de mes nuits, il ne reste rien.
le noir va bien aux enfant.es d'hécate, et la lune est en croissant juste pour leur sourire ; moi je lui tourne le dos : elle n'a jamais rien fait pour elleux, s'invite tous les soirs comme si elle hésitait à raconter ses histoires, à dire ce qu'elle avait vraiment sur le cœur et si j'y ai cru un temps, maintenant c'est fini parce qu'on leur parle ou qu'on crie c'est du pareil au même (à peine des murmures pour ces gens-là ceux qui ne seront jamais là)
alors j'ai glissé entre les étoiles à sa place, et ma lune est faite d'acier ; elle coupe toustes celleux qui sont un peu trop près. loin, loin au fond de la forêt, là où on n'entend plus le bruit des choses d'acier, et où n'entend plus grand chose du tout (les hymnes étouffées par les branches et tout ce qu'on aurait pu y placer), et
parfois je regrette la rondeur des fauvettes et les chants chardonnerets
oui, ce n'est pas si beau, une forêt hantée, les esprits collés aux troncs et les ombres en monstres, et quand la biche s'affole à ma vue j'ai un peu de moi qui s'en va, et quand les rayons du soleil m'aveuglent c'est un coup dans le cœur, et quand les ailes d'une mésange m'affolent je perds le tête.
voilà ce qu'iels nous font (et si tu te demandes mais qui ça ? (toustes), c'est que tu ne t'es jamais perdu.e en route (toustes, et moi aussi))
et, dans le calme des branches, nues et grises, une brindille (un piège dans la plus simple des manières (celles qu'on ne planifie pas)) qui craque
et les racines qui murmurent, et les feuilles qui bruissent, et les troncs qui craquellent ; ils n'ont pas besoin de me prévenir, je le sais déjà : ce qui vient n'est pas humain
bien pire : divin
mes souliers ne font aucun bruit quand ils rencontrent le sol
la lame n'est pas cachée, si ce n'est par le brouillard
mes cheveux en cascade de flammes, venant terminer l'allumette de ma peau (calcinée), accompagnant le bois déjà craqué (le bras manquant), les bougies dressées bien haut (les cornes trop évidentes)
vision d'ailleurs qui suffiraient à en faire fuir plus d'une, mais pas cette fois, j'en était certaine
faîtes demi-tour.
de mes nuits, il ne reste que la fatigue.

Codé par banana pancake

dans le silence de ce bois fuit de toustes, il ne restait que les arbres et nous.
les longues griffes de ces faux animaux lacéraient l'air en un mouvement gelé, comme pétrifié par une de tes compères -mais méduse ne peut donc pas haïr les branches comme elle haït les hommes, et alors il paraît évident que ces suspensions, ces coups dans l'air, n'étaient en pause que jusqu'à ce qu'ils s'animent à nouveau.
enfin, ça c'est ce que j'aurais aimé. la vérité, c'est que face à toi il n'y a que moi et mon épée, un bras cassé et ma peau calcinée. l'absence de fertilité dans cette carcasse qui s'avance est une évidence -si jolie mais si vide. oh, ce n'est pas une critique. j'ai trop pleuré des enfants qui n'ont jamais su se relever pour le souhaiter à d'autres.
le velours a l'air cher, lourd. il n'a rien à faire ici, fait tâche dans l'environnement désolé de cette forêt maudite, et pourtant son utilité est toute trouvée. l'épaisseur saura cacher le sang. parce quoi d'autre aurais-tu pu venir chercher ?
faîtes. demi. tour. chaque mot détaillé, coupé au couteau, lancé dans l'air comme une grenade. l'ordre est impérial, tonné par ma voix campée sur mes deux jambes droites. la main sur le pommeau de mon arme, le lierre de la garde s'accroche déjà à ma main en anticipation. c'est les sourires dont il faut le plus se méfier : soit il s'agit d'une idiote, soit de quelqu'un qui se sait plus puissant. parfois les deux. mais pas toi. je ne me répèterai pas une troisième fois. la sommation est à peine plus fort qu'un chuchotement, et pourtant, je suis sûre qu'elle a entendu.

Codé par banana pancake

cette fois-ci, la lame sort.
le bruit est comme celui d'une craie qui hurle sur un tableau -long, lancinant, enrageant. impossible à ignorer. le message était clair : être ici, c'était une confrontation, une insulte, un choix de guerre. très bien. partez, alors, si vous ne souhaitez pas vous battre. il n'y avait que deux options, le combat ou l'abandon, et je ne suis que trop têtue pour faire autre chose que continuer -ma silhouette paraît probablement frêle, mais crois-tu ce genre de choses-là ?
j'ai comme l'impression que tu ne te laisses avoir par ce que tu vois.
je n'en ai rien à foutre. d'une agressivité qui n'est pas nouvelle, qui a planté ses griffes en moi en même temps qu'on m'a brûlée, taillée, découpée ; les menaces sont réelles, pleines de rage, parce que protéger c'est bien tout ce qu'il me reste. je n'ai pas le luxe de la curiosité : elle est mauvaise conseillère de survie. dégagez, créature. alors j'annonce : je sais ce que tu es, et tu sais ce que je suis.
arrêtons les faux-semblants.

Codé par banana pancake

de la tension était venue la colère. je n'en montrais rien, riait au ciel en prétendant que mes éclats n'étaient que de l'agacement, qu'un peu de feu qui montait parce qu'il n'avait rien d'autre à faire. nullement parce que les feuilles frissonnent, et parce que le brouillard te couronne, et parce que ta voix est aussi douce que le vent sur la plaine -celle grande, ouverte, où les épis dansent sous le rythme du monde qui ne fait qu'exister, qui ne veut que grandir.
et, alors, si éloignée de cette vie grouillante, je n'y crois pas : c'est une illusion, un charme, et pour ce sévice, pour cet affront, ma lame tâte l'air. l'insulte ne m'atteint pas ; elle n'est que réalité et la vieille branche de mon bras ne repousse plus depuis longtemps déjà, ah ! mais la sous-estimation titille ma fierté, et j'ai envie de bondir, de dire : nous verrons ! mais ta voix est un leurre, et alors tes mains sans couteaux probablement aussi. tu ne peux pas mourir, mais alors tu reviendrais ailleurs, dans longtemps, et j'aurais connu la paix à nouveau. d'une factualité indiscutable.
la méfiance, toujours ; le recul de quelque pas lorsque l'objet est lancé : sur mes appuis, prête à plonger pour le découper, mais ça ne fait que tomber dans un bruit sourd sur le sol nu. le contenant est clair, et dedans ne se trouve que les vagues du mouvement. le doré n'est pas le bon ; mais comment pourrais-tu avoir de l'ambroisie entre tes mains ? ce serait blasphème. effectivement. nous ne buvons pas de ces choses-là. je ne te dirais pas les années passées dans des villages peu peuplés, là où je croquais la viande et qu'elle me faisait vomir, et là où j'ai goûté la bière et qu'elle me faisait recracher. on me croyait petite nature, et au fond la métaphore était véritable.
je me redresse, la lame perpendiculaire au sol ; le coupant loin de tes chaires. la distance est suffisante. je ne connais pas le nom. peut-être l'ai-je oublié, et d'une vieille sorcière j'essaie de me rappeler les dires -mais circé n'est plus qu'une fumée dans les archives de mes mémoires ; scylla alors n'est rien d'autre qu'un mot. que venez-vous faire ici, l'Empouse ? voyons ! voyons ce qu'elle a à dire.