Dans une vieille cave à l'odeur de pisse et de crack ; deux hommes tiennent en joug un troisième, maigrichon et couvert de brûlure. La pièce a été réaménagée en salle de poker. Une table ronde est dressée sous un luminaire à l'ampoule vacillante. Au centre de la nappe verte bon marché, des petits tas de poudre blanche mis à disposition. Tu te tiens dans l'ombre de la quatrième chaise, occupé à mélanger les cartes, une clope enfoncé dans le bec.

Bon maintenant fini de jouer sale chien. Tu vas nous rembourser la moindre miette. Tu me dois cinq mille dollars à l'issue du jeu. On te laisse pas sortir tant que t'as pas craché la thune que tu me dois. Hèle le premier.
Et mes deux mille boules aussi. rappelle le deuxième.

Tu laisses échapper un ricanement rauque, amusé du peu de conviction dont font preuve vos deux partenaires de jeu à l'issue du malheureux.

T'as entendu ce que je t'ai dis ?!
Il sort son poignard pour donner un coup de fouet à la conversation qui ne mène nul part. Il semble évident que le malheureux est mal en point.

C'est la première fois que t'en prends, hein ?

Tu sais reconnaitre un demi-dieu quand tu en vois un.

Si je te débarrasse d'eux pour cette fois, c'est moi que tu rembourseras.

Le deuxième se retourne, cherches son flingue à sa ceinture.

Qu'est-ce que tu dis, toi ? Tu crois que je t'ai pas entendu ? FERME BIEN TA GUEULE LE BOITEUX !

Tu le menaces avec sa propre arme, volée il y a bien une heure de ça, quand il est entré dans la cave.

C'est ça que tu cherches, merdeux ?

Il a la même gueule que la tienne - la première fois que t'y as goûté. Ses yeux le trahissent ; son sourire béat un peu aussi. C'est que tu t'en voudrais presque de l'arracher aux collines verdoyantes des paradis artificiels. Sûrement qu'il s'est joui dessus une bonne trentaine de fois. Juste par jalousie, tu vas interrompre son trente-et-unième moment. Le coup part et la balle se loge dans une des cuisses de vos opposants. Ce n'est pas pour blesser, c'est juste pour faire mal. Tu tires sur ta clope une dernière latte puis écrases le mégot sur la nappe.

J'ai mal visé.

Tu tires une seconde fois, cette fois dans les parties génitales. L'homme se laisse tomber au sol dans un cri de douleur. L'autre, la main encore ensanglantée du nez de ton nouvel acolyte.

Ou de ton nouveau cleps ; ça dépendra de s'il tient parole.

Voilà, aboie pour moi maintenant.

Tu serpentes jusqu'au deuxième assaillant, alors que tu enjambes le premier se roulant toujours sur le sol en se tenant les testicules.

T'approche pas enfoiré !
Il lève son couteau comme s'il était en mesure de contrer la puissance d'un flingue. Amusé par la violence de son désespoir, tu jettes le pistolet à l'autre bout de la pièce.

À mains nues alors.

Fais craquer les articulations de ton cou, le type étires un sourire et te traite de débile. Tu le chopes par l'épaule au moment où il s'élance, envoies ton poing serré se loger dans son visage. Si fort que t'as senti tous les os de son nez se briser. Il tombe, inerte.

J'ai vraiment fait tout le sale boulot.

Il aboit et tu réponds en retour, d'un sifflement audacieux. Les corps jonchent le sol, rendant compliqué les déplacements. C'est au moment où le dernier s'explose sur le béton de la cave que le clébard décide de se relever, à peine secoué de l'affrontement unilatéral. Tu ne t'attends pas à des remerciements à genoux (quoique) ; mais un merci ne serait pas de trop. C'est pas grave, tu as toujours préféré les endettés aux gentils cabots.

Pas si vite.

La veste pleine de frics sur les épaules, il s'apprête à passer la porte. Tu te penches et ramasses le flingue, le fais jouer dans tes doigts avant de le braquer.

J'ai dis, pas si vite.

De toute façon, la porte est verouillée. Tu t'en es assuré avant de faire ton petit numéro. Personne ne sortirait d'ici vivant avec ton argent ; tu ne tolérerais que deux options : des ennemis à terre ou des alliés certifiés.

Donne moi une bonne raison de ne pas t'exploser la cervelle.

Tu t'approches de lui, la canne qui frappe le sol à comme une troisième jambe.

Tu es la progéniture d'un Dieu, toi aussi.

Uses de ton pouvoir d'intimidation, même s'il est moindre. C'est celui que tu travailles le plus depuis que tu sais.

C'est mon argent. Si tu veux ressortir avec, il va falloir le gagner ou le mériter.

Il te donne l'impression de n'être qu'un imbécile heureux - ne ressent ni la peur ni l'appréhension de mourir. Tu fronces les sourcils face à l'énergumène, agacé de mener une guerre que tu n'es pas sûr de pouvoir remporter. Tu pourrais simplement l'achever d'une balle dans l'abdomen et enjamber son cadavre, mais si tu n'as aucun problème pour éliminer la vermine humaine, il te coûterait de te débarrasser d'un des tiens. C'est une question de principe - tu préfères en faire ton chien.

Hm.

Il se traine jusqu'à toi et s'avachit, le bras autour de l'épaule. Tu réfrènes la pulsion meurtrière qui fait frémir le bout de tes doigts sur la gâchette.

C'est donc ainsi.

Tu tires dans sa jambe, à bout portant. Attend qu'il s'écroule au sol pour se tenir le genou dans la douleur et le sang.

Excuse-moi, tu n'avais pas l'air d'avoir les idées claires. Est-ce que ça va mieux ?

Tu l'accompagnes dans le mouvement, accroupi à côté de lui pour lui tapoter le dos.

Reprenons veux-tu ? Qu'est-ce qui mériterait d'acquérir tout cet argent ? MON argent ?

Lui souffles à l'oreille.

Un miaulement ne serait pas de trop, si tu vois ce que je veux dire.

Et il ferait mieux de voir.
Ce que tu veux dire.

Il se gorge d'impuissance, le rire distordu par la clareté de la douleur. Son hilarité est curieuse, elle semble dénuée de peur - ce type accueille le chaos les bras ouverts, pleure juste d'être mis à genoux par quelqu'un d'autre que lui-même. Tu caresses la courbure de son dos comme le fait un maitre satisfait de son animal de compagnie. L'affection stimule le jeu et garde en vie le fils de ; les dieux te remercieront. Tu n'as pas envie de te mettre le ou la pire de toustes à dos.

Félicitations ! Tu as vu juste. Je suis bel et bien le fils d'un chien.

Que Zeus ose gronder au-dessus de vous, te maudire ou te tuer d'un coup de foudre, il sait que sa susceptibilité ne ferait que prouver ton point.
Mais non, ton géniteur préfère s'enterrer dans son déni.
Tu vas donc te laisser tomber avec lui.

Tu as mal ?

Tu ricanes, l'accueilles contre toi s'il veut s'y réfugier.

C'est exactement ce que je veux, si jamais tu en es capable.

Tu as une idée derrière la tête.

Achète donc ta liberté, et soumet toi à ta future richesse.

Ton sourire s'agrandit lorsqu'il confesse avoir mal - tu espères bien, qu'il souffre. Cette balle s'est parfaitement logée entre ses muscles et ses nerfs. Tu estimes, à compter les secondes, qu'il a encore quelques dizaines de minutes devant lui avant de perdre trop de sang, et trois bonnes heures avant que la plaie puisse s'infecter. Tu bénis le temps qu'i vous a été alloué, pour continuer de vous amuser. Tous les deux.

((Tu as de grands projets))
pour vous deux.

Ne te repose pas trop sur mon épaule, chien.

C'est un surnom plus doux qu'il ne sonne à l'oreille. Tu abaisses tes yeux sur le clébard, qui ne discute ni l'ordre soufflé ni l'injonction qui lentement, s'insinue dans son esprit déjà détraqué. Tu n'as rien eu à faire Alastor, seulement à prendre.

Je te regarde.

Il se traine comme un animal malade - mais il n'a pas besoin de jambe pour tirer avec ses doigts, tu le sais bien car tu as perdu l'usage valide d'une des tiennes. À boiter comme ça, il est un peu comme toi.

Les balles partent l'une après l'autre.
Il n'y a que le silence assourdissant du bout portant ; puis ton rire sardonique pour dissiper la fumée.

Haha... Oh ! Non. Qu'est-ce que tu as fait ?

Tu te redresses, debout, le manteau de Samael sur l'épaule.

L'un des deux s'appelait Jimmy Hill. C'est le fils du parrain de la pègre la plus redoutable à Brooklyn. T'aurais peut-être pas dû faire ça.

Tu sors une cigarette de la poche de ton pantalon pour la glisser entre tes lèvres, l'allumer, et en aspirer une bonne bouchée.

J'imagine que je peux te sortir de là. Si tu viens travailler pour moi, je t'offrirai bien plus que ces quelques liasses.

La nouvelle n'a pas l'air de spécialement lui faire peur. C'est une réaction intéressante que tu ne manques pas de remarquer, de graver à l'intérieur de ton crâne pour en faire bon usage dans un futur proche. Tu plisses les yeux, le dévisages comme un maitre témoin d'un animal en pleine folie. Tu serais navré de devoir piquer un tel potentiel - non ce garçon (ou ce qu'il en est) doit vivre et tu le veux à tes côtés. Il te sera forcément utile.

Ne pense pas cela. Ça me blesse. Je n'ai pas pour habitude de garder les diamants au placard.

Tu t'es bien amusé mais le cabot est blessé et tu dois bien lui tendre la main ; l'emmener au loin se faire soigner. Il ne retiendra la leçon que s'il est vivant et tu n'as pas la force de porter un énième cadavre seul à bout de bras.

Ça crache de la thune pour un bon investissement.

Tu marches jusqu'à lui, embrases les flaques de sang qui couine sous tes semelles trop chères.

Rejoins-moi. Ou péris.

Je t'offre du sens.
Et ton pathétisme n'en trouve aucun dans ce tableau-ci.