tu ne veux pas savoir.

ah, c’est vrai… c’est vrai qu’on ne dirait pas comme ça, qu’on ne peut pas deviner - chez Lazare jamais un signe surtout le moindre mauvais - c’est vrai qu’il manque à sa porte les rubans fluos de plastiques, d’une jaune piquant la rétine comme on fait aux lieux du crime ;

même si chez lui pas de sang, c’est vrai, nulle part l’odeur de javel - uniquement celle d’ici, viciée très discrète - ici sent le verni des tables et le velours des causeuses, le café le tabac et les fleurs mélangés, le parfum du mensonge mais le mensonge ne sent rien ;

ici sent bon le sucre, aussi, maintenant que tu viens sans prévenir
et ton entrée surprend tant qu’elle y brise bien plus qu’un silence : soudain côté cuisine, comme un bruit de fracture : Lazare qui rangeait des verres t’attendait si peu qu’il en casse. pas un mais deux. ssh’tain- c’est vrai, tiens, pourquoi deux ?

tu ne veux pas savoir

vraiment ; ni voir ça et d’ailleurs, reste au salon Zach, va, lancé depuis l’autre pièce dont le sol est coupant, j’arrive. chez lui pas de sang, si ce n’est une goutte à son pouce : la faute aux éclats d’indices, ramassés à la hâte.

lorsqu’il se montre enfin Lazare n’a l’air qu’innocent. et vaguement lessivé - tu le connais - plein d’alibis bétons au cas où tu demandes : il est couche-tard, s’endort à l’aube, a croisé quelques monstres qui sait s’ils ne le hantent pas. quand même il te sourit, grand, et t’accueille assorti : grands les gestes attentifs, la main passée dans tes mèches pour y filer du désordre, t’ébouriffer gentil, bah alors, t’attends quoi pour t’asseoir ? grands les encouragements à faire ici comme tu sais - comme chez toi - grandement sobre, la pression de sa paume contre ton dos qui te guide, jusqu’au grand canapé, là, c’est ta place. une poignée de compresses traînent au-dessus la table - blanches, inutilisées - rassemblées sans relever. tout en débarrassant qu’il te questionne impassible, non pas qu’est-ce que tu me veux mais qu’est-ce que tu veux boire, dis-moi ? tu veux savoir, il sait déjà. s’il se feint ignorant, c’est seulement pour la forme.