec tous ces mots lascifs, plutôt qu'à mon simple prénom.

Difficilement, parce qu'il enserre ses jambes, Meryem se retourne. Elle le regarde de haut, enserre son menton entre ses doigts pour qu'il la regarde avec ses yeux de chiens battus, avec un sourire charmeur.

Mais je serai curieuse de voir comment tu es quand tu en colère, Beau. Alors dis-moi. Qu'est-ce que tu feras si je ne te donne pas mon nom ? Vas-tu me tourner le dos ?

Oserait-il seulement ? Combien de temps tiendrait-il avant de revenir ?

Il lui vint, tout à coup, une idée comme de celles qu'elle seule pouvait concocter. Une idée aussi chaotique que réjouissante, aussi cruelle que satisfaisante, et aussi machiavélique qu'amusante. Tout était une question de point de vue, et du sien, il s'agissait d'une excellente idée.

J'entends ce que tu dis, mon coeur. J'aime comme tu me veux, comme tu me désires.

Elle minaude, le ton affectueux, elle se penche en avant pour le tenter toujours plus avec ses généreuses courbes exposées aux néons de la salle de bain, chaque goutte sur son corps comme une invitation à boire à même le satin de sa peau.

Voyons voir à quel point tu m'aimes vraiment.

Elle fait presser sur son menton pour lui signaler de se lever, parce qu'elle veut mieux le voir. Elle le presse contre la paroi de la douche, se presse elle-même contre lui en l'embrassant langoureusement avec une lenteur délibérée, laissant planner quelques secondes de battement avant de reprendre la parole.

Je veux un banquet. Une énorme fête. Avec une liste d'invités particulière... Tes conquêtes. Toutes. Celles du passé, celles du présent, celles du futur. Toutes réunies au même endroit. Et je veux que tu annonces à toutes ces personnes qu'elles valent moins que moi. Que je ne suis pas que ta maîtresse. Je suis ta favorite. Et ce soir-là, devant tout le monde, je te dirai mon nom. Qu'en penses-tu ?

Oh, s'il acceptait, quelle joie ce serait de voir les expressions des uns et des autres. Peut-être même y aurait-il des demi-dieux dans le lot, et ça n'en serait que plus jouissif.
Oh, et s'il refusait, eh bien, leur jeu reprendrait comme avant.

Meryem a une légère moue déçue, bien qu'elle aurait dû s'y attendre. Oh, ça lui aurait fait plaisir qu'il dise oui, qu'elle s'amuse ! Mais elle aurait dû se douter que c'était trop en demander. Qu'il lui dise la vérité ou qu'il mente, peu importe, le résultat était le même : il ne jouerai pas.

Mais il était beau parleur ; décidemment, c'était cette qualité qui le sauverait un peu plus à chaque fois. Elle voyait encore une utilité au jeune homme, même si ça n'était que pour flatter son égo et y trouver une satisfaction charnelle en sa personne. Elle tapote ses lèvres avec son index, comme pour réprimander quelqu'un qui parlait trop. Elle a un sourire mesquin, comme si elle était une figure autoritaire pour lui plus qu'une amante.

Tu as de la chance que je te crois. Et que tu reconnaisses tes torts !

Comme lassée, elle s'arrache de son contact et ferme l'eau de la douche pour revêtir un des peignoirs qui traînait là, et prit soin de délicatement frictionner ses cheveux. Elle était venue régler ses petites affaires, elle ne comptait pas s'éterniser plus longtemps et se préparait à partir à son rythme.

Nous sommes donc d'accord... Je m'en vais à nouveau, et nous nous rejoindrons ailleurs, sous d'autres noms. Crois-moi, mon amour, c'est mieux ainsi. On se lasse vite sans mystère...

Et elle préférait encore retourner en enfer plutôt que d'avoir un homme se lasser d'elle.