Les pensées se calment, les émotions s'apaisent, et la conscience s'élève, doucement, vers un état de paix intérieure. L'air est doux, le ciel est bleu, et tout semble à sa place, dans son esprit. Ses yeux fermés sur le monde ne te font pas réaliser la tempête qui approche.

Telle une simple poupée qu’on aurait laissé là, tu ne bouges pas. Un souffle pour ton esprit, une heure de libre sur ton emploi du temps. District de l’Olympe, là où ta place se trouve. Ton lieu de vie, de travail aussi, c’est dans ce cabinet marbré que tu pratiques le suivi de patients.

“ — … Bonjour, déjà. Doucement, comment tu vas ?

Tu ouvres les paupières difficilement, comme si on venait de te réveiller, ce n’était pas vraiment le cas. Ton esprit n’est pas totalement là pour autant, et tu t’étires, plutôt las.

“ — Il va falloir être plus précis.  

Un soupir, tu viens éponger ton visage de ces dernières. Fraîcheur de ces dernières, tu es maintenant bien vivant, bien présent. D’un coup de talon, tu recules ton siège, tu lèves ton corps avant de te diriger vers la fenêtre de la pièce, dans un premier temps pour ouvrir les stores, mais aussi pour te diriger vers le nectar divin.

“ — Café ?

Une clinique de marbre qui s’étend majestueusement maintenant que la lumière se reflète dans cet espace de pureté. Les murs immaculés, lisses et froids, ne sont pas réellement des plus accueillants, presque intimidants. Pourtant, si on se concentre, on peut entendre les crépitements d’un bâton d’encens qui propage ses effluves dans la pièce.

“ — Pour être totalement honnête, je m'inquiète pour le futur.

Tu inspires, comme pour profiter du parfum délicat du jasmin et du bois de santal qui s’installe dans tes narines. Les premières gouttes qui s'écoulent de la cafetière font entendre un bruit apaisant, presque hypnotique, qui rappelle le rythme régulier d'une cascade rafraîchissante.

“ — Rien de grave, cependant. Comme un pressentiment.

Après de longues secondes, tu passes tes mains sur les deux tasses, avant de souffler du nez.

“ — Hmm. Oui, je pense que ça va.

Tu finis par lui faire face avant de lui amener son café, déposant les deux réceptacles sur ton bureau. Tu ne le regardes pas, comme peu fier.

“ — Je ne peux le garantir, mais je pense avoir mis fin à un conflit qui commence à dater, avec.

“ — Bien sûr que j'y ai réfléchi. Mais tu sais aussi bien que moi que parfois, certaines relations sont inévitables, surtout dans ce milieu.

Tu te lèves doucement pour aller chercher ta propre tasse, prenant ton temps pour te déplacer jusqu'à lui. Tu finis par t'installer sur un siège à ses côtés, avec une certaine nonchalance.

“ — Les ragots se répandent rapidement dans Nausikaa. J’en suppose, vu la formulation, qu’il est aisé de pointer le personnage de Warren comme un individu violent. Même l'Homme le moins habile en rhétorique en serait capable.

Ton interlocuteur est silencieux depuis quelques instants et tu décides de briser le silence en prenant une gorgée de ton café. La chaleur de la boisson te réconforte et tu prends le temps de la savourer sur ta langue avant de répondre d'un ton détaché.

“ — Je n'ai jamais été victime de la violence de Warren, et je ne voudrais pas compromettre le bien-être de mes adelphes en m'impliquant dans un conflit direct avec l'un des meilleurs combattants de Nausikaa.

Tu n'as aucune raison de mentir. Il n'y a aucune incentive à modifier la vérité. Les répercussions de la révélation des informations sur le blond te serviront plus que te nuiront. Cependant, il te revient et à toi seul le mérite de lui reprendre ce qu'il t'a volé. Voir quelqu'un d'autre prendre cette place te tuerait.

“ — Tu dois savoir qu’il s’est éloigné récemment de ses adelphes. Ils s'amusent à s'appeler les Spartes, c'est cela ? Il vaut mieux prendre chaque rumeur avec des pincettes lorsqu'il s'agit de lui. Je suis convaincu que ces brutes cherchent à le destituer.

Si tu commences à l'enfoncer maintenant, tu risques de perdre en crédibilité lorsque tu voudras réellement le faire. Les gens penseront que tu es biaisé et qu'il y a un passif connu de tous. Mieux vaut garder une certaine réserve pour le moment et attendre le bon moment pour agir.

Donner pour mieux reprendre.

La pointe de mépris pour les enfants d’Arès n’était clairement pas discrète, tu ne faisais rien pour la cacher. Il est évident que ce sujet ne te plaît pas et que tu fais tout ton possible pour l'éviter. Soudain, ton air qui semblait légèrement agacé reprend une sérénité plus habituelle. Ah, il a réussi à soulever le masque sans le retirer.

“ — Merci.

Tes paroles sonnent plus sincères alors que tu évites, peut-être, son regard.

“ — Je réalise bien que tu cherches à me guider, j’en suis reconnaissant.

Ton ongle gratte silencieusement contre la tasse tandis que tu l'écoutes attentivement. Tu joues avec la vapeur avec légèreté avant de la faire valser d'un geste des phalanges.

“ — Je dois avouer que je les envie à cet égard. L'échec est un goût amer, surtout lorsqu'on réalise qu'on ne peut l'éviter. Peut-être que la délusion, l'aveuglement, est une solution en soi.

Connexions neuronales intenses, pupilles dilatées. L'iris magnifique aux nuances pervenche. Le fluide endocrinien, l'un des sens. Pourquoi ne pas le perdre et vivre dans un monde d'obscurité ? La vision n'est qu'imperfection, préjugés, elle n'est qu'illusion et tromperie. Des couleurs de soufre, celles des maux, penser à les briser, à s'en détacher. Un dilemme qui dure quelques secondes, perdues dans tes pensées.

Tu es un observateur de l'ombre, celui qui croit que tout le monde le sous-estime. Par ton existence, tu réponds à Éris, porteur de la pomme de la discorde, ce fruit interdit que les autres convoitent sans vraiment le comprendre. Pourtant, récemment, tu t'es laissé aller à la faiblesse, à l’imprudence et tu veux croire que David est capable de t'aider.

“ — Ce que je veux ?

Un léger sourire se dessine sur tes lèvres, teinté de fragilité. La bienveillance s'est éloignée, laissant place à ton indifférence si singulière, cette expression de vide en toi. Une coquille creuse qui ne parvient pas à se satisfaire. Tes yeux fixent ta prison de marbre, tes lèvres frêles se meuvent légèrement avant de répondre, sans la moindre hésitation. Un souffle presque inaudible, qui rompt le silence, pourtant si lourd.

“ — Le contrôle.

Tel l'ambassadeur le plus fragile, tu n'existes qu'à travers autrui. Et tu en as assez. Le sommeil est bien plus crucial que leurs aspects insignifiants. Tu es source de vie et de mort. Les autres ne sont que des insectes en comparaison de toi - de vous.

En revenant à la réalité, tu finis par croiser son regard, le forçant à te regarder dans les yeux, à essayer de comprendre ta peine. Révélateur, tu lui annonces que tu connais parfaitement ta condition et que, pour l'instant, tu l'acceptes.Tu te redresses, retrouvant ta droiture perdue, avant de lui adresser enfin quelques mots.

“ — Nous savons tous les deux que ce n’est pas possible. Alors, je vais te poser la même question, qu’est-ce que je vais faire maintenant, David ?

Ton ongle gratte silencieusement contre la tasse tandis que tu l'écoutes attentivement. Tu joues avec la vapeur avec légèreté avant de la faire valser d'un geste des phalanges.

Tu fermes les yeux avec délicatesse, signe de cette confiance si fragile, mais qui émane de toi. Celle de faire face à quelqu'un, les yeux clos, pas nécessairement pour un duel, mais pour te livrer sans craindre la trahison, car tu es bien plus précieux vivant que si tu n'existais pas du tout.

“ — Pour le bien commun, nous forgerons l'éternelle paix. Une que nous érigerons ensemble.

Les mots sont sincères, bien que teintés d'optimisme. Tu es le sauveur, l'être supérieur qui apporte le répit. Tu extirpes les maux, et te concentres sur ce que tu peux maîtriser. L'Atè est à portée de tes mains, et tu peux t'y immiscer sans entrave. Tel un venin qui s'insinue dans les cœurs, qui influence les esprits. Libère-toi des entraves des maîtres pour devenir toi-même un guide éclairé.

“ — Ils savent déjà que nous parlons, je devrais probablement m’en prendre à tes alliés pour y parvenir. Lesquels de tes ambassadeurs es-tu prêt à sacrifier ?

Tu prononces des mots durs, mais tu les adoucis avec des gestes si doux. Sans crier gare, ta main se pose sur son bras, comme si tu cherchais un soutien. En toi résonne l'envie de sa fierté, de son amour paternel. Tu désires être son favori, celui qu'il préfère par-dessus tout. Tu nourris une haine envers l'affection que tu lui portes, car tu la perçois comme une faiblesse, mais tu te convaincs du contraire.

Une supplication s'échappe de tes fines lèvres, comme une envie de lui faire comprendre que tu désires réellement lui accorder ta confiance - pas ta loyauté, du moins pas encore. Tu pourrais user de tes pouvoirs pour l'obtenir, mais au fond de toi, tu as besoin de quelque chose de véritable, de réel, quelque chose qui émane du cœur.

“ — David…