N’ayant il que guère les Enfers pour garder en mémoire les serments ? Pour garder une valeur tangible à ce qui fut dit, fallait-il désormais jurer chaque mot sur le Styx ? Tu ne portais en ton coeur aucun goût pour les formalités du Divin, ces promesses dont la forme permettait uniquement le maintien des volontés un seul instant avant de se détruire en une myriade de fissure et de vacuité.

Main contre ta joue, Divine maugréait doucement. Pensées que tu n’aimais pas raviver seule dans ce champ éloigné des hommes mais que tu ne savais jamais réellement comme échapper, tu pensais toujours trop quand la solitude te guettait. Cela faisait bien longtemps que tes pas s’étaient ainsi égarés ici, là où ta deuxième vie de milicienne avait commencé et là où les amis comme les ennemis disparaissaient dans les méandres de ce temps ingrat.

Peut-être qu’un jour, tu laisserais d’autres personnes fouler cette herbe tendre.
Peut-être qu’un jour, tu accepterais d’autres dans ce cercle funeste de tes confidents.
Mais ce jour ne venait pas aujourd’hui avec son crépuscule violacé et ces premiers chants de cigales.

Accroupie face au ciel, tu respirais lourdement, ton corps détendu laissait apparaître les failles du temps. Ridée, tu commences à l’être. Fatiguée, tu l’es plus que tu ne te laisses l’avouer.

Quelqu’un s’était approché, lourdement, le pas de l’être habitué à faire résonner sa présence avec violence et guerre et tu te retournais, laissant glisser ta chevelure sur ton épaule droite. L’homme te fut douceureusement famillier, Ellair.

-Tu t’étais entrainé ici aussi ?

Ta voix te paraisait morne et morve, une voix détachée du réel car les reproches ne pouvaient pas filtrer de ton existence. Cela faisait trop de temps, Divine devait être passer à autre chose.

-Marrant, je ne me rappelle pas. On dirait que quand tu as démissionné sans un mot, t’as pris tout les souvenirs avec.

Etait-ce cela une façon de saluer un ancien ami?


 

En vérité, tu ne sais pas quoi ressentir. Tu n’avais jamais été femme de mots ou femme de son, toutes les vérités acquises de ce monde tu les avais arrachés ou écrite ou comprises, jamais tu n’avais pensé être le genre à t’asseoir et à penser.

À la peine de voir l’allié devenir inconnu, de voir ce visage maintes fois riant devenir sévère et lointain, cela te blessait sans te blesser. Ton cœur réclamait le retour de ce lien fraternel, il arrachait ses aortes dans ta poitrine d’acier et tu voudrais lui dire que rien de tout cela n’était grave.

Que les désirs étaient comme les gens, fluctuants et irréguliers et que tu comprenais. Mais tu ne savais pas mentir, là était ton plus noble défaut. Tu ne savais pas mentir pour les choses du sensible et de l’immatériel.

-Pourquoi tu devais partir ?

Tes lèvres disaient ses mots sans vraiment y penser, sans vraiment que tu ne détaches ton regard de sa silhouette. Tu t’approches, le soleil dans ton dos et l’ombre infinie se superposant à ce corps rendu étriqué par les calomnies produites.


-Je te reproche pas d’être parti des Spartes, Ellair. Ta vie est tienne et je ne suis pour toi qu’une énième spectatrice. Je ne te demande pas le soin et l’attention qu’une mère réclame à son fils. Non, je te parle comme amie. Pourquoi es-tu parti sans dire où tu allais ?

Tu aurais voulu un frère, un ami, un éternel à compter dans ton paysage mais il n'yavait que les chuchotis du fantôme, de la place vidée et laissée à l’abandon à l’arrière.

-Je vais bien.

Tu vas toujours bien, même quand tu allais mal.

-Et toi ? David dit du bien de toi.

Peut-être. Tes souvenirs sont vagues.