Meryem n'avait pas prévue de rester tard au musée ce soir. Elle avait bien entendu parler de cette soirée privative pour les donateurs du musée, mais ça ne la concernait pas. Elle avait considéré l'idée, puisqu'elle aurait été certaine de croiser du très beau monde, de se faire repérer par des personnes extrêmement riches, peut-être même cultivées. Mais finalement, elle avait préféré réserver ses nuits à l'Achéron, et à la chasse.

C'était sans compter sur son collègue, qui était tombé malade le jour-même. Personne n'avait voulu le remplacer à la dernière minute. Personne ne voulait se risquer à tenir compagnie à quelques personnes fortunées et passer pour un guignol. Meryem n'avait finit par accepter que parce qu'on l'avait longuement flatté sur son élégance.
Elle avait réussi à à deux jours de repos en plus, et de porter la tenue de son choix.

Ca n'était pas si compliqué en soit, certaines parties du musée avaient été aménagées pour la soirée pour accommoder les généreux donateurs et les remercier. Petits fours, cocktails et animations étaient au rendez-vous. Elle devait se contenter de guider les invités à travers le musée, en leur présentant parfois quelques pièces maîtresses, et s'assurer qu'ils étaient satisfaits et divertis.

Et les voilà qui arrivaient un par un, le personnel vérifiant leur identité et récupérant sacs et manteaux dans un vestiaire spécialement réservé pour eux. Les donateurs étaient invités à rejoindre la salle des arts grecs et romains, une ironie qui ne lui échappait pas. Meryem se conduisait en bonne hôtesse, saluait les invités et leur demandait si tout était à leur convenance, si certains s'attardaient sur une oeuvre plus qu'une autre, elle offrait une description, une anecdote, et un brin de conversation.

Et parmi le brouhaha des invités, son attention fut attirée par un parfum particulier, un parfum qu'elle connaissait particulièrement bien.
Et elle ne s'était pas trompée. Beau était bel et bien présent, ici, sur son lieu de travail. Elle croisa son regard, et ne sut pas très bien comment réagir. Ce n'était rien de compromettant en soit, mais c'était ennuyant qu'il l'ait prise au dépourvu ainsi. Avait-il prévu le coup ? Est-ce qu'il avait fini par trouver qui elle était ? Ou bien était-ce le fruit du hasard ?

Quoiqu'il en soit, il était inutile de fuir et s'évader. Ce n'était pas son genre, pas ainsi.
Alors elle s'approcha, l'air moins sulfureuse que pendant leurs petits jeux.
Elle était hautaine, presque froide, inquisitrice.

Monsieur Hill. Bonsoir.

Elle ignorait qu'il faisait parti des invités.

Ses yeux se plissent, lorsque Beau prononce son nom et son prénom du moment. Décidément, elle n'aimait pas la manière dont cela roulait sur sa langue, elle n'en tirait aucune satisfaction maintenant, elle n'en tirerait probablement aucune dans son lit.

Elle avait cette attitude puérile et amère d'une enfant qui avait perdu. Comme si Beau avait triché. Il n'avait pas le droit de ne pas obéir aux règles du jeu. Maintenant, ça ne serait plus drôle. Même son contact ne lui apportait aucune satisfaction, d'autant plus que lui semblait prendre un malin plaisir à l'avoir prise à son propre jeu.

Le billet, pour couronner le tout, ne fait que rajouter du sel sur la plaie. Pensait-il réellement qu'un peu d'argent suffirait à adoucir la situation ? Elle réfléchit à la manière dont elle souhaitait répondre, envisageant plusieurs scénarios possibles, incluant de le dévorer ce soir pour l'affront dont il faisait preuve.

Finalement, elle saisit son billet entre son index et son majeur, pour le déposer sur le plateau d'un serveur qui passait par-là.

Je suis guide, non pas serveur, Monsieur Hill. Je ne prends pas de pourboire.

Meryem comptait bien rester professionnelle ce soir-là ; si elle voulait flirter, elle voulait que ça soit selon ses termes. Elle ne répondrait pas au besoin de familiarité dont Beau avait besoin.

Et je suis de service ce soir. J'ai d'autres invités à divertir...

Et sans doute qu'elle partirait au bras d'un autre, par pure vengeance.