il était revenu après les séismes, une espèce de calme forcé dans l'établissement. alors puisqu'on avait balayé les urgences pour prétendre qu'elles n'existaient plus, madeleine a rigolé. c'est qu'en vérité elle ne trouvait rien de particulièrement drôle, mais celles de son service semblaient rire aux éclats, alors elle a suivi dans un naturel maîtrisé.

il était difficile de ne pas le remarquer et son uniforme instaurait une espèce de pression passive dont elle n'était pas exclue. pour être honnête, elle voulait se faire toute petite. madeleine n'avait aucun désir d'être perçue à cause des erreurs de son aînée. madeleine n'a rien à se reprocher mais ne désire simplement qu'on lui accable la faute des autres. peut-être qu'elle s'imagine des choses et que la fatigue lui joue des tours. peut-être qu'elle n'est pas grand chose à ses yeux voire rien du tout.
alors elle n'a aucun problème à s'échapper pour enfin prendre sa pause. madeleine s'écarte du groupe, revient vers le hall en enlevant ses gants jetés immédiatement à la poubelle. et sa voix s'élève sans une once de cruauté dont on pouvait avoir peur.

c'est presque immédiat quand ses yeux suivent sa figure et son sourire se dessine dans un automatisme simple. ses joues ont déjà ces couleurs rosés d'une bonne mine enjouée. elle a le temps d'enfin conscientiser son visage de plus près et de ne plus s'écraser avec son uniforme. il avait le sourire apaisant, celui qui calme l'angoisse du coeur.

— Oh vous ne dérangez pas ! peut-être un peu, mais elle n'en dira rien au vue de comment il semblait charger. elle suit les cas du regards et se demande naturellement de quoi il s'agit. on apporte souvent des fleurs à la clinique mais elle doute qu'il puisse s'agir de quelques pétales. — Mon dieu, vous êtes adorable, il ne fallait pas.. ! elle pourrait rajouter qu'ils ne font que leur métier mais à la place elle rit un peu. madeleine a la voix fluette, celles des beaux jours malgré les orages. — Je peux ? regarder, le bout de ses doigts s'accrochant déjà à l'un des sacs. — Je veux bien de votre aide oui.. Sinon ça va prendre une éternité ! la clinique est vaste et parfois on aime s'y cacher, alors à deux, ce sera plus simple.

— Vous êtes ? Que j'ai un prénom pour vous remercier. d'une manière plus sincère, pas seulement pour ces offrandes. il avait dans la voix une espèce de tendresse qui l'avait rappeler à l'ordre, celui de reposer ses pieds sur terre.

dans un sourire satisfait, madeleine ne traîne pas plus pour nourrir sa curiosité innocente et se ravit de la présence de quelque chose à manger. c'est qu'ici, on oublie parfois les désirs primaires.

— Oh, ils vont être ravis ! Vraiment il ne fallait pas.. elle assure sans savoir. de toutes manières, ils ne refusaient jamais des cadeaux ici.

madeleine l'observe dans un silence poli afin de ne pas lui couper la parole. elle a le temps de dessiner les traits de son visage. elle se dit qu'il doit bien vivre. elle le pense comme quelqu'un qui n'est pas à plaindre non plus. caden lui apparaissait réconfortant - parce qu'il ne semblait avoir aucune tâche - dans sa réussite. elle abandonne finalement les sacs.

— Bien sûr ! Ce n'est pas très loin. il ne se tuera pas les bras trop longtemps.

la remarque de sa bouche la fait rire sans méchanceté. elle pourrait y voir un compliment si elle n'était pas celle qui avait désiré ralentir sa vie. évidence inconnue, elle prend quand même l'air de réfléchir, désirant trouver des souvenirs inexistants sous le ton léger de l'humour. elle ne sait pas si elle voulait le connaître au camp, elle aurait peur d'être une version trop différente de maintenant.
d'un geste habitué, elle sort sa carte d'une de ses poches pour pouvoir ouvrir l'une des portes sécurisées qui menaient vers le reste du bâtiment.

— Enchantée Caden, et j'en doute.. Je suis sûre que vous veniez d'arriver au camp quand j'en sortais ! elle avoue. madeleine a le sourire amusé qui vient lui creuser les fossettes. — Je m'appelle Madeleine, et je vous assure que je ne suis pas si vieille que ça ! elle ne sait pas pourquoi elle le précise, elle en a ressenti le besoin. elle a eu envie de se justifier pour ne pas qu'il se retrouve embarrassé d'elle ne sait quoi.

madeleine ne s'attendait à rien initialement. elle ne cherche pas l'affection et ça ne lui est pas vital quand elle ne lui est pas présentée. seulement, il ne faut pas grand chose et elle reste une femme avec du vécu. elle reconnaît sans honte la naissance d'une attention particulière, du ton de sa voix jusque son approche. elle se demande un instant si elle avait pu faire quelque chose qui portait à confusion mais rien ne lui vient. il semblait juste s'intéresser à elle, alors elle se prend au jeu. madeleine rigole un peu.

— vraiment ? vous pouvez savoir ça ? elle n'en est pas effrayée, se dit que ça va bien au teint de son uniforme et essaye de se remettre en mémoire quel dieu serait capable de ça. — mais c'était bien hébé ! elle avoue sans mal, conçoit qu'elle n'a pas ce charme irrésistible que possède les enfants d'aphrodite.

il s'approche, et c'est instinctif. son regard remonte sur son visage pour rencontrer à nouveau ses yeux. il lui offre un flirt innocent et d'une douceur qu'elle connaît bien. elle a l'esprit en miette mais le coeur encore à cajoler. caden s'illustre face à elle comme une manière de reprendre sa vie en main: alors il lui semble encore plus charmant qu'il y a quelques secondes. elle a le plaisir d'observer ses traits et d'écouter sa voix. la timidité vient vient s'ajouter à son sourire et son regard qui se veut fuyant le temps de quelques secondes. elle pouffe un peu. madeleine ne sait pas si elle est vraiment jolie dans son uniforme, elle préfère les beaux vêtements.

— Vraiment ? Enfin, je ne veux pas remettre ce que vous dîtes en question, mais je ne suis même pas sous mon meilleur jour, et puis ces vêtements sont horribles-.. et elle doit elle-même couper ses propres mots sinon elle lui offrirait un monologue trop long, alors qu'ils étaient déjà arrivés devant la salle de pause. — Merci. sa voix a du mal à cacher la joie légère d'avoir été complimentée. madeleine n'ose même plus le regarder quand elle pousse la porte de la salle de pause pour le laisser passer. une fois derrière lui, elle vient jauger de sa main la chaleur de ses joues. — Voilà, vous pouvez tout déposer sur la table ! madeleine reste postée à côté de la porte, le regarde faire dans un léger silence où elle débat avec elle-même. — Caden, je peux vous demander votre numéro ? même si ça ne fait que quelques minutes. s'il refuse, ça ne la dérangera même pas d'exister avec la honte un instant. elle a les mains liées et son regard se pose enfin à nouveau sur lui. elle a cette détermination d'adolescents qui agissent par simple désir de faire.

elle le regarde faire avec une impatience cachée. une impatience qui la fait jouer avec ses doigts pour dissimuler une joie déjà naissante. elle sait qu'elle pourra les créer d'elle-même, les papillons dans le ventre et le coeur qui bat. madeleine fonctionne de cette manière, elle vient étouffer ce vide habituel au creux de sa poitrine pour offrir des affections qui, elle suppose, auront un sens avec le temps. en regardant caden, elle se dit que ce sera plus simple avec lui et c'est une pensée qui la rassure. il n'a rien demandé mais a quand même décidé de rentrer dans sa vie à un moment particulier où elle avait besoin d'aide. où elle avait besoin de lui. alors sa poitrine lui fait mal, d'un sentiment rassuré de pouvoir remettre les pieds sur terre.

— Bien sûr ! elle répond presque immédiatement. — Je ne comptais pas le garder en guise de décoration. c'était dit sans une once de méchanceté ou de sarcasme, ça s'entendait dans sa voix, dans le rire qui s'échappe ensuite.

madeleine prend le papier tendu et se concentre sur son écriture un instant, comme pour lire chaque chiffre à part et se les mémoriser. ce n'est pas comme-ci elle allait jeter cette note, puisqu'elle la plie soigneusement avant de la mettre dans la poche de son pantalon. caden reste là et elle l'observe un instant. c'est qu'elle n'a pas vu le temps passer et sa pause finit bientôt - elle maudit son frère de ne lui offrir que cinq minutes de repos -. c'est qu'elle aurait aimé le retenir un peu, afin de faire grandir cette attirance qui devait suivre le court des choses. mais madeleine a la sainteté d'esprit de penser que ça resterait bizarre de l'enfermer dans la salle de pause. alors elle se décale simplement de la porte encore ouverte pour le laisser passer.

— Je vous raccompagne ? Je dois y retourner aussi de toutes manières !