Tu descends de l'arbre dans lequel tu étais perché. Canif en main. Tu l'avais oublié depuis le temps. Avait presque oublié les raisons de l'incident. C'était il y a si longtemps.
Tu hésites, observant l'objet dans la paume de ta main. Encore rutilant. Préservé des éléments. Probablement grâce à la grâce des dieux qui semblait habiter les lieux. Ou peut-être les nymphes avaient-elles prit soin de l'objet, sachant qu'un jour tu viendrais le récupérer.
Par hasard. Oui, par hasard.
Tu hésites.
Puis te décide, prenant ton courage, qui te fait habituellement défaut, à deux mains. Sauf quand ça le concerne, lui, tu es toujours courageux. A l'approcher quand il est de la pire des humeurs et que tout le monde l'évite. A le taquiner, l'appeler par un surnom que tu sais qu'il déteste. Parce que ça t'amuse. Parce que tu jurerais que avec les années, il a prit l'habitude. Et que rien que le son de ta voix à le don de lui faire lever les yeux au ciel. Parce que tu te convinque que si tu venais à disparaître, peut-être entendrait-il le fantôme de ta voix moqueuse à l'enterrement. S'il y était présent.
L'enterrement... Comme celui de tes parents. Ton visage s'assombrit un instant.
Il y a encore peu, tu brûlais les corps de ta seule et unique famille. En dehors de ce satané dieu qui n'avait pas répondu à tes prières. Non. Celui qui avait réagit, c'était Emon. Et tu lui devais la vie.
Te sauverait-il à nouveau si tu prenais la décision impulsive de rendre son canif à Ellair ? Peut-être. En réalité, tu n'en avais plus rien à faire.
L'heure est aux nouveaux départs.
A ceux qu'on a brûlé, et qui finiront oubliés.

T'attrape au passage un enfant d'Iris, lui demandant la position du chien des olympiens. Facile, il est difficilement manquable pour le commun des mortels. Enfin tu t'imagines. Parce que de toute façon, toi, tu ne remarque plus que lui ces derniers temps.

Alors que tu marches en direction des bains, tu réfléchis. En soit, malgré que vous soyez proches en âge, tu ne sais pas grand chose de lui. Trop loin, beaucoup trop loin pour être amis. Peut-être, que le terme par lequel tout le monde vous connaît, c'est ennemies. Ou bien un farceur, qui s'amuse d'un chien, le faisant tourner en rond sans fin. Et lui qui te blesse dès qu'il en a l'occasion, perdant son sang froid comme jamais quand il s'agit de toi.

Tu espères que l'offrande que tu as en main réparera les ponts, s'ils n'ont pas coulés sous les flots de votre enfance turbulente depuis trop longtemps.

Tu rentres dans les bains, trouve facilement son casier, t'étant fait discret, marchant sans bruit sur le marbre poli. Tu hésites à déposer le canif directement dedans, pouvant facilement l'ouvrir. Comme ça, anonymement, terminer l'histoire tranquillement.

Mais avant que tu le saches, tu es pieds nus, tes pas ne faisant pas un son, te laissant aller à l'abandon, subissant tes désirs les plus intimes. Et là, maintenant, alors que tu es encore endeuillé, tu veux juste le voir. L'une de tes constantes malgré les années. Celui qui est toujours là pour que tu puisse l'embêter.

Tu l'apperçois de dos, et t'approche en diminuant ta présence toujours plus sans pour autant complètement disparaître. Tu as l'espoir, infime, qu'il te reconnaisse. Qu'il ai prit l'habitude de tes crasses pour que tes tours ne fonctionnent plus sur lui. Tu sais déjà qu'il voit très facilement au travers de tes déguisements. Mais tu as toujours envie de plus. Défaut fatal, tu ne sais pas. Ta jalousie aussi.

Et son surnom quitte tes lèvres alors que tu dépose la lame du couteau sur son épaule.

"Ellie."