Le son de ton message est une aubade à la jouvence des nuits. Elle m’amène à déplier mes longues jambes, à renouer avec les fibres d’un corps qui me sert d’habitacle. J’aime les sonneries de tes mots, les pixels ne sont que des cajoleries qui éveillent un appétit gargantuesque en mon sein.

J’ai toujours faim, l’estomac difficilement comblé, compressé par les besoins irrépressibles de corps menteur. Il me coûte chaque jours quelques pensées et des énergies folles pour maintenir l’illusion d’être présentable.

J’aurais préféré voler jusqu’à chez toi, Libellule, et me présenter à ta fenêtre pour atterrir dans ton salon.

Je ne fais que m’arrêter devant ta porte déjà ouverte.

Ton corps contre le mien ! Qu’est-ce que je l’aime ! Mes lèvres sur ton front sont un bonheur éphémère, Libellule, tu t’es souvenus de mes goûts, tu t’es souvenu de moi, tu t’es dit : il faut que j’honore Ladon de quelques morceaux de viandes. Tes libations sont parmi mes favorites. Je suis là, Libellule, est-ce que tout va bien ?

Je ne m’inquiète pas vraiment ; qu’est-ce que l’angoisse ? Un sombre présage qui vous attaque, mais moi je suis indicible, l’angoisse glisse sur une toile plastifiée, son encre ne laissera jamais de souvenir. Mais toi, tu te souviendras Libellule et je te veux dans mes bras juste pour ça. J’ai toujours faim, mais je ne ferais pas de bruit, promis, Porcelaine va bien ? Je n’ai pas eu le temps de t’envoyer les cadeaux de naissance, je voulais le faire personnellement. Vas-tu la baptisé ? C’est comme cela que vous dites ? Je pourrais lui offrir une chaîne, du véritable or, qui sait peut-être fondue d’une de ses précieuses pommes, ce serait drôle n’est-ce pas ?

L’or de mes pommes autour de vos membres, comme des chaînes qui se rappellent à vous inlassablement. L’idée d’être toujours proche de vous, contre votre cœur et sur votre carnation me fait frémir et j’ai l’impression d’être moins seule. Peut-être que toi aussi Libellule, tu mériterais un bijoux, une boucle d’oreille pour gracier ton encolure parfaite qui mériterait que j’y laisse mes traces de dents.

De ma satisfaction, je m’imagine parfois arracher ta carotide.
Mais Libellule tu seras toujours plus magnifique vivante.

L’homme m’appelle finalement. Je conçois le corps comme un buffet qui fait briller mes yeux de gourmandise et je pense à Duke, je te comprends Hydre. La faim est une amie entêtante. Il ne vous a rien fait ? Car je ne mange pas les coupables, je les détruis. leurs corps seront viciés et leurs noms annihilés, car on ne touche pas ceux qui m’appartiennent, ils n’ont plus le droit d’exister.

Pourtant déjà ma main court contre son poignet, la peau froide est si douce qu’elle délivre une perfection qui me fait frissonner. C’est si bon ! Oui j’ai faim, j’ai faim, j’ai faim, je n’en peux plus, Libellule.

Mais je dois rester poli et discret. Alors ce n’est qu’un doigt qui descend le long de mon gosier.

Je me tais.
Voilà ton talent Libellule, tu parles pour nous deux et nourrit mes silences. A la place, je me tais et te regarde. Il y a quelque chose chez toi de laid et horrible. Cela m’enivre, j’ai besoin de toucher cette hideuse forme qui nourrit ton âme.

Je te vois divine.

Je comprends, même son goût est insipide, à peine la qualité d’une viande bien nourrie, je suis sûr que ces muscles seront infestés d’humeurs nocives. Je fais bien de t’en débarrasser, il ne te rend pas hommage, vraiment. Tu devrais trouver mieux comme trophée.

Près du corps, je m’immobilise et observe le plafond, essayant de calculer la hauteur. j’essaye de me retenir d’extirper mes têtes de ce corps factice, de le gober entièrement. Cela tacherait le tapis. Des couverts ? Non non, ne t’en fait pas, j’utilise ma véritable forme pour manger, mais je n’ai pas envie de tacher l’endroit…. Cela te gêne si je me transforme partiellement ? Promis, je ne ferais pas de bruit, je dois juste… tu sais m’étirer pour que ça passe.

En attendant, je reste là et sans un sourire, je réfléchis réellement : A quoi te serviront deux enfants ? Si tu prévois de sacrifier le premier ne le fait pas à tes parents je t’en prie, tu vaux mieux que ça. Quoi qu’il parait que Nemesis se laisse tenter par des marchés, mais c’est toujours un morceau de toi qu’elle prend.

Elle me reparle de mes pommes et cette fois-ci, le sourire fleurit vraiment enfantin et joyeux. C’est te voir qui m’y a fait penser, j’en garde quelques-unes près de moi, je les contemple… mais elles t’iront mieux je pense. Un collier ? Des boucles d’oreilles ? Peut-être sertie d’un diamant oui. Je ne sais pas, j’y réfléchirais quand nous nous reverrons.

J’aime vraiment l’idée. Elle entraîne des frissons contre mon cœur, là où les vecteurs se nouent. Quand a mon enfant, cela fait bien longtemps que je ne l’ai pas vu, il faudrait qu’il vienne me voir cet ingrat. Mais je suis occupé en ce moment.