la nouvelle est arrivée comme la fumée : épaisse, puante, noire
il y a le feu, qu'iels ont dit ! il y a le feu et tout ce qu'il reste brûle alors, il y a le feu et je regarde le reste des ruines, c'est la fin, il n'en reste rien, c'est fini fini fini terminé rangé débarassé désolé putain c'est qu'un endroit mais je pleure parce que reste-t-il ? ç'aurait pu être un rêve pour tout ce que l'on en sait, il n'y a aucune preuve ah on m'a tout pris et je regarde le plastique fondu comme si j'avais tout inventé comme s'il n'y avait aucun coffre-fort comme s'il n'y avait pas mon bureau le stock de mes boissons nutritives comme s'il n'y avait pas le matelas sur lequel on dormait comme s'il n'y avait pas les souvenirs de précieux qui s'excuse comme s'il n'y avait pas les souvenirs de nous qui devenons ce que nous sommes, ce que nous étions jusqu'à il y a quelques minutes
ma maison a brûlé
et c'est mon adelphe qui y a mis le feu.
je reste parce qu'il le faut, parce que sinon iels me suivront oh iels le feront de toutes manières mais peut-être que ç'aura l'air moins suspect alors j'attends j'attends j'attends tout est trempé il y a de la fausse neige de partout et des restes de rien, non-identifiable, pire encore que mes sentiments qui brûlent encore
quand il est temps je m'en vais
je ne perds pas le nord, j'y vais, je marche, j'envoie un message à jun et je sais que c'est injuste mais je suis en désordre en pagaille en bordel depuis l'autre jour et il sait je crois que j'ai besoin d'hurler de respirer de détester les gens
mais toi
comment est-ce que je pourrais y arriver ?
qu'est-ce que t'as foutu ? l'accusation file elle n'a pas le temps de patauger dans le doute elle te pointe du doigt et tu ferais bien de ne pas oser la dévier parce que c'est toi, non ? je te connais trop, essaie pas de mentir, essaie pas t'y arrivera pas, et si tu mens -si tu mens c'est fini, je te jure mars, c'est le moment où j'enlève tout ce dont je n'ai pas besoin et j'ai cru un instant que j'aurais--- que tu--- qu'on aurait pu s'aider ! moi j'ai cru que ça ne te ferait rien, moi j'ai cru que tu t'en fiches des monstres et des Hommes, moi j'ai cru qu'on valait plus que ça a à tes yeux, moi j'avais foi tu vois, même si visiblement tu ne m'as pas tout dit déjà.
je sais ! je sais que je t'ai menti aussi mais c'est pas pareil parce qu'en t'en as rien à faire de ces histoires-là, je le sais, je le sais,
moi ça me fait du mal que tu m'ai caché ta mort
moi ça me fait du mal que t'ai brûlé nos symboles
moi ça me fait du mal que d'être en colère contre toi.

je n'ai plus de patience, je n'ai plus de patience pour le monde et on aurait pu croire que t'en faisais pas partie, mars, parce que t'aurais été ailleurs (dans mon cœur) mais non, non, t'as explosé ces choses-là en même temps que tes mots et les structures de notre chez nous, NON ! t'as pas le droit de dire ça ! t'as pas le droit quand tu disparais comme ça te chante quand tu viens et repars quand déjà je restais chez jun parfois quand jamais ça n'a voulu dire que je ne t'aimais pas
c'est la peine qui me fait lever la voix
alors ça y est, hein ? tu dis enfin tout ce que tu penses, t'as dû faire semblant longtemps, mars ? était-ce une torture, mars ? est-ce que tu voulais te barrer depuis le début, mars ? tu me fais pas confiance ?? TU ME FAISAIS PAS CONFIANCE ? parce qu'il n'y a plus que le passé qui fait sens,
excuse moi de pas t’avoir envoyé de messages alors que j’étais en séance D’INTERROGATOIRE ! Alors qu’on FOUILLAIT MON ESPRIT ! excusez, monsieur, de ne pas vous avoir lié à quoi que ce soit pour m’assurer que tu restera SAUF-VE ! pour m'assurer que RIEN NE POURRAIT T'INCRIMINER ! POUR TE LAISSER TA LIBERTE ! pour pas que tu sois comme moi, je sais que tu le supporterais pas -mens pas ! mens pas mars, je sais que tu t'accroches et je ne le comprends pas, je ne le comprends pas parce que je ne le mérite pas
je me suis rapproché en même temps que je criais, on est si proches mais si loin, si loin, peut-être que je hurle pour être sûr-e que tu m'entendes de l'autre côté des montagnes, du gouffre qui nous sépare -priant pour que l'écho de ta colère ne déforme pas mes mots, c'est que même maintenant j'aimerais juste m'échouer entre tes bras, dormir dormir dormir
mais quand tu lèves la main ce n'est pas pour m'enlacer
je la regarde, là-haut
je n'y crois pas
pendant un instant le silence revient
le gouffre a grandit
je ne te le pardonnerais pas, mars
t’as voulu me frapper ?? T’AS VOULU ME FRAPPER MARS ? C'EST CA QUE TU VEUX ? je reviens à la charge, mes yeux disent VAS-Y VAS-Y VAS-Y VAS-Y VAS-Y VAS-Y VAS-Y VAS-Y ose, OSE LE FAIRE VAS-Y et mon corps mon coeur qui s'avance, enfin tu sais quoi ? PAS BESOIN ! pas besoin, t’as déjà fait ce qu’on pouvait faire de pire, t’inquiètes, pas besoin de me frapper parce que t’as déjà détruit notre chez nous, j’ai compris, ok, c’est bon ! t'en as rien à foutre que je sois encore vivant-e, que j'ai pas été exilé-e, tout ce qui t'importe c'est que je t'ai pas prévenu-e ?! putain GRANDIS MARS, y a des choses plus graves dans la vie, réveille-toi ! les mains sont en l'air aussi, mais elles ne disent rien d'autres que la frustration, que la fin de l'amour comme on l'a connue ça sert à rien, je m’en vais, je m’en vais et je reviendrais plus ! de tous les gens, je pensais pas que TU tournerais ton dos, mars. t'es vraiment--- je ne finirais pas cette phrase parce que ça me fait mal, ça me fait mal de penser je t'ai tout donné parce que ça prouve juste ma mauvaise foi, parce que j'ai tord, parce que tu m'as tout donné aussi
je me retourne, m'en vais, je l'ai dit ! juste avant, je te regarde une dernière fois, et je te dis, droit dans les yeux : et, oui, je te dénoncerai. je suis tout le temps surveillé-e. iels fouillent ma tête. iels le sauront, oui. je ne vais pas leur mentir. je ne le peux pas. ça ne me concerne plus.

voilà : c'est ce que tu voulais ? j'ai tout abandonné moi aussi
il y a derrière toi les ruines d'un bâtiment, et dans mon dos celles d'une famille ; on marche en sens inverse, on s'éloigne de ce qui était nous et on ne regardera pas en arrière
voilà ! c'est fini
J’AVAIS PAS LE CHOIX MARS. C’ÉTAIT ÇA OU M’ENFUIR DE L’ÎLE, t’aurais voulu que je te laisse ? parce que c’est pas ce que j’ai fait. j’ai décidé de ME livrer, de rester, pour jun, pour toi, pour les gens qui sont morts, si je te prévenais tu devenais complice, si je te prévenais t’aurais pu me convaincre de partir ! non, je pouvais pas faire autrement, pour une fois j'ai fait ce qui est bien
et, ah, c'est pas notre fort ça, hein ?
je ne dirais pas que c'était bien, à vrai dire je ne dirais jamais rien dessus
c'est comme précieux : je serais en colère mais je ne dirais jamais pourquoi
je mettrais tout ça dans mon armoire, derrière un faux fond que personne ne soupçonnera
je ne l'ouvrirais jamais ; ça me suffira juste de savoir que tout est là-bas
dans une jolie boîte
qui pourrira
en même temps
que mes os.
mais non
non, même ces souvenirs-là, tu me les refuses
j'aurais voulu dire c’est que du matériel ! on s’en fiche ! on aurait aéré ! on aurait repeint les murs ! on aurait changé les meubles ! l’important c’est que t’aille bien ! que je sois pas putain de mort-e !
mais tu m'empêches de m'inquiéter pour toi quand tu menaces mon corps en plus de mon cœur
je m'arrête (lui aussi)
on te regarde
déçu-es.
on ne comprend pas, je crois
les murmures crient
il fait froid
les voix veulent t'étrangler, elles me le disent droit dans mon cerveau et mes propres pensées font des échos à ces chants déplacés
pendant un instant je ne fais rien
que peut-on faire face à cet aveu ?
c'est le bruit du bras heurtant le sol qui rompt le silence
je n'ai pas besoin d'enlever la bombe, mars
je peux vivre sans ton bras, mars
regarde ! j'en fais pousser un autre
tout fait de bois, loin de tes rêves de machines
est-ce que tu me détestes ? est-ce que tu rages que je ne sois plus à toi ? que je n'ai pas besoin de toi ? (c'est ce que j'aimerais croire mais c'est faux)
je suis obligé-e d'y retourner. c'est là le fardeau de vouloir vivre avec les gens normaux, celleux qui n'ont d'autre ambition que de vivre demain encore, qui n'ont pas le sacrifice que nous avons pour nos égoïsmes, qui ne comprennent pas qu'un mal peut amener à des biens
je leur appartiens car je te voulais libre
tu t'es condamné-e seul-e, mars
iels vont savoir, et après quoi ?
sans me baisser, je ramasse le bras de fer -le mien, de bois, est anormalement long
j'imagine qu'on l'enterrera, qu'on le mettra six pied sous terre, et par dessus j'écrirais en épitaphe : mars et solan - 2021 à 2024 ; je dirais au monde : cela a existé, et n'existe plus, continuez de marcher.
j'ouvre la cache à araignée, réveille son occupante, l'invite à rejoindre mon corps de bois
il n'y a plus rien qui vivra dans ton bras.
alors, voilà, nous y sommes
le cœur brisé à nouveau
je n'ai plus envie de me disputer avec toi
j'imagine que cela veut dire que j'ai abandonné.
t’oses me faire la morale alors que tu m’as fait bien pire. ce n'est pas une question,
je n'en suis plus à ce stade, c'est une reproche,
une derrière chose avant la fin
mes recherches ne me concernaient que moi. je t’ai protégé-e en séparant tout ça de toi. mais toi, tu fais ça ? moi je te protège et toi tu me menaces en fait, tu m’as jamais fait confiance. c'est dit avec un haussement d'épaule, comme on dit qu'aujourd'hui il fait beau -j'ai l'impression de ne plus être moi, mais moi si, mars. moi si. mais plus maintenant. c’est fini. c’est trop tard.
les yeux bordés de larmes
que reste-t-il à dire ? le cœur pleure.