arès baigne de sa divine lumière ceux qui savent renaitre de leurs cendres. c'est sans artifice que seraph s'élève, les bras en croix comme pour saluer le parent divin - gratitude de l'excellent fils; condamné à n'être qu'extraordinaire.
cette radiance lui apparait clairement entre deux coups et blessures, réveille le terrible sourire de celui qui n'a rien à perdre et tout à gagner.
dans les volutes formées par le sable de l'arène, qui accompagnent la danse martiale, il voit déjà son territoire, son univers à conquérir, de victoire en victoire - et ce jusqu'au triomphe.
c'est seulement après la bataille que toujours, la douleur se fait lancinante, encline à lui faire la leçon, le forcer à la sagesse. les bandages sur les phalanges n'ont jamais fait cesser les saignements.
du dernier étage, il jette sur le champ de bataille un regard résolu; fait les cent pas; fait craquer sa machoire engourdie, hématomée; encaisse les dégâts du match fraichement remporté.

à la vue de la silhouette, le corps malmené se raidifie, comme sur le qui-vive, perplexe de cette présence inexplicable. tu t'es perdue ?
encore, le bruit sec des articulations, la mine indifférente, le sourcil haussé. une adolescente à agôn ? tu n'as rien à faire ici. il ne perçoit de cette intrus que le feu de la crinière et la frêle stature - et dans le regard qu'il capture enfin, une étincelle qui surprend par son intensité. (réminiscences des braises dormantes).  

et quand elle se retourne, tout d'un coup c'est l'agitation, le tumulte. elle parle, beaucoup, se déplace de concert; candeur de la jeune âme que seraph reconnait si peu qu'elle lui semble tout droit sortie de la vallée de l'étrange.
sa posture droite, le rouge qui habille ses phalanges, le port martial de sa tête, il incarne tout entier la dureté aux antipodes de l'insouciance. parfaitement imperméable à cette brutalité, l'enfant semble transportée par l'impétueux courant de l'ambition.
d'une main, il dégaine le glaive à sa ceinture. ça ? c'est une arme de l'arène. elle n'est pas à moi. (la pièce la plus redoutable de son arsenal est faite de sang, de chair, de muscles et d'os). le regard se fait inquisiteur mais pas tout à fait curieux. elle n'a pas tort, la lame n'est pas très aiguisée, la pointe émoussée, le manche un peu trop petit.
dans un coin de sa mémoire, le seraph sans nom et sans visage qui partageait son attirail avec les garçons du pensionnat.
le sourire qu'elle lui adresse est de ceux qui d'ordinaire ne sont jamais à son intention - les yeux esquivent, instinctivement, cette source de lumière. de qui es-tu la fille alors ? comme par pudeur face à l'enfance si lointaine, il croise les bras sur le torse. on ne t'a jamais appris à te présenter, avant de réclamer des faveurs ? s'il ose reposer sur elle son regard, c'est par souci de sévérité.

une enfant d'héphaïstos, il aurait du s'en douter. d'un hochement de tête, il salue sobrement cette apparition inopinée qu'il peut maintenant nommer; lui reconnait la perspicacité de celle qui connait bien les armes. j'en ai tout une collection.  il ne lui dit pas qu'il pourrait lui montrer; le sous-entendant d'un regard entendu.
shula, intrépide et téméraire, dont la rétine reflète le potentiel d'une dévorante ambition. pour cette raison, il accepte quelque part sa présence sur le territoire du sang versé - son territoire, bientôt.
je suis seraph.  celui qui n'a pas de nom, hormis celui qu'il s'est choisi. sinistre, aux antipodes de cette flamme dansante.  
malpolie, peut-être, mais qu'est la politesse sur un champ de bataille ?
tu dis vrai, shula, les efforts sont récompensés. tu es venue jusqu'ici par toi-même. tu veux devenir forte ? il lui fait miroiter la promesse d'une puissance qu'elle pourrait effleurer du bout des doigts - sans lui confier qu'il lui faudra des années de persévérance, de sacrifice, d'obstination acharnée.
d'un geste, le glaive est dégainé, le manche offert en épreuve. montre-moi ce que tu sais faire. elle ne parviendra pas à le faire saigner, ni même à le toucher. il le sait déjà, sans que ça n'ait d'importance : c'est son tempérament qu'il met à l'épreuve.

cette exaltation, seraph la connait. il l'a découverte, lui aussi, entre deux blessures et au détour d'un coup porté. dans une existence qui ne laisse que peu de place au bonheur, cette ardeur est ce qui semble le plus s'en rapprocher.
shula est déjà équipée, fidèle à la réputation des enfants du dieu forgeron. et malgré tout, elle suscite aisément la surprise : dans son regard, une déflagration effervescente. c'est sans avoir besoin d'y penser, mais avec une certaine émotion que seraph se dérobe à ses tentatives - sensation d’esquiver l'ombre de ce qu'il n’est plus. il a l'automatisme du pantin dont la douleur et la discipline tirent les ficelles, muscle par muscle, méthodiquement, machine organique et entraînée.
c'est sans geste superflu que la poigne se referme sur la lance - rapide, mais pas assez -, interrompant l'offensive à mi-chemin. suspendu dans cet instant de flottement, le souffle tranquille, il lui accorde son premier sourire. il pourrait dire pas mal, shula, mais on ne lui a jamais enseigné les bienfaits des louanges. alors, toujours, ce silence implacable, impitoyable. il lâche prise, lui rend le contrôle de sa lame. puisqu'il ne prononcera pas le moindre compliment, il lui fera don d'autre chose : posture martiale des genoux fléchis et des mains ouvertes, à hauteur de regard. maintenant imite-moi. sans armes. en garde. c'est un mouvement simple de karaté. prête ? pour la première fois de sa vie peut-être, le poing s'élance avec l'indulgence de celui qui n'a pas pour volonté de blesser, mais d'enseigner. attrape mon poignet. quand ton adversaire te frappe vraiment, tu peux utiliser cette force à ton avantage. s'il est avare en explications, il lui fait ainsi gage d'une certaine mansuétude : les gestes disent, tu ne veux plus qu’on te passe à tabac? alors sois attentive. une fois initiée à cette harmonieuse danse des corps, elle comprendra, instinctivement - et quelque part, il s'est déjà engagé à lui inculquer.

il prend vite conscience de l'initier à un monde qu'elle n'a jamais touché du doigt; trouve une certaine satisfaction à se faire professeur, mentor, guide révéré. l'ego s'y love confortablement - la lueur dans les yeux de shula a pour lui le goût de l'adoration. il ne se départit pourtant pas de son air sérieux, hausse à peine un sourcil lorsqu'elle le surprend par son agilité (et pour lui, cette vague réaction fait office du plus sincère des compliments). oui, exactement comme ça. et pour ne pas qu'elle s'endorme sous la louange, il lui donne presque aussitôt le coup de bâton : ce n'est qu'un début. tu restes faible. mais bientôt, tu sauras te défendre. et la meilleure défense, c'est l'attaque. quand il se retourne vers elle, la présence écrasante témoigne du long chemin qu'elle aura à parcourir - des ronces qu'il lui faudra éviter, des corps qu'il lui faudra enjamber. elle en a la trempe, il l'entend dans ce rire comblé par la leçon; le voit dans ces mouvements débutants que la témérité pare de son armure. je suis peut-être doué, ce ne sera jamais lui qui contredira une telle observation, mais on n'a rien sans effort. je me suis tué à la tâche. si tu t'en donnes la peine, tu seras forte, toi aussi. elle veut apprendre ? alors elle apprendra : voilà ce qu'il lui promet, et derrière cette offre miroite tout ce qu'il lui prendra - il ne se fera pas doux, encore moins concilliant. peut-être lui arrachera-t-il des larmes de frustration et d'accablement. à cette condition seulement, il accepte de la former à son image. tel est le coût du pouvoir. je passe au camp, parfois. je t'y verrai, shula.