Tu avais fait changer trois fois de destination au chauffeur qui avait finalement capitulé pour te conduire à l'hôtel Danaé. Mais c'est où qu'on va m'sieur Mongomery ? avait-il bafouillé en tapotant nerveusement sur l'écran de son iphone. La foule de fans qui t'attendaient fermement en bas du Ritz allaient être bien déçu - aucune communication sur Instagram ou Tiktok de ta part ; certaines se perdraient sûrement à t'insulter en commentaire de tes derniers posts, les autres s'acharneront à te défendre. Et tu liras cet affrontement avec un sourire niais et satisfait, gorgé de perversité quant il s'agissait de te moquer de ces jeunes filles dépendantes et écervelées.

Mais si tu viens à l'hôtel, ce n'est pas pour le luxe des chambres aux tapisseries dorées ; mais bien pour tout le casino restaurant du rez-de-chaussée. Assis à une table avec des amis (?) et quelques joueurs rencontrés sur l'instant, tu sirotes un cocktail tout en triant ton jeu. Tu remportes la mise sans même faire d'effort et provoques des râles d'exaspération même à la table d'à côté.

Victorieux, tu t'apprètes à parier de nouveau lorsqu'un parasite décide de s'incruster au meilleur moment.
Tu le toises de haut en bas comme on le fait avec les déchets et assènes d'une coupe franche :

Et toi tu t'es enlaidis. Beurk, qu'est-ce que c'est que cette sale gueule ?

Il est certes plus facile de s'attaquer au physique dans un premier temps ; avec toi la guerre s'éternise et peut se propager au reste de l'identité, il t'en faut peu pour abattre l'ennemi.

Tu me gâches la vue, je ne me suis pas levé ce matin pour avoir affaire à un plouc dans ton genre. Allez, zou, retourne sur Xanadu.

Pour la première fois depuis le début de votre échange (si on peut appeler son monologue ainsi), tu le détailles vraiment. Tu le passes au scan visuel de sa sale tête couvertes de cicatrices, à ses chaussures bien cirées. Son accoutrement lui donnait l'air d'un pingouin à l'étroit sous sa fourrure - mais il avait pimpé le traditionnel uniforme doré du Danaé par :

Mais connard, c'est ma veste ça !

Tu poses immédiatement tes yeux sur des endroits au hasard, sur son corps - tu reconnais une de tes montres (car tu en as plusieurs) mais n'a pas le temps de t'en offenser car :

Et mes lunettes de soleil Gucci...

Tu lui arraches du nez pour les poser sur ta tête, coinçant quelques mèches blondes en arrière.

En plus d'être un petit vicieux, t'es un sale voleur.

Ça t'amusait Isidore, de disposer de la vie des gens ; et tu ne pensais pas à celle qui s'oppose à la mort, mais à celle de tous les jours - la situation. Alors que tu penses avoir l'ascendant, tu craches une menace à peine dissimulée :

Je pourrais te dénoncer à ton patron et te faire renvoyer. Tu t'es introduit dans ma salle, sale cafard.

La confrontation est chuchotée dû à sa proximité rapprochée, les autres participants sont trop occupés à battre les cartes.
Mais c'était sans compter que ce chien se mette à faire le beau lui aussi. Il se croit tout permis, c'est insupportable.

À la bonne heure, je n'ai aucune histoire pathétique. Ah ! Tu peux bien chercher ! Je me suis assuré d'être intouchable, contrairement à... toi. Je suis même étonné que tu aies trouvé du travail. Quelle entreprise censée voudrait de toi ? Tu ne fais pas trop peur aux femmes qui jouent au casino ?

Renverses d'un geste habile le reste de cocktail sur ses cuisses et souffles, furieux.

Parasite

Quand tu relèves la tête c'est pour arborer un grand sourire. Victorieux.

En réponse à son sourire de façade, tu ne lui offres qu'une grimace complaisante et crispée. Si tu n'es pas le plus à l'aise avec les arrogants incapables de se sentir humiliés et préfères de loin la compagnie des victimes serviles et des caractères bien trempés ; il y a un challenge à relever avec celui-ci. Tu feras tout pour l'écraser - et bientôt il perdra son rictus suffisant d'abruti.

Tu te doutes bien qu'il ne suffit pas de renverser un peu d'alcool sur ses jambes pour lui faire perdre ses moyens, il n'empêche que son insulte susurrée te fait serrer le poing ; tu te retiens de le frapper. À la place, tu éclates d'un rire bruyant et surjoué.

Au moins, un de nous réussit mieux que l'autre à être crédible dans son rôle.

Tu t'étais toujours convaincu d'être un bon acteur, la perle rare que tout Hollywood devrait s'arracher, une coqueluche du cinéma et des réseaux - le préféré.

Elles, peut-être.

Tu fronces les sourcils à la vue du canif. La lame se frotte à ta cuisse, au travers du pantalon bien moulant. Tu n'es pas un idiot. Il lui suffirait d'être vif et de bien visé pour te trancher une artère et te tuer. Mais le fera t-il au milieu d'une foule de gens ? Risquerait-il tout à ce point pour t'intimider ?

Bien sûr que non !
Et comme c'est du chiqué, ça ne te fait pas peur.

T'es vraiment un tordu toi.

Tu colles te genoux mais ne te décales pas pour autant. Tu attrapes tes cartes et jettes un coup d'oeil aux siennes lorsqu'il les attrape. Vision accrue te permet d'en voir une.

Tu ferais mieux d'abandonner tout de suite. Ce n'est pas un jeu pour les morveux, et encore moins pour les racailles.

Le fait qu'il ose supposer pouvoir t'atteindre réussit formellement à te vexer. Jusqu'alors, ses tentatives grossières et immatures avaient toutes échouées. Tu le toises sans retenu, la mâchoire crispée d'avoir à prétendre aux autres passer du bon temps en sa comagnie, et même en la leur. La présence de tes compagnons était devenu lassante, si bien que Samael se risquait presque à remonter la barre du divertissement.

Sa lame glissant toujours sur ta cuisse, tu la surveilles d'un oeil contemplatif mais avide. Tu masques la peur humaine et pathétique qui grouille dans ton estomac et qui remonte étouffer ta poitrine. Pour évacuer, tu échappes un souffle bruyant et brulant.

Alors t'es un tricheur ?

Pour la première fois depuis l'échange, Samael attise ton intérêt. S'il y a bien une vérité commune à toutes les autres, moins accesssibles pour le commun des mortels, c'est que tu détestes perdre. Tu es capable de tout faire pour éviter que ça arrive !

Je vais gagner. Je vais te mettre la raclée de ta vie et tu vas ramper pour en redemander.

Tu ouvres le jeu avec un premier double. Tu accapares l'attention du croupier dès lors qu'il semble se concentrer une seconde sur quelqu'un d'autre dans la partie. Redoutable, tu envoûtes, bluff, jusqu'à ce qu'ils perdent tous leurs mises. Jusqu'à ce qu'il ne reste que lui et toi - que lui pour se tenir face à toi.

Alors Grey, on tremble ?

Progressivement, les autres avaient quitté la table de jeu pour vous encercler, rejoins par une petite foule qui avait été prévenu de ta présence royale.
Tu t'étais décalé en face de Samael. Le croupier de ton côté. Tu ignore par quelle chance tu es bénis, mais durant la partie, le fidèle allié de Samael (à sa déclaration) avait retourné sa veste pour se ranger derrière toi.

J'ai oublié de te dire, le perdant aura un gage.

Et tu poses ta suite, persuadé de connaitre son jeu sur le bout des doigts - déjà auto-courroné roi.

((Il n'avait pas encore posé ses cartes))
Que tu sifflais déjà l'hymne de la victoire.

Les yeux scrutent avec un malin plaisir les micro-réactions de Samael. Tu n'as qu'un seul rêve en cet instant (et cela peut vite osciller vers un autre) : gagner et le ridiculiser. Mais ça ne se passe pas comme prévu ! Il te prend de court, il te félicite et accepte la défaite avec un petit sourire. Rapidement, le rêve s'envole et un autre vient prendre sa place : celui de l'étriper devant toute l'assemblée.

Tu es bon perdant, tant mieux.

Tu glousses et minaudes, hausses les épaules d'indifférence. À l'intérieur, tu bouillonnes de frustration. Il te le paiera, et s'il pense que tu vas l'ennuyer, alors tu vas lui montrer - qu'Isidore Montgomery n'est jamais à court d'imagination lorsqu'il s'agit de tourmenter son prochain.

J'aurai pu te demander d'imiter le canard ou le porc devant tout ces gens mais j'ai bien compris qui tu étais, Samael Grey. Je ne te réserve rien d'aussi évident que tu saurais faire en temps normal, sans qu'on te le demande.

Tu prends tes aises. Ramasses l'argent alors que tu es déjà outrageusement riche. Tu hisses tes jambes pour les étaler sur la table. Tu prends appui et fais balancer la chaise vers l'arrière ; profites de cet équilibre pour réfléchir. Le croupier vérifie que les transactions sont en ordre et est appelé vers une autre table qui requiert son aide depuis maintenant quelques minutes.

Partez, dégagez ! Vous m'emmerdez tous, je veux rester avec lui et lui seul !

La foule se dissipe, certains t'insultent en partant. Ce que tu peux être irritant.

Je veux que tu me fasses rentrer dans le bureau de ton boss. Que tu le voles pour moi.

Tu n'avais ni besoin de son argent ni d'intérêt à envahir son business - seulement une envie irrépressible de voir jusqu'où il serait capable d'aller.

Isidore ne savait pas. Il n'avait aucune idée de ce qu'il voulait d'Alastor Hastings. Rien, en réalité. Il ne croyait pas qu'un homme comme lui pouvait lui apporter quoi que ce soit - si ce n'était des ennuis à vie et une dette plus large que son bras, que sa richesse outrancière aurait du mal à assumer.

Mais ce dont il était certain, c'était de l'humiliation absolue que ressentirait un chien forcé de défequer aux pieds de son maitre. Si seulement Samael était capable de ressentir quoique ce soit d'autre que de la raillerie et de l'arrogance. Ils se ressemblaient pas mal en ce sens, pensa Isidore.

Rien qui te concerne !

Il haussa les épaules et ne protesta pas lorsque Samael s'immisca derrière lui. Il attendit qu'il le touche pour le repousser.

Ne pose pas tes mains sur moi par contre, je viens de me laver.

Isidore fit semblant d'être dissipé, face aux indications de Samael pour le guider au bureau de monsieur Hastings, et pourtant ils arrivèrent à destination. Devant la porte, Isidore jaugea son complice, et sans attendre son approbation, pénétra l'antre de son chef, étonné de n'y voir personne.

Quelle chance ! Il n'est pas là !

Il jouait au con mais savait très bien, vu qu'il l'avait croisé en bas. Occupé à discuter affaires dans sa prison de verre insonorisée. Personne ne viendrait les déranger.

Isidore sortit son iphone et commença à prendre des photos. Il s'amusait des risques mais surtout de frôler les limites - il était impatient de voir jusqu'à où Samael craquerait et arrêterait de faire le beau, pour enfin commencer à faire son boulot. Il se dirigea à grandes enjambées derrière le bureau et ouvrit les tiroirs au hasard. Il prit encore des photos, de dossiers dont il ignorait le contenu. Il s'en fichait, tout ce qu'il voulait c'était réussir à le faire stresser.

Qu'il vienne l'arrêter s'il l'osait.

Il était plus intéressant de déceler la faille chez Samael que de réellement trouver les trésors cachés d'Alastor Hastings - Isidore jouait à un jeu dangereux, il avait conscience (partiellement) de ce qu'il lui coûterait de provoquer un homme aussi dangereux. Pourtant, son défaut fatal le trahissait dans ce genre de moments osés, où le danger ne demeurait rien de plus qu'une poussière sur son épaule, un léger picotement à l'arrière de son crâne. Il ne pouvait rien lui arriver, il en était persuadé.

Il entendit du fracas derrière lui et commença à se moquer ;

Bah alo-

Avant d'être brusquement projeté contre le fauteuil du bureau, dans lequel il s'écrasa avec charme et charisme. Isidore épousait parfaitement les formes du cuir et ses bras s'étaient déposés gracilement sur les accoudoirs de velours. On aurait dit qu'il avait été bâti pour lui !

Il leva le menton et porta un regard indolent envers celui qui l'avait poussé. Samael gesticulait comme un clown, assis sur le bureau et réussit par un moyen qu'Isidore ignorait, à lui dérober son téléphone portable.

Rend moi ça !

Avait-il ordonné, appuyant sur une tonalité magique de sa voix dans l'espoir de l'envoûter. Mais trop tard, après l'avoir enregistré (ce qui avait manqué de le faire paniquer) ; Samael détruisit l'appareil - ce qui arracha au soleil un cri de protestation.

EH ! Tu sais combien ça coûte ?

Il pouvait prétendre être outré sur la perte d'un objet de valeur, Isidore ne leurrait personne. Il était riche.
Mais ce qu'il était aussi et surtout, c'était : déstabilisé. L'attitude dérangée de son comparse aurait du l'alerter, mais à la place, elle stimulait une partie de lui qui cherchait désespérément à gagner.

Tu crois avoir remporté cette partie là, hein ? Tu te trompes, le clochard. Je t'ai quand même battu aux cartes, et tu me dois toujours un gage.

Il trichait et réécrivait les règles comme ça l'arrangeait. Isidore estimait que personne ne pourrait le reprendre à ce sujet. Mais Samael tomba à ses genoux et déposa sa tête sur les siens. Il écarquilla les yeux et réprima une grimace de gêne et de dégoût.

Qu'est-ce que tu fous ?

Il n'avait pas prévu que Samael s'humilie de lui même.
Il reprit le court du jeu et tapota son crâne comme on gratifie son chien d'une caresse noble. Isidore s'impatienta et saisit brutalement une poignée de ses cheveux pour tirer sa tête en arrière.

T'es un putain de monstre, tu sais ça ? Dis-le, t'as plus rien d'humain.

Le gage, c’était de t’emmener ici. Le regard d'Isidore se couvre de malice ; sa condescendance glisse sur son corps comme s'il avait été un diamant lisse. Il laisse couler la vérité, même si elle ne lui plait pas, et perd son sourire exemplaire pour n'en garder que des vestiges glacés. Même si le Roi n'aime pas être remis à sa place, le Prince, lui, ressent un élan d'excitation dans la défiance mesurée et frontale, à son image. Il n'est sournois que dans l'imaginaire des vaillants - pour les faibles il est aussi meurtrier que le tranchant d'une épée.

J'aime tous les jeux, surtout ceux auxquels je gagne.

Isidore rêve pourtant d'achever leur partie d'un coup net et précis, d'écraser sa tête entre ses cuisses et de l'y compresser jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Il ne le fera pas vraiment non, c'est juste un fantasme idiot. Isidore n'est pas violent avec les gens, il l'est suffisamment avec les mots.

La douleur grignote du bout de ses doigts fins à son épaule ; Isidore se mord la lèvre et prend sur lui pour ravaler le mal qui le ronge sur l'instant. Il ne comprend pas tout de suite d'où ça lui vient mais ça ne peut venir que d'un seule personne !

Sale petit...

Il se contient de cracher l'évidence - c'est de bonne guerre. Isidore ne se sent pas attaqué par l'insulte ; elle n'a pas la même valeur que lui mais il l'accepte avec neutralité.

On est pas le même genre de monstre toi et moi. Toi tu es une bête répugnante et moi je suis puant, certes, mais je suis bien déguisé. La société m'acceptera toujours avec mes travers quand elle te regardera mal dans la rue. Pas besoin de faire semblant de pleurer, j'y croirai pas. Je suis sûr que tu t'en fiches, d'ailleurs.

D'être rejeté ;
hué ;
moqué.

Isidore ne l'aurait pas supporté. Il n'aurait pas laissé ça arriver, de toute évidence.

Tu me dégoûtes, perso. Quand je te regarde je me demande qui voudrait un jour te toucher.

L'Apollon ne veut peut-être pas le tester, après tout - juste l'écraser. Il se force à ne pas détailler la forme de sa mâchoire ou le retroussement adorable de son petit nez ; il s'impose d'esquiver ses yeux brûlants d'intensité.
Il est curieux de le toucher, mais il a juré.

Maintenant que j'ai perdu toute saveur à tes yeux, je me casse.

Il pousse sur ses jambes pour l'écarter et se dégager, désintéressé de ce butin qui n'en est plus vraiment un.

Il se sent gonflé d'un orgueil désabusé mais grandiose. Il scrute son adversaire, interloqué qu'il avoue sans détour aimer perdre face à lui. Parce que quand Isidore gagne, ça signifie que Samael perd. Il n'a pas le droit de changer les règles, c'est universel ! Il n'y a pas d'autres vérités que celle-ci, froide et impersonnelle. Isidore gagne et Samael perd. Il l'écrira sur sa tombe, le gravera sur sa peau s'il faut lui rappeler tous les jours de sa vie, et même dans la mort. Car même après tout ça, Isidore continuera. Il gagnera.

Et Samael se sera habitué aux défaites ; implacables et fermes.

Je suis un menteur, mais le plus beau de tous. Ils avalent mes mensonges et en redemandent !

Samael a raison lorsqu'il parle du métier d'Isidore - il est littéralement payé à mentir, à jouer un rôle ; mais parfois Isidore, comme tous les acteurs, confond fiction et réalité. Face à cet énergumène, Isidore ne sait plus à quoi se raccrocher.

Le grand brûlé l'emprisonne dans le siège du patron et Isidore s'enfonce ; il fait couiner le cuir et son coeur loupe un battement. Il n'est pas impressionné mais peine à cacher le dégoût qui repeint son visage face à la proximité des blessures exposées par Samael. Il était sûrement un beau tableau et tout est gâché ! L'authenticité, même assumée, ne peut pas égalée la vraie beauté.

... Qu'est-ce que tu racontes...?!

Ça y est, il est nerveux. Il déteste ça.

Tu me toucherais même pas avec un bâton. Écarte-toi.

Premier avertissement.
En le voyant refuser d'obtempérer, Isidore essaie de chercher son téléphone dans sa poche pour appeler la sécurité ; c'était sans compter que Samael l'avait détruit quelques minutes auparavant. La plaie !

Tu te trompes sur moi.

Isidore lui fout un coup de tête, provoque consciemment la collision de leurs fronts, si bien qu'il se déboite le nez comme un idiot. Il ne s'intéresse pas à l'état de son antagoniste, trop occupé à s'accaparer toute la douleur du monde.

PUTAIN DE MERDE, ÇA FAIT UN MAL DE CHIEN !

Même à l'agonie et le nez en sang, il n'arrive pas à s'empêcher d'être insolent.

Comme toi... le sale chien... woof woof...

La violence n'est pas toujours la plus habile des solutions. Isidore venait de l'apprendre à ses dépends. Sonné et plaintif, il masse le relief boursouflé de son nez. Il ignore l'état de Samael, égoiste, concentré sur le sien et uniquement le sien. Mais les mains de Samael sur son visage l'extirpent du cercle vicieux dans lequel il s'est enfermé tout seul. Il sent que ça le dégoûte, mais pourtant ne fait rien pour l'en empêcher - mû par une curiosité malsaine ; il veut voir jusqu'où il ira et jusqu'où, lui, Isidore, le laissera aller.

T'es putain de cinglé. On a rien en commun.

Mais dans la bouche d'un garçon aussi confiant, Isidore ne peut que se sentir flaté. Il en vient à ramper devant l'approbation d'un clochard - quand bien même il arrive à remonter dans son échelle d'estime. Samael est un clochard de luxe, ceux qu'on aime exhiber comme des parures usées mais qui ont encore de la valeur.

Isidore frissonne. Les lèvres de Samael sur sa peau ont un effet grisant, éléctrique. Il écarquille le regard, sincèrement choqué. Rapidement, la colère et le rejet prennent le dessus sur l'excitation et l'appréciation qui pourraient naitre de ses travers.

Il crache, impérieux, alors que ses lèvres aspirent son souffle et frôlent dangereusement les siennes :

Qui t'a donné l'autorisation ?

La claque sur la cuisse lui arrache une grimace de douleur. Il devrait se sortir de cette situation chaotique, notamment pour sa propre survie ; aussi parce qu'Alastor Hastings pourrait revenir d'un moment à l'autre et que les débris de son téléphone sont encore éparpillés sur le tapis.

Je vais te fumer, te ruiner, je vais tout te prendre...

Menace immature qui fuse plus vite que sa raison. Isidore pousse sur ses pieds sur le sol pour faire rouler la chaise vers l'arrière. Il se libère de l'emprise et passe une main dans sa chevelure dorée, humide de sueur. Il se penche et ramasse les restes de son rainphone, grogne.

Fais chier, FAIS CHIER !

Il lance un regard féroce en direction de Sam, vers le bureau et se dirige d'un pas agacé vers la porte. Rien ne s'est passé comme prévu.

Hotel de merde !