La main close, les poings encore tremblant et rougis par les coups baignaient dans ce sang qu’il avait forcé d’imploser en jets béants. Lui, baignait encore sous le feu des lumières d’un combat qu’il avait emporté, comme il en remportait chacun - car la violence l’emporte toujours. De ses poings, il s’était façonné un nom bien plus qu’une identité, il avait forgé son esprit pour ternir celui des autres ; alors il appréciait déverser toute l’animosité qu’il renfermait sur ceux que son passe-temps lui permettait de rencontrer. Né pour assiéger, né pour asséner et né pour frapper - Ashe était né comme agent du chaos, alors il s’assurerait d’y contribuer. Ce n’était rien d’autre qu’un jeu, rien d’autre qu’une activité et rien d’autre qu’un divertissement - ça n’était pas réellement bien compliqué et les Hommes tombaient toujours comme des mouches. Aucun n’était réellement aussi résistant qu’un sang-mêlé, et c’était ce qui rendait ces combats si lassant - car à en recevoir du sang, Ashe en désirait plus - et quand il n’obtenait pas autant que ce qu’il voulait, autant que ce qu’il méritait, alors il devenait aussi dévastateur que ses confrères.
Ils étaient tous terriblement similaires, mais Ashe avait décidé de s’approcher des humains à la source de la guerre elle-même. Il avait décidé de dévorer le bon vouloir de chacun, car son ascendance même était violence.

Certains étaient presque nés pour perpétuer cette tradition, et Ashe s’assurerait qu’elle ne mourrait pas de si tôt. Encore le derme dévoré par la sueur et le sang il s’avançait parmi les vivants, les dévorant déjà de sa grandeur inéluctable. Mais ne se sentait-il pas plus vivant ainsi ? Sourire fier dévorant ses lèvres, ses fuselés se posèrent un court instant sur cette silhouette qu’il connaissait - pour l’avoir croisé auparavant mais pour l’avoir vu dévorante dans l’ombre du public. Cette stigmate, balafre qui fendait une bonne partie de son visage, l’enfant d’Héphaïstos qu’il attendait. L’arme qu’il lui avait évoqué, le massacre qu’il pourrait perpétuer ; celle peut-être, dont Ashe rêvait. Et qui de plus adéquat et idéal que celui-ci pour lui forger une telle arme de destruction ?

— Te voilà. J’espère que le spectacle t’as plu. Évidemment, qu’il lui a plu ; pourquoi aurait-il suggéré de lui forger une arme s’il n’était pas amateur de tels combats ? Curieusement il lui arrivait de se demander quel genre d’homme il était - mais ça n’avait pas d’importance, tant qu’il était apte de vivre selon ses propres lois. Mistral pouvait bien secrètement le morigéner si cela lui plaisait, les choses ne changeraient pas pour lui. Il aurait l’arme, il serait l’arme - dévastateur jusque dans sa forme.
Et il sait bien Ashe, qu’il n’a pas le besoin d’évoquer son nom pour que le sujet soit lancé, car là était bien entendu toute la raison de sa venue ? Le rendre plus dévastateur encore, le rendre plus monstrueux qu’il ne l’était déjà ; alors il n’y aura plus de seconde chance pour les vivants, mais rien d’autre qu’une terrible délivrance.

Y avait-il réellement une raison derrière ce plaisir des combats ? Pourquoi se plaisait-il tant à régner du début à la fin, sans laisser à son opposant une quelconque faille, une quelconque plaie à ouvrir jusqu’à l’échec ? Ashe n’avait pas réellement de réponse à cette question, car se battre était une évidence pour lui, pour sa nature démentielle, pour sa nature démoniaque. Il était trop bestial pour trouver un autre moteur de vie, et se battre était la seule chose capable de mettre en route la machine. C’était peut-être la seule chose qui lui accordait tant de plaisir ; mais jamais autant que de terrasser quelqu’un d’aussi puissant que lui.
Il se remémorait parfois, la différence qui s’opérait entre la chasse à l’homme et la chasse aux demi-dieux. Peut-être finalement était-ce pour s’en rappeler qu’il continuait à battre plus faible que lui.

— Pour la même raison que je les dévore. Il sourit, un sourire pas même sanglant dans son apparence ; Terrasser des hommes aussi impuissants qu’eux me rappelle quel plaisir c’est d’affronter des personnes comme vous. Car à se contenter de peu, on prend toujours plus de plaisir quand on obtient bien plus encore - alors c’était pareil pour lui.
D’un autre côté, la présence ici-même de ce fils d’Héphaïstos lui garantissait qu’il ne s’ennuierait jamais ; une arme pour lui seul, une arme aussi divine que lui pour terrasser les Hommes. Si Ashe devenait lassé de sa force, il était naturel qu’on lui offre de quoi se divertir à nouveau - Mistral s’en était alors chargé.

— Terrible, comme ils finissent par tous l’admettre. Il sourit le Minotaure, fier - et il admire celui qui se tient face à lui sans tressaillir devant sa grandeur. Ceux qui l’ont ainsi contemplé sont souvent morts - mais il n’en est rien pour lui, car il lui offrira bien plus encore que sa chair en pâture. Et quand il en vient directement au sujet, Ashe vibre déjà de tout ce qu’il pourra accomplir.

— Je suis tout à toi. Après tout c’est la moindre des choses, c’est lui qui le transformera en machine à tuer ; c’est lui qui va le rendre plus puissant encore qu’il ne l’est déjà. Et de quoi as-tu précisément besoin ? Il ne sait pas Ashe, comment se forgent les armes entre ses doigts, il n’a pas idée d’à quel point la violence inspire, autant que sa violence transpire. Lui n’a pour armes que ses poings, et se sont des poignards qui sonnent le glas ; il n’a que ça et ça lui a toujours réussi. Qu’adviendrait-il s’il avait plus encore ?

Son regard sombre l’accule alors qu’il admire avec soin le demi-dieu virevolter autour de lui, prendre ses mesures - ses mesures si lourdes et on se demande comment le papier pourra-t’il les mesurer, leur long leur large, tout. Il y a aussi la question de l’arme, car tout est question de l’arme, celle qui tue, celle qui pourfend ; il sait Ashe ce qui lui plairait, il ne sait pas cependant ce qui lui sied parfaitement. La mort seule probablement, et tant qu’elle est entre ses doigts ça lui suffit - ce sont ses poings, ce sont ses muscles qui se contractent, ce sont ses charges - cruelles - mortelles qui sonnent la mort, alors dans ses sillons cette rivière rouge, cette rivière qui voit quelques corps flotter. Il doit amener la mort, toujours ; c’est lui la mort. Et il le transformera en faucheuse il le verra faucher les corps avec violence, avec fougue. Avec tout le caractère de ceux qui aiment le sang mais pas seulement le sang qui coule goutte à goutte non ; le sang qui éclate avec véhémence, celui dont on se tâche de la plus ignoble des façons.
Il ne bouge pas d’un centimètre Ashe mais son sang brûle contre sa peau fait crépiter les extrémités de ses doigts rien que d’y penser - rien que de penser à cette arme qu’il lui a promis, bientôt dans le creux de sa main, alors il sera tout-puissant.

Inventer un meurtre à sa taille ; Ashe aime l’idée. Il y a tant de façons de tuer quelqu’un, il y a tant de façons pour ne jamais s’en lasser ! Peut-être qu’une arme lui changerait, une arme car c’était aussi violent que lui, une arme car c’est tranchant ou flambant, une arme car finalement quoi de mieux que la mort armée ? Alors il s’élance, dans des discours qu’il n’écoute habituellement pas, car les humains sont ennuyeux mais ce n’est pas un simple homme c’est un demi-dieu qui va le rendre plus destructeur encore, c’est un homme qui le transformera en machine à tuer - alors avec attention il étudie, mais le Minotaure sait que tout est naturellement déjà fixé. Un arc, une lance, une épée - c’était trop élégant, c’était bien trop délicat et lui il était violent si violent, il voulait décrocher les bras et faire voler les corps. Il voulait pouvoir à peine les distinguer, se remémorer qu’il les avait tué lorsqu’ils étaient inanimés. Il voulait creuser des morts qui ne se réparent pas même dans les songes, ceux dont on ne préfère pas regarder la carcasse car, reste-t’il quelque chose ? Alors il dévorait encore, encore et toujours.

— Je dévore les épées, je brise les arcs et je désagrège les lances. Les imaginer simplement l’ennuyait ; ce qu’il voulait, c’était quelque chose à sa hauteur - un meurtre à sa hauteur. Entendre que Mistral l’avait compris lui rendait honneur ; alors il pouvait gonfler de fierté, car il n’était jamais assez fier. Son orbe luisante l’admirait au travail, fasciné par la capacité elle-même, presqu’autant que pour la réflexion. Si Ashe avait en horreur les armes à feu, la hache résonnait comme une évidence et il eut un sourire malsain à cette idée. Il fallait s’imaginer la porter, si lourde, très lourde - presque autant que lui, sa propre mesure qu’il portait deux fois, trois fois et plus encore - il l’imaginait aussi longue que lourde, aussi large que terrifiante. Alors le sabre, le sabre c’est comme l’épée c’est trop fluide, c’est trop de coupes précises et Ashe n’a besoin que d’un morceau d’acier trop lourd, trop franc.

— Une hache, une hache à deux têtes.. Ça me semble parfait. Son sourire s’étend, orne son visage d’une lueur dévastatrice car il faut penser au meurtre avant tout - il faut penser à la façon de la porter et il se l’imagine ; les bras mimant dans le vide mais il la voit déjà. Une arme de percussion - pour fendre les têtes, disloquer le reste.. Et il faut se retenir, de ne pas hurler son impatience, son envie de consumer son imagination pour en peindre un tableau bien trop vraisemblable. Il faut être silencieux mais le regard brille de ceux qui ne sont nés que pour propager la violence. Mais puisqu’il faut nourrir sa soif de création, autant l’imager ; Une arme si lourde qu’elle s’abat comme un glas, deux-têtes c’est encore mieux.. As-tu la moindre idée de ce que je pourrais tuer, avec ta création ? Il le sait déjà c’est certain, il tuera des hommes, il découpera des mondes. Il découpera des personnes comme vous.

Tuer l’espoir, tuer tout, tuer l’humain tuer le divin tuer son essence, c’est tuer la vie, tuer la non-vie, tuer tout ce qui vit, tout ce qui a vécu, tout ce qui mourra indéniablement de sa main. Car il n’y a que la sienne pour tuer, tuer avec brutalité, tuer avec la mort même ; assassiner avec l’arme divine, celle que Mistral va forger pour lui, celle qu’il va porter pour tuer la vie, tuer la mort, tuer l’existence. Alors il ne restera rien, il ne restera que lui, ça sera un massacre ; ça sera lui maître des Enfers sur Terre. Car tout c’est le tout, c’est le monde, l’espoir, les hommes, la vie et la mort, et si c’est tout alors il ne restera rien, qu’un néant plein de sang, qu’un cratère immense où dort la vie, laissée pour morte.

— Cette optique me plaît. Tout. Il répète, car c’est comme l’orner d’une couronne de lierre, c’est comme lui offrir un titre divin pour eux, mais qui ne représente rien pour lui, car il est bien au delà de tout ça, il est bien au delà de ceux qui désirent la vie, de ceux qui donnent la mort. Lui s’assurera qu’il n’y a que de la mort là où l’on observera la vie.

— Ce n’est pas grave, j’ai l’éternité devant moi. Il rit, parce qu’il est bien plus que l’éternité elle-même ; alors que cela prenne une décennie même, ça ne sera comme de rien - ça ne sera qu’un fragment de seconde sur toute la longueur de son existence. Et qu’est-ce que le temps quand on s’apprête à créer une guerre ? Ah - ce n’est rien, lui peut attendre toute la vie, mais Mistral le peut-il ? Car il dissèque tout de son allure, tout de son visage, des traits qui s’épaississent à ceux qui se réduisent, de la respiration à la chaleur qui fait perler la sueur ; il a l’oeil qui roule comme une boule de billard - qui dissèque les hommes comme on dissèque n’importe quoi, le non-vivant, le déjà mort. Et toute l’impatience qui résulte dans son regard, sa façon de prendre ses mesures quand il déborde du papier, sa façon de penser quand il décrit la mort ; et pourquoi y tient-il autant ? Ça n’a aucune importance, car lui il tiendra bientôt l’arme entre ses doigts et elle tombera comme un glas sombre. Rien d’autre n’avait d’importance.

Puis il rit, plus gras cette fois ; il rit de ces rires qui n’ont pas d’importance mais trop de puissance. Mistral si nonchalant dans sa demande alors qu’il pourrait l’écraser de son poids si simplement il le voulait, mais ça serait du gâchis. Existe-t’il un prix à la valeur de la mort ? Il n’en est pas certain, il pourrait faire ce qu’il veut ; il pourrait lui donner des corps par centaine, une guerre chaque seconde de chaque minute de chaque heure aux quatre coins du monde s’il le voulait.

— Parle. Je sais que ce n’est pas de mares d’argent dont tu as besoin. Car il pourrait, par sa force seule, l’arracher à tant si l’envie lui prenait - il pourrait lui offrir l’argent car il en gagnait tant ; car il n’en connaissait pas même la valeur, un tel prix lui semblait insuffisant. Tu n’as qu’à me demander. Il sait qu’il ne désire pas de ses choses qu’on peut simplement obtenir, ça serait stupide - ça serait indigne de lui. Le regard cloué au sien, il luit en lui une impatience certaine ; il était capable de lui amener tout ce qu’il désirait.