Se faire réveiller à minuit et quelque par un coup de téléphone du bureau en aurait rendu fou la plupart. Demian ne niait pas le fait qu'il était très possiblement un peu fou à force d'entendre cette foutue sonnerie, suivie de la voix monotone de son téléphone énonçant le nom de l'appelant, à reprise, un, deux, trois fois.
— POSTE POSTE POSTE
Grognant d'une voix encore étouffée par les bras de Morphée (ou devrait-il dire Hypnos, sachant clairement qui était chargé de fermer ses yeux et de l'assujettir à des cauchemars répétitifs), il décrocha en frappant aveuglément —eh— la direction de sa table de nuit.
— Herlihy, réunion de 1 rue Cooper Est et du 70 Sherwood Street. On a deux stiff.
Il laissa sa tête retomber sur son oreiller, à deux doigts de dire "fuck" et de retourner se coucher. Se laissant le plaisir d'imaginer le regard irrité de sa collègue pendant quelques secondes, il grommelle une réponse après 30 secondes :
— J'arrive.

C'est à l'odeur de sang et des déchets habituels de New York que débarque Demian sur la scène. Cigarette non allumée dans la bouche, il mastiquait le bout distraitement, un peu agacé et déjà d'une humeur maussade. Il avait reconnu la signature de Samaël dès qu'elle était entrée dans son champ de "vision" et avait déjà une petite idée de ce qui s'était passé. Ainsi il débarque sur la scène puis se dirigea directement vers son "collègue". Ignorant ses essais à être "agaçant", il alluma sa cigarette pendant son petit discours.
— Vraiment, aucun respect pour votre repos. C’est pas une heure pour gérer un meurtre., Demian inspira longuement, Un café en attendant qu’ils nettoient tous ça ?, avant de laisser sortir la fumée, proche du visage de Samaël, une déclaration claire de ses limites.

Se détachant du fils de Némésis, il fit quelques pas, puis s'arrêta,
— Tu m'as levé à cette heure, tu payes
Il fit signe à un des policiers qu'il s'en allait, puis continuas de marcher en direction du café, accompagné ou pas, il avait besoin de caféine dans tous les cas.

— Comment ça, ma faute ? J’appelle pas les gens au beau milieu de la nuit pour les sortir de leur lit, moi.
Ouais ouais. Demian ne daigne même pas répondre cette remarque par un regard ou une réaction, occupé à guider Samaël vers le café proche d'ici. En soit, pas quelque chose de très gros et luxueux, mais leur café était bon et pas par filtre, donc c'était déjà un gros bonus.
Laissant son camarade choisir la table, il le suivit et s'installa à la chaise la plus dégagée, accotant sa cane à ses côtés.
— Ça va aller de les abandonner comme ça, t’as pas peur qu’ils fassent des conneries ?
Il hausse des épaules et salua la serveuse d'un signe de la main. Laissant le plaisir à Samaël de choisir les brevages qu'il allait payer plus tard, il en profita pour se mettre à l'aise sur la chaise.
— J'ai pas besoin d'être présent pour les évaluations préliminaires, la moitié du temps t'as besoin de voir ce que tu examines, et tu peux deviner comment ça peut poser problème dans mon cas.
En soit, il n'avait pas vraiment de difficulté à voir ce qu'il y avait à voir, et surtout se donner des allures d'aveugle incapable de faire des examinations étaient un peu fatiguant à la longue. Jouer les incapables, rien de plus énervant, surtout lorsqu'il voyait bien plus d'indices que les autres incapables mais était incapable de le justifier. "Ouais, je sais que le coup de couteau est entré à telle profondeur car la blessure est froide et continue de refroidir à tel et tel endroit. Ah, et aussi, notre victime a été tué par le même mec avec qui je prend un café en ce moment dans un effort de provoquer je sais plus qui pour son chef qui est aussi un demi-dieu." Ouais non, ça passerait pas.
— Vos cafés.
Revient votre serveuse avec deux tasses qu'elle pose devant vous avant de s'en aller. Il prend une gorgée, se délectant du goût amer et dur de la caféine avant de laisser sortir un soupir satisfait. Rien de mieux qu'un café noir à 1 heure du matin pour bien commencer une journée.

— Ha ! Tu sers à rien en fait ? C’est super cool alors de te faire venir du coup.
Fermant les yeux, il laissa sortir un "hmmm", gorgée de café rapidement avalée. Oui, il "servait à rien" pour les investigations préliminaires, et c'était bien l'image qu'il aimait entretenir auprès de ses collègues. Que diraient-ils en découvrant que le grognon petit collègue aveugle qu'ils connaissaient tous n'était peut-être pas aussi aveugle —choix de mots approprié— qu'ils le pensaient et qu'ils étaient capable de savoir que Samantha, la secrétaire avait vu un homme avant d'arriver au boulot car il y avait encore des sources de chaleur s'étant imprégnés dans ses vêtements?
— Vous allez en faire quoi ? C’est quand même l’affaire des demi-dieux heh. Tu laisses les moldus gérer ça à ta place ?
Le "en" en question était assez clair : que faire du cadavre tué par un demi-dieu pour son patron également à demi-divin sans révéler le monde caché aux "moldus"? Et il avait des soupçons qu'il avait été envoyé ici justement car il fallait faire du contrôle sur la situation.

Merci Samaël pour ce cadeau mortel en cette magnifique heure qu'était la matinée d'une heure du matin.
— J'imagine qu'un des nombreux cartels voisins seront très amiables à prendre le blâme, il avait une petite idée en visant le tout nouveau marchand de drogue proche d'ici. Jeune voulait dire surexcité et prédisposé à vouloir faire des vagues afin de se faire remarquer par les plus grands joueurs.

Une roche, deux coups.

— Je peux savoir ce que le pauvre a fait ou c'est une connaissance limitée?

— Vous mettez ça sur le dos des petites frappes ?, il acquiesça dans son café, Savoir ? Tu veux que je devine avec toi ? C’est pas toi le détective ici ?, Demian roula des yeux, cachés derrière ses lunettes, Peut-être quelqu’un qui a fourré son nez dans les affaires des mauvaises personnes ? Oh ! Ou des histoires de rivalités, j’ai vu ça dans une série y a pas longtemps., oui bon, vraisemblablement il ne recevrait pas de réponse de la part de Samaël. Pas une surprise, mais non moins agaçant, à sa manière, Mais t’as pas plus sexy qu’un cartel miteux ?
Demian haussa des épaules,
— Tu préfères que je leur dise que c'est une opération clandestine menée par des demi-dieux?, il laisse sortir un rire moqueur, Ouais, comme si ça allait me croire. Si j'ai un peu de chance, ils me feraient juste passer un test psychologique et m'enverraient pas directement en asile psychiatrique, il laisse sortir un souffle en se calant dans son siège, Écoute, j'te couvre, mais je peux pas compromettre mes collègues et leurs investigations sur les plus gros poissons dans la marre, pas que les enquêtes avançaient rapidement, mais c'était pas ça le point, Et une pierre deux coups, ça vous débarrasse de la compétition et moi ça éradique le pissenlit avant qu'il fasse trop de problème.
Et ne parlons même pas du problème diplomatique que ça donnerait si le blâme tombait sur une organisation capable de se défendre alors que l'accusation était fausse. Aucun besoin d'une guerre à trois fronts entre les mafias et la police.

— Tu pourrais, ça apporterait un peu de piment à ta vie.
Ouais, piment dans la vie de qui? Peut-être un petit piment dans la vie de Samaël, mais c'était un panier complet qu'allait vivre Demian sinon.
— C’est les amateurs qui ont besoin de couverture. Ça et les frileux.
Continu son interlocuteur à l'adresse de quelqu'un au bar.
— T’es sûr qu’ils ont rien contre les flics dans ton quartier pourri ?
Penchant la tête vers le reste du café, il gardait un oeil aux mouvements de toutes les personnes depuis qu'il était entré. Il était peut-être plus à l'aise autours de Samaël qu'il le devrait, vu leurs travails complètement opposés, mais cela ne l'empêchait pas d'être vigilant de l'autre demi-dieu en face de lui et de son entourage. Ne parlant même pas du fait que le quartier présent où se trouvait nos deux demi-dieux étaient réputés pour être rempli de malfrats et de racailles en tout genre.
— Si tu veux mon avis -puisque tu me l’as demandé- le pissenlit il est déjà partout et c’est pas jouant à un who dunnit que vous allez vous en débarrasser, mais plutôt à grand coup de lance-flamme. C’est un truc que tu devrais savoir faire ça.
Levant un sourcil face au commentaire du plus jeune en face de lui, il soupira,
— J'en suis bien conscient. Mais qui a dit que j'étais pas du genre à apprécier un peu de pissenlit dans la pelouse si c'est pour s'assurer que le sol est viable?, continu-t-il avec la métaphore des mauvaises herbes, Croit moi, si je pouvais juste tout brûler au sol, j'y trouverais ma joie rapidement. Mais malheureusement, les feux aident davantage la pousse des plantes qu'on le croirait.
Le chaos et le vide que créerait la disparition des grands pouvoirs ne feraient qu'aggraver les choses, et Demian était tout pour l'équilibre des pouvoirs. Sans la criminalité, le pays ne serait qu'une tyrannie ; Sans ordre, le pays ne serait qu'une anarchie.

Il ramena son regard vers son téléphone lorsque ce dernier vibra contre la table. Tapant sur l'icon, la voix automatisée de son portable énonça le message,
— On a tout ce dont on a besoin. Prend tout ton temps sur ta pause café.
Même avec la voix monotone de Siri, Demian était capable de déchiffrer le sarcasme de son collègue. Reposant son téléphone sur la table, il pris une gorgée : il n'était pas pressé, et imaginer l'agacement dans la voix de son collègue était un passe-temps favori du fils d'Héphaistos —bonus si c'était Darryn—.