précédent son départ pour les scalpels de leta ※ cage de angeLes heures étaient longues et pleuraient invisibles sous le regard presque mort de Ange aux ailes brisées ;
Aux ailes plus qu’à moitié ailes, déchirées - arrachées à la lame du Roi ou du Prince - Ange ne sait plus, lorsqu’elle y pense c’est son coeur qui pleure le nom de David sans plus comprendre les syllabes qui le composent.
Elle répète comme une comptine qu’il viendra attraper entre ses mains son visage las, qu’il la libérera d’un tourment éternel lorsqu’il lui dira “Je te pardonne” mais que jusque là il lui fallait vivre.

Je te pardonne, je te pardonne

Qu’elle répète, idiote, abrutie, aliénée - elle ne sait pas, Ange, ça lui est égal.

David, David, David

Le visage fantasmé près du sien.
Ou est-ce Darryn - ou est-ce Dionne - ou est-ce Sasha ?

Des bruits grouillent derrière la porte.
Ange ouvre des paupières mornes.

Ceux qui entrent et s’invitent près de sa cage, elle ne les connaît pas.
Elle croit avoir vu le visage du plus pâle - l’odeur lui rappelle celle des souverains.
Ange reste silencieuse un temps.
Observe.
Aigle monstrueuse ; à moitié humaine mais des serres et des ailes dérobées ; des plumes et de la peau à se confondre entre elles.

Gronde un rire au bout du bec - au bout des lèvres - c’est un peu des deux qui s’articule car d’Ange ou d’Aigle elle ne sait plus lequel est le vrai.
Le regard brille doré.

Allons - allons - allons - c’est la nouvelle attraction de l’île ! Le Zoo - qu’ils disent ! Je t’ai déjà vu, joli joli - je t’ai déjà vu l’autre fois - tu gardais tes mots précieux. En as-tu à m’offrir aujourd’hui ?

Le regard point sur Emon fils des Enfers.
L’autre, elle ne connaît pas.

Viens-tu voir un monstre se faire disséquer ? C’est le sort qu’on m’a promis - ou viens-tu me libérer avant que ça n’arrive ? Jolis jolis - jolis chaos qui dansent désarticulés. Tu n’es pas enfant du Ciel - David t’a-t-il autorisé à venir me voir ?

précédent son départ pour les scalpels de leta ※ cage de angeQui sait ? ah…

Si David viendrait la libérer ;
Si David se ferait héros de son monstre adoré ;
Non c’est David qui l’a enfermée là, c’est David qui l’a trahie, c’est David qui a tranché dans ses ailes et lui a fermé les portes d’un coeur qu’elle croyait avoir gagné entre ses doigts.

Ange sait que David ne viendra plus.
Plus avec ces sentiments-là ; jamais, se dit-elle.

Mais Emon ?
Ou Seren ?

Ange se retrouve hypnotisée - une seconde une minute, elle ignore le temps qui s’égraine lorsque le regard dévore le visage de l’autre.
Pas Emon, mais Seren.
Resté droit puis courbé pour tenir entre ses doigts une plume comme un trésor.
Ange aimerait traverser l’espace pour que ce soient ses doigts qui caressent le visage.

Joli - joli toi.

Les paupières y tombent, sur un regard amoureux, et Ange se tortille sur elle-même ;
L’aigle presque-humaine ou pas assez ;
Parfois ce sont ses doigts parfois ce sont ses serres ;
Parfois dans ses plumes, sa chevelure d’argent perd de son éclat.

Ma version de l’histoire ? De quelle histoire parlez-vous, mortels ? La vôtre, ou la mienne ?

Car Ange a des millénaires à raconter derrière elle ;
Et la tempête de flammes des jours avant la veille - ça disparaîtrait - ça ne serait pas écrit dans les livres d’histoire - personne n’apprendrait que l’Aigle - Ange - avait fêté son anniversaire.

David a des ennemis et je n’en suis pas. Ou pas encore, mais ça ne dépend pas de moi. Êtes-vous là pour me convaincre - me séduire - êtes-vous amis du roi - êtes-vous ennemis de lui ?

Lève le regard.

Je pourrais tuer David - si vous me libériez - mais je pourrais vous tuer vous, aussi. Ne me libérez pas. Je n’ai pas faim - mais de colère je pourrais vous abattre. Pour avoir prononcé le nom du roi sans y avoir été autorisé.

précédent son départ pour les scalpels de leta ※ cage de angeAnge rit ou pleure ;
Ange glousse ;
Ange aime les énigmes, les mystères, les paroles murmurées en secret.

Ange arbore des émotions de toutes les couleurs mais elle embrasse surtout celles qui éclatent de toute leur ampleur ;
Ange ignore la douleur qui parcourt ses nerfs ;
A lui faire perdre la tête ou ce qu’il en reste.

Mon propre roi, dis-tu ? J’ai dit qu’il était roi, pas qu’il était le mien.

De roi Ange en a eu un ;
Elle croit parfois l’entendre gronder dans le ciel.
Elle préférait avoir un roi meilleur - mais elle sait de Lucius que celui sous Terre n’est pas meilleur tortionnaire.

Elle dépose un regard sur Seren et un instant elle aimerait que le roi soit celui-là même.
Elle croit que Roi Seren ne serait pas si cruel - qu’il l’aimerait de ces mêmes yeux qui la regardent comme ça triste ou comme ça las - elle ne sait pas.
Elle croit que ce sont des amours qui se dessinent sur son faciès mais c’est la beauté qui trahit des émotions qui n’existent pas.

Quel roi me proposes-tu, enfant des ténèbres ?

Le regard se dépose sur Emon.
La proposition est prise très au sérieux sans en avoir l’air.

Toi ? ou l’autre ?

Le regard retourne à Seren.

Joli.

Un rire de nouveau cogne contre les barreaux et les murs presque humides mais surtout froids.
Elle se tortille, là, lamentable, et elle croit que la douleur partira peut-être en l’essuyant contre le sol grisâtre.

Moi j’ai à vous proposer un roi, mais il ne vous plaira pas - ah non, il ne vous plaira pas d’être dirigé par le meilleur des rois - le meilleur, vous dis-je ! Il porte le nom de l’Hydre, mais vous le connaissez déjà, je crois, AHA

Le regard se révulse une seconde.
La voix se calme pour poursuivre ;

Je pourrais être votre roi, moi aussi ! Et je vous aimerais ! Tous, mes sujets.

Elle secoue la tête.

Non, non. Il ne peut y avoir aucun roi, à dire vrai. Il ne peut y avoir qu’une reine.

Déchoir les rois en les défigurant de ses serres acérées ;

Ployez genou pour Echidna. Et nous tuerons votre roi - je tuerais David moi-même - je viendrais faire s’abattre le ciel cruel sur tous ceux qui ne vous auraient pas rejoint dans votre abnégation. Ployez pour Echidna, alors je serai l’arme que vous voulez que je sois.