Sur le pas de sa porte, Caden ressemble à un enfant un jour de fête religieuse, habillé simplement et fleuri des pétunias qu’il lui donne en offrande pour honorer son départ, son trépas, son assassinat. Don ne voulait pas déverser les tourments de sa piété sur ce visage juvénile, le laisser pleurer comme un saint Jean au pied de sa croix et nourrir la terre d’un deuil qui n’avait pas lieu d’être—elle ne voulait pas non plus se prétendre abattue, vieille, mise au tombeau dans l’humiliation de l’âge. Elle ne pouvait fermer sa porte à Caden et se départir du plus fidèle de ses fidèles, de cet enfant dévot qui avait tout renié de sa propre naissance pour tisser le nimbe de son ascendance à elle. Don lui sourit tendrement, de ce sourire paternel, solaire et grand qui confère une profonde tendresse à son autorité divine. Bonjour Caden.
Et elle le trouve si pieux, sous cet air lessivé d’adorateur qui ne sait où se vouer au culte de ses idoles, qu’elle a pitié de lui, qu’elle lui ouvre sa porte, et qu’elle invite dans son salon le serpent qui porte encore l’estampille de ceux qui l’ont trahie. Don prend le pot de fleurs pour éluder la question, se donner du temps : la terre cuite porte encore la tiédeur des mains de Caden, qui brûlent en une prière silencieuse qui ne se fait pas les paumes jointes, mais s’écrit dans les textes de loi. Les fleurs rouges habillent ses doigts du sang versé dans des crimes passés, et préfigurent ceux à venir. Merci beaucoup. Elles sont très belles. Entre, mon garçon, nous n’allons pas parler de cela sur le pas de la porte.

Elle lui ouvre sa porte comme celle d’une chapelle, l’invite à l’intérieur et lui assène une tape sur l'épaule, bonhomme et paternaliste, pour que Caden trouve dans le geste le réconfort de son asservissement. Elle dépose les pétunias sur la table de la cuisine, et leur couleur vive devient le point de fuite de la pièce, qui s'efface devant l'injure impersonnelle du cadeau. Est-ce que tu veux du thé ? Don, sous le voile de ses yeux bleus qui camouflent le tumulte, garde pour Caden cet air placide sempiternel dont elle s’habille pour se faire dieu ; ne laisse pas la peine ou la colère déformer ses traits adoucis par l’âge, qui portent en eux une sapience factice et artificielle. Elle laisse Caden entrer chez elle, dans le secret d’église de sa maison qui n’est pas celle du divin : il y trouvera, comme tous les autres, la chaleur familiale d’un intérieur peuplé d’amour, souvenir vague et imprécis où sont cultivées toutes les croyances. Elle lui fait signe de s’installer, et dépose devant lui une assiette de biscuits qui joueront le rôle d’hostie dans cette mise en scène religieuse. Allons, ne prends pas cet air contrarié. L’as-tu assez priée, Caden, pour gagner le droit de ses confessions ? Ici, aujourd’hui, il faudrait promettre sa piété.

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