Ton coeur bat à tes tempes, une goutte de sueur dérive de ton frond à ton menton, ton souffle est rythmé par chaque pas que tu prends. Tu cours. Vite. En bon fils d'Hermès. Tu le sens dans ton sang, tu es fait pour ça, pour ces pas qui t'entraîne à chaque fois un peu plus loin des bungalows.
Un jour, tu voleras sans te faire attraper. Ce jour n'est pas encore arrivé. Non surtout pas ce soir. Tu l'entends, trop loin mais pas assez loin pour un demi-dieu. D'ici peu, il t'aura rattraper. Alors tu prends une décision complètement stupide.
Tu en appelle à ton sang, et alors que tu sens déjà l'énergie te vider, grimpe sur le toit d'un des bungalows, conservant ta dissimulation alors que tu reprends ton souffle, l'objet serré dans ta petite main d'enfant.
Tu retiens un rire. Tu sais qu'il aura du mal à te trouver, t'espère même qu'il va abandonner.
Tant que tu ne bouge pas, oui, tant que tu ne bouge pas, tu restera invisible.
Tu le sais, tu t'en est déjà servi pour échapper à la police.
Certes, un satyr t'avais trouvé peu après, mais ça avait fonctionné.
Oui, ne bouge pas surtout pas.
Même si tu te sens mal.
Même si ton sang bats à tes tempes.
Même si l'utilisation de ton pouvoir après la course poursuite te donne des envies de vomir.

Parce que lui, lui il doit avoir des envies de meurtres. Et si tu dois mourir autant que ce soit lors d'une quête face à un monstre. Pas face à un gringalet (ou pas tant, déjà plus grand que toi, on sent les enfants les plus aimés des dieux).
Tu respires, rassuré d'être en sécurité, avant de sentir ton pied glisser. Et ton déguisement se révéler.
Tu te rattrapes de justesse, mais te voilà le nez au bord du vide, à le regarder droit dans les yeux, tes cheveux comme un nid d'oiseau glissant quelques mèches devant les tiens si bleus. Tiens c'est qu'il a l'air furieux.

"Uhm, hey ? Tu cherches quelqu'un ? Je regardais les étoiles sur le toit."

Bluffer pour mieux berner.
Les mains toujours cachées.
T'espères que ça va passer.

Ton sourire se tord à ce qu'il te dit. Qu'il t'ai démasqué ou pas, t'as pas envie. T'as grandi comme ça, tout ce que tu trouves est à toi. Et on n'efface pas une éduction comme ça.
Alors.
Tu fais l'erreur de ta vie.
Toi qui n'avait pas encore comprit.
Que par la loi du plus fort, le camp est régi.

Tu te penches un peu plus vers lui, effleurant sa main de tes lèvres, accroché de l'autre, le canif maintenant sécure à l'intérieur d'une poche fermée de ton short, prenant sa main dans la tienne que tu baise, comme on le ferait à un prince. Tes yeux brillent d'une malice non-dissimulé.

"Mon bon sir."

Théâtral, comme ta mère te l'avais apprit.

"Ne vous a-t-on jamais apprit à demander les choses poliement ?"

Et tu te retires en riant, partant en courant et sautant du toit en riant encore plus alors que tu cours au travers du camp, hilare de ta farce, encore vibrant.
Encore vivant.

Tu cours tu cours et tu cours Stian.
Tu ris aussi à gorge déployé. Tu n'as plus l'intention de garder le canif, désormais, la chasse plus intéressante que le larcin.
Puis la pierre qui assome l'arrière de ton crâne te fait cesser de rire.

"Aïe !"

Maintenant c'est du sérieux tu réalises en entendant ta rage, il n'a aucune idée de te laisser y réchapper. Alors tu te glisse entre les buissons, utilise ta dissimulation le temps de grimper à un arbre et cache ton larcin dans le creux de deux branches. Personne ne trouverait ton larcin sans le chercher ainsi, et tu pourras continuer à jouer l'innocent face à lui.
Tu ne sais pas encore alors, que la colère d'Arès n'est pas si facilement appaisé, surtout dans ses progénitures au sang chaud (ou du moins, c'est ce que tu viendras à penser, pour justifier ses réactions toujours démesurées).

Tu retiens ta respiration, laissant ton pouvoir glisser puisque tu n'arrives toujours pas à le maîtriser. Puis tu perds pied, glissant de la branche sur laquelle tu es appuyé. Tu te rattrapes de tes deux bras, tentant de te hisser à nouveau, les jambes pendantes.
Mais le mal est fait.
Il sait où tu es.
Tu es fait.

La scène est digne d'un cauchemar, qui te hantera sûrement pendant plusieurs nuits, te faisant réfléchir à deux fois à tes choix de vie.
Tu subis les coups et la fouille, hurlant sous ses coups dans l'espoir d'alerter quelqu'un. T'as pas de race comme ça, pas de fierté mal placée. Tu cries à t'en casser la voix.

"Arrête ! Arrête ! Ow ! A l'aide !"

Le regard peiné, tu sens ta chaire entre tes dents percer. Le sang qui se répand dans ta bouche lorsque tu te mords la langue à son second coup.
Mais t'es le fils du dieu des voleurs. Et le moment où il se relâche et se met debout au dessus de toi, tu profite de ton petit cabari pour te glisser entre ses jambes, tels les serpents de ton père et courir.
Courir comme si ta vie en dépendait, t'enfonçant plus profondément dans la forêt. T'espère qu'une nymphe ou un satyr passera par là, car t'as trop peur que le bruit ai aussi rameuté d'autres personnes qui ne t'on pas du bon oeil. C'est pas la première fois que t'as volé, mais ce sera sûrement la dernière où tu le fera avec les objets des autres campeurs.
L'idée de lui rendre le canif te paraît impossible, alors tu le laisses derrière toi, dans l'arbre où tu étais perché.
Car lui rendre,
ce serait avouer.
Alors tu cours,
à n'en plus pouvoir respirer.

Tu cours, tu cours, tu cours toujours.
Pour la première fois de ta vie Stian, tu ressents une peur primaire, instinctive, qui te prend les tripes. S'il te choppe, t'es un homme mort. Et en même temps, t'es fatigué. Fatigué d'avoir utilisé tes pouvoirs. Fatigué de courir. Fatigué de fuir. Fatigué de mentir.
Sauf qu'il ne te laisse pas l'occasion de t'expliquer.
T'attrapant par les pieds.
Te malmenant comme il lui sied.
Alors tu prends les coups.
Au début, tu hurles, lui demande d'arrêter, même si t'es un peu sonné. Tu tentes de le repousser, tes mains sur ses épaules.
Puis les larmes viennent couler.
Puis tu te sens glisser.
Soudainement, les sons sont tamisés par le bourdonnement incessant de tes oreilles.

"A... ttends..."

La voix est plus faible. Ton oeil droit est aveugle. Peut-être d'un oeil au beurre noir. Peut-être de quelque chose de plus grave. Tu ne le sais pas encore, mais ton cerveau à ramassé. Toi le voleur né, te voici brimé.
Les sons sont si lointains.
L'excès de violence si soudain.
Tes mains glissent de ses épaules, molles, inertes.
Ta respiration tressaute et les larmes jahissent finalement de tes yeux.

"Mamma..."

Le norvégien échappe tes lèvres.
Tu as peur.
Tu pleures.
Alors que le noir.
Presque reposant.
T'accueille enfin.