La coupe de champagne, tenue avec une délicatesse qui soulignait la perfection de ses ongles fraîchement manucurés, caressait doucement ses lèvres alors que son regard s'égara sur les alentours immaculés et soigneusement entretenus. Il était clair que le propriétaire des lieux exposait ostensiblement son penchant pour l'opulence, bien qu'Enrico, d'ordinaire, préférait se soustraire aux soirées mondaines qui ne faisaient que contrarier son tempérament exubérant. Pourtant, cette invitation émanait de l'homme qui suscitait son agacement constant, ce même individu qui semblait insensible à sa personne. Jamais encore n'avait-il été confronté à une telle indifférence, et cette profonde frustration ne le quittait pas, chaque instant passé en sa compagnie ne faisant qu'accentuer son désir de faire regretter à cet homme son attitude distante.

L'homme, dont l'égo avait été froissé, observait discrètement les traits de son partenaire de la soirée. Il était conscient que leur proximité sur le canapé n'était pas le fruit du hasard, mais pour l'heure, il se contentait de scruter sans réagir à cette tension qui émergeait, bien que sa nature encline à la légèreté l'incitant à agir différemment. L'insolence du jeune homme ne manquait pas de retenir toute son attention, pourtant, Enrico s'obstinait à ne pas céder. Il n'avait aucune intention de se comporter en âme désespérée prête à se laisser séduire au moindre signe. Au contraire, il aspirait à renverser la situation, à ce que l'ego touché soit à présent flatté par son interlocuteur, à prouver qu'il avait toujours raison, qu'il était Enrico Garcia et que nul Apollon ne pouvait tenir tête à ses charmes. Cependant, lorsque Beau fut invité à jouer du piano et qu'il s'exécuta avec une grâce enchanteresse, l'esprit d'Enrico s'embua. Son attention se focalisa exclusivement sur la performance : une simple écoute suffit à l'enivrer, le morceau lui appartenait, et Beau l'interprétait avec une telle élégance que le jeune acteur ne put dissimuler son admiration, malgré les nombreux jeux de regards échangés durant cet instant.

Les applaudissements éclatèrent, mais Enrico ne fut pas du nombre de ceux qui saluèrent l'artiste. Au contraire, il aurait donné cher pour réentendre cette mélodie, pour revivre ce court instant tout au long de la soirée (peut-être avait-il perdu cette bataille ce soir-là). Il fut brusquement tiré de ses rêveries lorsque l'instigateur de cette séduction implicite, le prit par la main et l'emmena dans une pièce à l'écart, les isolant du tumulte de la fête. Adossé à la porte, dominant la scène, Enrico laissa son regard errer sur la silhouette insolente assise face à lui.

Mouais, c’était pas mal lança-t-il avec un ton nonchalant, bien qu'il mentait effrontément. Il aurait donné tout ce qu'il avait pour réentendre ces notes une seconde fois. T’as un don pour la musique, il n'y a aucun doute là-dessus, mais rien de bien transcendant. Énième mensonge prononcé ce soir, peut-être tentait-il de se persuader lui-même pour ne pas avoir à être de nouveau obnubilé de la sorte.

Il s'assit à côté du garçon, victime du subtil jeu de séduction auquel ce dernier se livrait, une danse complexe mêlant attraction et répulsion simultanées.

Mais je suis curieux, Beau. Ce que tu veux vraiment me dire dans cette chambre, loin des regards indiscrets de la fête, ça doit être bien plus intéressant que des mots, non ? Son ton était teinté de provocation, mais sa curiosité était authentique. Il voulait savoir jusqu'où Beau était prêt à pousser ce jeu, et ce qu'il dissimulait derrière son insolence.

Dans ce tourbillon de mondanités où les séducteurs abondent, Enrico ne se rangeait pas parmi ceux qui couraient après l'attention. Non, il était l'objet du désir, une énigme que peu osaient approcher, tant était puissante l'aura éthérée qu'il dégageait. Mais ce soir-là, et surtout depuis leur rencontre, une exception à cette règle tacite se dressait devant lui, imperméable à ses jeux de séduction. Au contraire, l'effronté narguait l'aîné, ne laissant transparaître aucun signe d'attraction, parvenant même à taquiner sa patience. Trop fier pour déployer les dons gracieusement hérités de mère dans de telles situations, mais également trop têtu pour laisser ce défi derrière lui, il était déterminé, confiant en sa capacité à faire fléchir l'autre pour lui faire regretter cette déception apparente lors de leur première rencontre.

La voix de Beau résonnait, empreinte d'audace et d'une pointe de provocation. Ses paroles, telles des pétales de rose, se déploient dans un jeu séduisant où désir et défi se mêlent subtilement. Le regard d’Enrico scrutait le jeune homme, détaillant chaque parcelle de son être sans dissimulation, cherchant la moindre faille à exploiter. Conscient du ballet délicat de leur interaction, un sourire subtil flottait sur ses lèvres, masquant la frustration croissante en lui. Ah mais, parce que tu penses que je projette mes désirs sur l'instant ? La pause calculée était accompagnée d'un léger ricanement, dévoilant l'ego du jeune homme, convaincu de sa victoire dans cette guerre silencieuse et sensuelle qu'ils menaient. Peut-être que tu pourrais être surpris de ma réaction... si tes envies étaient clairement exprimées. Son ton mélangeait taquinerie et attente, comme s'il défiât Beau à se livrer davantage.

La réplique incisive de Beau, remettant en question l'aptitude d'Enrico à aimer, attisa la tension déjà palpable. Son ego, gonflé mais néanmoins martyrisé depuis leur arrivée dans la chambre, ne trahissait aucun signe. Enrico se retrouva alors à califourchon sur le jeune homme, leurs visages à une proximité audacieuse. S’assurant que Beau ne puisse échapper à son étreinte, il susurra près de son oreille, un sourire malicieux ourlant ses lèvres. Peut-être que je préfère te complimenter en actions plutôt qu'en paroles et laisser mes actes parler pour moi... Son ton, empreint d'assurance feinte, s'inscrivait dans cette danse élaborée où se mêlaient moquerie et excitation. Une symphonie de mots et d'émotions alimentait le brasier de la tension, capturant chacun dans son étreinte ensorcelante.