Les cicatrices à peine fermée qu’il avait quitté les murs ternes et le bâtiment lugubre de la clinique ; quelques jours étaient bien passées depuis les incidents du festival et tout n’était désormais rien de plus qu’un mauvais souvenir pour Star - l’inquiétude pourtant bien creusée au fond de la gorge lui avait causé quelques visites, mais si tout le monde allait presque bien, alors là était le principal. Si Star n’osait pas imaginer à quoi allaient ressembler les prochains mois, ou même les prochains jours, il était nécessaire pour lui de s’occuper autrement.
C’est pour ça qu’il s’était équipé de ses merveilleuses chaussures à roulettes pour rejoindre Reyn dans un petit bar au soleil estival pour prendre de ses nouvelles, mais aussi raconter les péripéties de ce soir-là. D’une certaine façon, tout cela semblait lui empêcher de penser aux désastres qui s’y étaient opérés ; peut-être qu’il pouvait ainsi voir le meilleur côté des choses (s’il y en avait un).

— Salut Reyn ! Il débarque en roulant, la main qui s’agite sans discrétion pour qu’il le voit - avant de rouler jusqu’à son emplacement, installé sur la terrasse de leur nouveau bar préféré (enfin c’était surtout celui de Star) pour peu que celui-ci changeait à chaque fois qu’il en découvrait un nouveau. Il fait tellement chaud, c’est dingue sérieux j’crois que je vais me dessécher si ça continue, j’vais épuiser leur stock de bouteilles d’eau.. À peine installé qu’il s’étend, et il se rend compte qu’il ne lui a même pas demandé comment ça allait (pour changer) alors les pieds enfin sous la table et énergique au possible comme s’il n’avait pas roulé sous le soleil cuisant toute l’après-midi ; Et toi comment ça va, la forme ? J’ai trop de trucs à te raconter, tu vas pas me croire. Entre ses doigts déjà la carte, les yeux qui défilent le long, à quoi ça sert puisqu’il sait déjà ce qu’il va prendre ?

— Mais d’abord j’ai trop besoin de boire un truc pas toi ? Attends, tu crois qu’ils font des glaces ici ? On pourrait en prendre si tu veux ! Et comme ça il pourra se plaire à tout lui raconter sans se dessécher, c’était peut-être une bonne idée.

Il est toujours là, c’est probablement ça - c’est bon signe de rire face à la mort, c’est bon signe de rire alors que le désastre était là, tout près et qu’il fourmille encore dans les entrailles ; le regard qui tombait sur les corps et le sang, et pourtant aussitôt qu’il s’était relevé vers l’horizon la vie avait décidé de continuer.
Certains n’ont probablement pas eu cette chance - alors il chasse cette idée de son esprit, il n’est pas venu ici pour avoir la mine désolée. Et entre ses doigts déjà il attrape la carte, son regard en trois tours qui en parcourt l'entièreté.

— Ouais, tu me connais trop bien je sais déjà ce que je vais prendre. Sourire rieur ; pas comme si c’était une nouveauté, pas comme s’il ne connaissait pas déjà un bon pourcentage des bars et cafés par ici, et par la même occasion - leurs cartes. Puis son nez quitte la carte, s’adresse à lui - à ses inquiétudes devinées, dissimulées en une remarque qui n’en est pas vraiment une. Certains ont eu moins de chance que moi tu sais ? J’ai pas frôlé tant que ça le désastre, j’ai eu de la chance. Il sourit, comme si c’était pas grand chose. Et peut-être un peu de style naturel. Il fallait probablement voir le bon côté des choses, il fallait peut-être qu’il s’admette rassuré mais de quoi exactement - même lui ne le sait pas encore et pourtant.
Pourtant il est toujours là.

— Tu sais j’ai vu quelqu’un se jeter sur le lion en pensant que ça le calmerait. Et comme si cette information ne représentait rien il attire entre deux mots l’attention du serveur - il commande une coupe de glace avec trois boules de trois saveurs ; trois saveurs qui en vont sûrement pas ensemble, mais qu’il aime respectivement. Toujours avec un peu de chantilly et quelque chose à boire en plus. Tu vas me dire “ael est totalement malade” et je te dirais que t’as pas tort mais franchement Il pense un instant, mais le mot était déjà tout ancré dans sa tête. Franchement c’était stylé.
C’était comme s’il oubliait avoir porté cette même personne avant de fuir - c’était comme s’il oubliait son visage totalement défiguré par les crocs de la Bête.