– Let’s be connected until we’re more one person than two. If things stack up, I’ll be at ease ; no worries here.

cw : slur homophobe ta gueule kian

Entre ses doigts, iel se figure une aube sanglante, dardant de son œil d'incarnat unique les vestiges fumant d'un champ de bataille, tiède encore du sang versé ; à ses pieds s'amoncellent les dépouilles en armes des faibles, qu'il domine en vainqueur. Mais lorsqu'iel écarte les index, déformant ainsi la perspective fantomatique de ses obsessions - ses paumes découvrent une salle d'entraînement déserte, plongée dans une prosaïque obscurité.

Peu importe ! Kian se veut théâtral.e, en dépit des circonstances et de l'absence de ciel. Faisant virevolter sa lance afin de pasticher dramatiquement la mise au défi, elle avance d'un pas en direction de son adversaire consacré.

— Eshal Al-Shennawi - après s'être raclé la gorge - le dos droit, la voix claire ; l'art de faire porter son jeu bien au-delà des frontières ambiguës de l'estrade - moi, Kian Mehregan, enfant d'Hadès, fidèle dévouée d'Artemis, et membre reconnu du clan des Spartes - te défie en ce jour en combat singulier.

Elle sourit, fière de sa lancée. Et puis, se relâchant, pareille à un acteur baissant sa garde : — Et t'as intérêt à prendre ça au sérieux cette fois, où je te bute. T'as compris ? C'est pas qu'un entraînement - c'est de l'art !!

Pour cette fois, Eshal sera son crépuscule. Cette illustre ingérence, célébrée comme telle par les Spartes au milieu desquels il paraît se distinguer avec acharnement - bat parmi eux d'un singulier éclat couleur fauve, que Kian, en pillarde vorace, animée toujours par un instinct de pie voleuse à l'affut des choses brillantes, a remarqué à la longue, malgré l'opacité des désirs mâles et leur prééminence à détruire. Lui met beaucoup de cœur à combler ses attentes, ce qui alimente son insatisfaction ; certaines nuits, iel aurait voulu le frapper pour cela, jusqu'à ce qu'il la supplie ; mais il avait finit par comprendre qu'Eshal contenterait ses appétits sans s'assurer de rien, en lui faisant miroiter la promesse d'une victoire légitime - et comme cela la frustre et l'interroge, Kian s'évertue à le défier régulièrement, dans l'espoir qu'il meurt pour de faux, mais comme il se doit, c'est-à-dire avec honneur. — Ou alors, c'est que t'aimes vraiment ça, te faire tabasser par une fille ? La honte ! Allez, viens là ; j'attends. Elle sait que ses petites provocations sont inutiles, et pour une fois, s'y adonne sans plaisir, par habitude. — Le dernier qui touche l'autre est un énorme pd. Et puis, après une dernière roue de sa lance, elle se jette en avant. — Pare ça si t'as les couilles, loser !  

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— Jamais de la vie ! Plutôt crever !

D'une habile roulade sur le côté, iel réchappe tout juste au coup de l'Enfant Soleil - mais la semelle ennemie frôle la peau grêle de ses genoux, y laissant une traînée de sang pourpre - Kian rebondit à gauche, une main à terre, projetée un peu plus loin. — Même pas mal ! le front haut, les muscles encore tendus ; Kian redoute les ardeurs vermillon de sa propre chair - se refusant à jeter la moindre attention à ses blessures, par laquelle suinte déjà le vif argent de sa faiblesse, iel porte son regard au-devant d'Eshal. Le fait qu'il l'ait effleuré l'enrage déjà ; c'est un sentiment de préservation viscéral, de ceux que l'on ne peut éprouver que sous le couvert des arbres, à flanc de montagne, au beau milieu du désert, ces sentiments qui naissent à même le relief des empreintes animales, lorsqu'on les suit à la trace. Kian secoue la tête - Eshal n'est pas un cerf - noble dans la fuite, expirant le rouge au cou dans le silence admirable d'une mélancolie presque humaine ; Eshal n'a ni bois ni sang bleu. Eshal saignera comme lui !

Prenant appui sur sa lance, Kian se redresse et lance à nouveau l'assaut : — Refais moi ce coup-là et je te défonce ! Pour l'intimider ; Kian va devenir une bête. Le fer s'abat dans un bruit de tonnerre, confond son éclat jusque dans ses os ; iel s'adonne au délice de la férocité — Allez putain ! Tu peux me toucher là ! Pourquoi tu le fais pas ? Je te laisse plein d'occasions ! Tu pourrais me tuer là si tu voulais ! Et leurs deux silhouettes bandées, emportées dans une danse de mort qu'iels conditionnent brutalement, se frôlent sans se toucher ; l'ombre osseuse de Kian contre le couvert ramifié d'Eshal, l'une se jetant contre le bois de l'autre à grands cris. — Puisque c'est comme ça, c'est moi qui vais te buter ! Un sourire aux lèvres ; le sourire du chien de chasse obstiné, sûr de sa récompense.
( au fond, comme iel aime les manières chaleureuses avec lesquelles Eshal accueille sa violence ! Les bras toujours grands ouverts à sa perte, il honore les coups qu'on lui porte avec humilité, presque en disant merci - et kian déteste l'aimer en sa modestie pernicieuse ; et kian le déteste parce qu'il fait en sorte qu'iel l'aime d'un amour animal ; iel sait qu'il la laisserait le tuer. )

Se frayant un chemin dans sa garde, tentant d'en atteindre à son cou, Kian redouble de ferveur rageuse. Il ne sourit plus.

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Oui, ce n'est plus drôle.
A l'instant même où Eshal capture sa lame, Kian comprend qu'iel s'est laissé dépasser par sa propre comédie. Iel le comprend, parce qu'Eshal a pris la peine jusqu'ici de l'exciter avec ses cris- le genre de cris qui résonnent avec la force des cors dans les sous-bois, et dont l'écho dissolu dévale la montagne, entraîné par le poids d'une ineffable gravité. Kian comprend qu'Eshal a fait exprès d'ouvrir sa garde ; et il lui offre son cou avec cette grâce caractéristique des animaux blessés, à qui l'on prête un sens grandiose du sacrifice.
Kian s'entend respirer fort ; c'est la respiration de la chasse, que l'on cale sur le rythme de la traque - la foulée des animaux et la vitesse de frappe. En Eshal iel aperçoit les contours de toutes les carcasses du monde ; celles dont elle n'a jamais pu entendre la voix, malgré tous ses efforts ; celles, donc, qu'elle n'a jamais pu entendre dire "je te pardonne ; je te pardonne de m'avoir tué".
Eshal est une proie qui parle - c'est un homme. Il lui dirait probablement "je te pardonne" ; et cette projection précise nourrit en Kian la naissance d'un sentiment de répulsion insupportable.
Kian s'est surpris.e à appuyer plus fort ; iel voit le sang jaillir d'entre les phalanges, ce sang noir et bouillonnant qui ressemble à de la lave en fusion ; iel constate avec dégout et horreur qu'elle était prête à le tuer - par réflexe, par habitude. La réalisation lae fait revenir à ellui - dans ses membres, dans sa chair, que l'immortalité a nécessairement détaché du corps commun de ceux qui souffrent et qui aiment souffrir. Contrairement à Eshal, Kian n'aime pas avoir mal, et Kian n'attend pas qu'on la punisse ; Kian se charge de la justice en sa qualité d'ange aléatoire. Mais il y a ce bout d'homme honorable qui l'harangue et la défie du regard ; ses prétentions d'équité lui paraissent, à la lueur ravivée de l'abnégation d'Eshal - terribles et dégoutantes.
Sa poigne s'affaiblit ; qui a-t-il de différent entre Eshal et les autres ? Le fait est qu'Eshal veut mourir ; cela, iel en est sûr.e, à présent. Les autres, eux, ne veulent pas mourir ; ils crient, ils supplient, ils se cherchent des excuses. Eshal lui, ouvre grand les bras à l'approche de son exécution, qu'il accueille comme un sacre. Il fait en cela preuve d'un courage que Kian n'oserait pas même envisager ; car Kian ne connaitra jamais la mort et ne connaîtra donc jamais l'Enfer - iel existe, en vertu de sa genèse, de manière paradoxale. Kian est jaloux d'Eshal qui peut mourir à tout moment, et qui le réclame.

Prestement, elle laisse là sa lame et l'attrape par le col ; les chasseresses d'Artémis sont plus fortes que les hommes, et plus forte que certains dieux ; mais ici, dans le domaine circonscrit du vivant, sa force ne lui sert à rien. — Espèce de débile ! Espèce de gros gros débile, putain d'imbécile de merde ! Tu te rends compte de ce que tu dis ? Est-ce que t'es fou ? Réponds-moi ! Iel le secoue très fort, en espérant peut-être qu'il s'évanouisse au sens figuré - comme la poussière ou les saisons. — Putain d'idiot ! J'en ai trop, trop marre de toi ! Je t'avais dit de prendre ça au sérieux - et toi... toi ! on rigole pas avec ça putain ! on rigole pas avec la mort !

Voilà qu'iel pleure ! C'était à prévoir. Ses larmes se mêleront tôt ou tard à la pourpre assombrie de son sang, et scelleront le pacte distant d'une destinée commune le temps d'un court instant. — Prends ta vie au sérieux, merde ! Tu crois quoi au juste ? Moi, j'allais vraiment te tuer ! Moi, je t'aurais envoyé en Enfer ! Je déteste les gens inconscients comme toi ! Je déteste les gens qui peuvent mourir quand ils veulent et qui prennent ça à la légère ! Ca m'énerve ! Ca m'énerve trop, trop trop ! Je vais vraiment te tuer ! Iel n'en fera rien, et sait qu'Eshal, depuis le piédestal de sa naïveté morbide, le sait aussi. Comme iel n'y peut rien, iel lui donne un violent coup de tête au beau milieu de la figure.