we are all just people trying our best

cw : fausse noyade

le matin l'accueille alors qu'il est encore tôt -winnie est un être du jour, et il en profite de l'aurore au crépuscule, s'y love au zénith en y fermant les yeux, s'active chaque été bien plus qu'en n'importe quel hiver. la neige n'était pas son ennemie mortelle, mais les longues nuits l'enfermaient sous une lumière artificielle qui le fatiguait. sa couleur avait ce quelque chose qui la rendait pénible, éreintante, épuisante ; et il se devait de la voir jour après jour après jour.
mais ce n'était plus le cas. les jours s'allongeaient et le plus beau des astres se levait alors que la ville dormait encore. winnie le recopiait tout le temps, comme un élève suit son maître. peut-être aurait-il dû être enfant d'hélios.
au réveil, il était évidemment coutume d'aller courir. la plage avait toujours sa préférence. le sable n'était pas du plus agréable, mais les vagues donnaient un rythme qui permettait de ne plus penser. ce n'est pas que winnie était un grand penseur : il était plutôt simple, au contraire, et alors les autres choses simples trouvaient un écho en leur adelphe. un des leurs.
et, ainsi, quand winnie voit quelqu'un au fond de l'eau, il a des pensées simples aussi : il se dit que quelqu'un est en difficulté. il sait très bien qu'il y a des nymphes d'eau, et des enfants de la mer, et bien d'autres choses encore mais voilà -et si ce n'était pas le cas ?
mieux valait sauver un non-noyé que passer à côté d'un oublié (de quelqu'un, d'un fils, d'un frère, d'une personne de cet univers).
il n'hésite pas bien longtemps, s'approche de la mer, nage, plonge. la brasse est hésitante, la panique est contenue ; il passe son bras comme on le lui a appris (c'était plus facile sur des mannequins), pousse avec ses jambes pour remonter là-haut, continue, continue, continue. l'air rentre à nouveau dans ses poumons : la surface ne veut rien dire. il nage sur le dos, la victime bien dans l'atmosphère. entre deux souffles, il dit eh, tu m'entends ? tu es conscient ? t'inquiètes je te ramène au rivage. ça va aller, ok ? il continue, oui. il voulait être certain plutôt que désolé.

we are all just people trying our best

le ressac s'infiltre dans la bouche, les narines ; le corps ne bouge plus (il n'ose pas l'appeler l'étranger encore, trop inquiet de s'y attacher), mais les jambes battent pour deux cœurs. la flottaison est difficile (bien plus à l'aise sur terre) mais elle se fait, se force, et la plage ne saurait bien être loin, n'est-ce pas ?
il entend des mots à moitié noyés par les vagues ; il n'est pas très certain, dans le doute il continue, et enfin vient le fond, le sable, la fin. il en ressort, tire ce corps, s'affaisse à ses côtés. son souffle est irrégulier, intercoupé d'eau qui ne lui appartenait pas ; il s'affaire à doucement abaisser cette tête qui avait su parler et -ah.
la tête a des yeux.
des yeux grands ouverts.
un air qui se demande bien ce qui a pu se passer.
il était évident que cette personne était consciente.
ce qui veut dire qu'elle se rappellera probablement de tout.
ahaha. génial.
l'embarras n'était pas une émotion qui entachait beaucoup winnie, elle s'étiolait dans le temps jusqu'à ne laisser aucune trace. mais sur le moment, ah ! il était toujours rouge pivoine, et ici n'était exception : ses joues viraient déjà couleur tomate. a-ah, euh, bonjour.
il se rassoit sur ses talons laissés là (seiza), ramène ses mains sur ses cuisses comme un enfant qu'on aurait grondé. l'eau est dégoulinante, ses cheveux trempés, et les affaires délaissées sur la plage. j'ai euh, j'ai dû me tromper. le regard reste droit. winnie ne se défile pas souvent. vous voulez que je vous y remette ? quelle brillante idée.

we are all just people trying our best

il revient ! se redresse, s'adresse à un winnie déconfit, brouillé par le sourire envoyé en plein dans le mille. oui, si ce n'était pas certain ça l'était encore plus maintenant : tout va bien.
winnie se relâche quand il entend les mots ; ses épaules s'affaissent, et sa main vient gratter cette nuque dégoulinante, allumant un sourire gêné au passage. ahah, d'accord, disons ça il avait probablement remarqué, pourtant, cette nage hésitante, ces respirations mal encadrées, ces pieds qui l'ont touché autant que l'eau qu'ils cherchaient à chasser.  
oh, ça tombait bien, alors, le regard toujours fuyant, les mains désormais affairées à éponger cette chevelure fuyante et bien trop imposante. le sable était mouillé, et il savait déjà l'horreur que ce serait de nettoyer tout ça une fois sorti d'ici. oh, et son jogging ! il avait oublié son jogging. disons que c'était au cas où tu avais soudainement oublié comment on nage. la blague le fait pouffer de par sa nullité, par l'évidence même de son absurdité. un enfant de poséïdon qui ne sait pas nager, c'est comme un enfant de niké sans chance : ça n'arrive vraiment pas souvent.
le contact se veut rassurant et il l'est ; assez pour que winnie remonte ses pupilles vers l'autre. il n'a pas voulu, mais il a automatiquement détaillé ce bandeau qu'il n'avait pas vu, ou plutôt pas enregistré, trop affolé comme il l'était. merci d'être gentil, toi aussi.

make me wanna look right

le regard est encore incertain, mais pas le reste : il sourit à la continuation de l'absurde, remercie une fois de plus silencieusement cette abnégation dont le faux-sauvé faisait preuve. l'air n'est plus aux inquiétudes funestes : la vie est revenue, et peut-être en même temps winnie l'avait-il sauvé de pensées macabres.
il sourit, hausse des épaules, sourit encore ; oh, d'accord, dit-il, n'ayant jamais demandé justification ou explication. il n'ira jamais chercher plus loin, il sait qu'il y a des choses qu'on ne demande pas à des inconnus. celle-ci en faisait probablement partie (il se rappelait des souffrances de son ami, masqué de moitié, resté avec ses livres par peur des autres, mais surtout de lui).
non, winnie ne se permettrait pas. il avait simplement été attiré, comme un moustique s'approche des ampoules : il n'est pas sensé le faire, mais on a remplacé la lune. ce n'est pas grave, il se reprend, regarde l'autre côté. c'est que la pupille est jolie ; elle est couleur océan.
qu'est-ce qu'il faisait ? ah ! euh, même lui l'avait oublié, je faisais un jogging. je me lève avec le soleil, et j'aime bien courir avant de manger. en témoignait la gourde, les clés et le rainphone subitement jetés sur le sable, juste avant de venir secourir quelqu'un qui n'en avait pas besoin. en témoignait aussi probablement la largeur de ses bras, et la silhouette que les vêtements mouillés laissaient deviner. et toi ? qu'il demandait sans réfléchir (ce n'était plus vraiment étonnant), avant de se rattraper : enfin, si tu veux le dire ! j'imagine qu'on va pas au fin fond de l'océan pour regarder une série.
bien vu.

i'll take you to the sun

l'eau, c'est quelque chose d'étrange pour winnie. il savait bien qu'on en avait besoin pour vivre ; lui le premier en buvait trois litres par jour (c'est ce qu'il faut pour être un bro gym, c'est dans les conditions*), mais il avait conscience qu'elle pouvait tout aussi facilement tuer. la mer n'avait de doux que le rythme des vagues. le reste était pour lui d'une angoisse légère, qui pouvait un jour se transformer en pire.
mais bon, il nageait de temps à autre parce que c'est vraiment un bon exercice.
(et aussi parfois pour sauver des gens qui n'en ont pas besoin)
il rit à la remarque, se dit que les nymphes d'eau doivent bien rester en contact avec l'île même chez elles, mais se laisse porter par le reste -les miracles des enfants d'héphaïstos n'étaient pas nouveaux, et être toujours impressionnants. son interlocuteur y aurait pensé si c'était tant nécessaire que ça.
winnie laisse aussi le silence vivre. ce n'était pas si mal, que d'entendre le chant des vagues, et les cris des mouettes, et le crissement tranquille du sable. et quand l'autre se lève, il a peur un instant qu'il ne s'en aille de la suite d'un ennui, d'une gêne qu'il mette enfin en action, d'une envie qu'il avait dès qu'il était sorti de l'eau. mais les mots sont délicats, prévenants, attentionnés. winnie se détend en relâchant un autre sourire, accepte le bout de tissu. il l'utilise de suite : placée sur ses cheveux, il frotte frénétiquement comme il a l'habitude de le faire. il rigole seul, conscient de l'image enfantine qu'il devait envoyer. il n'en avait rien à faire.
il cesse, et on voit qu'une certaine partie est séchée -elle se remarque par le volume étrange et inégal de ses mèches blanches et rouges. en un instant, le plus vite possible, il enlève son t-shirt, sèche la peau, enfile la veste qu'il avait abandonné sur la plage avant le sauvetage. ah, c'était bien mieux. ça ira. tiens, à toi. tu vas attraper froid sinon. il tend le tissu. y a peu de gens au fond de l'océan, j'imagine, ouais. et le reste de la faune, elle vient te voir parfois ? winnie n'aimait pas les océans parce qu'il n'en voyait pas le fond. il ne pouvait imaginer ce qui grouillait sous lui, et tout ce qui nageait bien plus vite que son corps terrestre -force accrue ou non. en tous cas, j'espère que tu as trouvé ce que tu cherchais. et, sans qu'il ne fasse vraiment attention, ses yeux s'illuminent. ah. il avait béni son nouvel ami.

i need a little bit of love and a 7-up

winnie écoute attentivement, sourit aux remarques comme il le faut, et parfois là aussi où on ne s'y attend pas trop -c'est qu'il trouve toujours de quoi s'ouvrir, apprécier, qu'importe les mots qui s'enchaînent à sa psyché. ah, il n'était pas bien à l'aise dans l'eau, mais sur instagram il y avait les vidéos des petits (ou gros) poissons sauvés des filets de plastique, et les tortues libérées des pailles, et les mouettes délaissées des déchets ; il se disait qu'à la surface, on ne méritait de voir mieux vu tout ce qu'on leur faisait. ça ne l'empêchait d'imaginer le ballet des cétacés, et la curiosité des requins, et la méfiance des plus petits.
oui, des animaux sauvages. un peu comme celui qui le dit. calme, accueillant, mais toujours à distance. enfin ! winnie ne pouvait pas se faire des ami.es en quelques secondes à peine, mais lui avait la patience et l'envie d'aller vers les autres. toustes.
et quand on lui répond par l'affirmative, il dévoile toutes ses dents en un sourire éclatant. c'est une bonne chose, alors. il s'appuie sur le sable pour se relever, attrape son t-shirt trempé au passage. je vais reprendre mon jogging, alors. faut que je trouve moi aussi, mais je préfère sur la terre ferme. un rire, ou quelques un de plus, toujours. et si un jour on se recroise, tu peux m'appeler winnie. un clin d'œil, un sourire, et le voilà reparti.