Alors c’était elle ! La traîtresse dont il parlait tous, dont les étamines des pissenlits qui réussissaient encore à pousser dans les creux du béton t’avaient chuchoté le nom.
Tu ne t’attendais pas à ça.
Tu ne sais pas trop, à dire vrai, à quoi tu t’attendais. Peut-être à quelque monstre de femme aux yeux plein de fureur, à une de ces forces de la nature ceintes de foudre et de charbon ? Tu n’aurais pas pensé, en tout cas, à ce petit bout de fille qu’on a faite, comme toi, pour n’être jamais grande, jamais vieille, jamais laide. Elle n’a l’air de rien, au moins de pas grand chose ; pas l’air loyale ni même reconnaissante, l’air de quelqu’un qui n’est là que par nécessité et qui n’aura pas besoin d’excuses pour s’éclipser.
L’air, surtout, de quelqu’un qui ne sait pas.
Parce qu’elle ne sait pas, Dionne, où elle a posé les pieds, elle n’en connaît encore ni les codes, ni les règles, elle n’a pas encore senti vibrer ton écorce sous les pans de papier peint la nuit, quand tout se tait.
Elle t’aborde comme si elle te connaissait.
Elle te parle comme si elle savait ; ce que tu faisais ici, ce que tu voulais.
Comme les autres, elle ne récolte que la foudre de tes yeux et un grognement rêche, tandis que tu daignes relever la tête des plans que tu as dérobés dans le bureau du maître.
“Partir avec vous ? Ah ! Pourquoi faire ?” Et c’est dit presque en riant, avec incrédulité, alors que tu la toises sévèrement, que tu détailles le désordre de son allure, l’abattement de ses traits.
“Je suis pas une proie comme vous, moi. Fuyez, allez vous cacher, si vous avez peur, c’est pas moi qui vous retiendrai… Quitte à être un chien, je serai pas le vôtre.”