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| the carnival is over, nana Mer 14 Fév - 6:40 we never found the answer but we knew one thing, we all have a hunger Précieux n'a pas les mots pour exprimer son soulagement de la voir de l'autre côté des barreaux. Son visage s'est naturellement illuminé comme les premières fois qu'il l'a découverte, comme chaque fois qu'elle parlait, comme chaque fois qu'il l'adorait, sans crainte de l'excès parce que les êtres immortels ne connaissent pas cela.
Nana est celle qu'il a plus aimée. De manière quantifiable, de manière excessive, de manière romanesque, lui sauveur, elle sauvée, lui sauvé, elle sauveuse - leur amour ne connaissait que les limites de la mortalité. Et s'il l'avait plus regardée, ces derniers mois, s'il s'était dédié plus assidûment à la ferveur qui les rejoint, s'il était venu davantage à l'amphithéâtre la regarder depuis le public puis sur la scène même, assis à même les planches, sans crainte de briser le quatrième mur, il n'aurait pas fait défaut à leur amour en programmant sa mort. Nana... Tu es venue. Il s'est relevé pour elle (elle reste plus grande que lui), il a accroché les barreaux de ses mains, pour elle, il la regarde et cela lui donne envie de pleurer de regret pour la première fois depuis qu'il est ici ; le lieu est froid, lointain, hors-du temps, cela ne les honore pas. Peut-être sont-ils encore plus beaux dans ce désert. Elle l'est toujours en tout cas, de la même manière qu'elle occupe même les scènes les plus vides selon lui. Je suis désolé, de toute évidence, je ne pourrai pas être là à ton prochain anniversaire. M'en veux-tu, Nana ? Es-tu en colère ? Tu es la seule personne que je voulais voir. J'avais peur que tu ne viennes pas, vraiment, peur. Il se déverse et c'est une litanie qui a toujours eu la même sincérité avec elle - car elle est irréelle, car elle est adorable et aimable, les deux dans le sens de l'amour et qu'elle est la promesse qu'il regrette le plus de rompre si vite. Ils le savaient mortel. Il n'était qu'un instant dans sa vie. Mais ses yeux supplient de ne pas être oublié. Pas de Nana. | | | | |
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| the carnival is over, nana Mer 14 Fév - 10:51 Ici, rien ne pousse : la lumière du jour arrive filtrée et blanche, froide aussi, et à même la pierre, rien ne peut naître. Si elle avait trouvé Précieux mort, Nana l’aurait fleuri des offrandes appropriées qu’on accorde aux hommes qu’on aime ou que l’on a aimé — des anémones, des ancolies, des pavots, des fleurs mauves et larges qui habillent les espaces creux laissés par le défunt. Précieux n’est pas encore mort, et Nana ne sait pas s’il aura une tombe ; et peut-être qu’elle ne sera pas de celles sur lesquelles on se recueille. Dans la prison, elle pleure son grand amour : peut-être que ses larmes, sel d’une terre archaïque où tout était plus beau, nourriront assez le sol aride pour en tirer des fraisiers ou des vignes, qui écriront son nom.
Nana veut que Précieux la voie en deuil ; c’est leur dernière tragédie. Elle n’en aime pas le décor, mais compensera ces manques par la qualité de son jeu — ses sanglots agitent ces épaules, rougissent ses yeux, et elle donne à la tristesse son corps entier, tout entier, comme on le fait dans la transe. C’est, pour lui, son dernier cadeau.
Elle se souviendra de lui comme elle se souvient des autres : avec la tendresse qu’on donne aux choses brillantes et sans valeur dont on peine à se séparer. À la liste infinie de son Amour, elle ajoutera son nom, Précieux Martin, et elle le pleurera le soir, à l’heure de la prière, quand le temps est doux.
Nana est amoureuse de Précieux Martin.
Elle pose ses mains sur les siennes, qui accrochent les barreaux, et le regarde comme on regarde un animal promis à la mort — avec beaucoup de pitié. Elle s’accroche à lui : le puit de lumière dessine un arc de cercle sur le dos de ses mains, et ses doigts se mettent à luire en transparence avec les moires verdâtres des insectes. Ployée ainsi, son visage surplombe celui de Précieux, qui la regarde comme on regarde les statues de la Vierge ou du Christ, et c’est comme s’il priait. Nana a les joues rouges à force de pleurer, c’est le rouge naturel qu’on trouve au cœur des fleurs, ou quand on écrase des fruits. Je ne suis pas en colère. Je suis très, très triste. Voudrais-tu t’enfuir avec moi ? Il faut mentir aux choses moribondes. Nana n’avait jamais sauvé ses amants, et ne ferait pas à Précieux cet affront : la mort est une bénédiction pour les créatures si jeunes, et ainsi, dans ses souvenirs, il sera toujours beau. Tu vas me manquer.
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| the carnival is over, nana Sam 17 Fév - 6:18 we never found the answer but we knew one thing, we all have a hunger Leurs mains unies sont un signe évident de tendresse entre eux. Cela relate de l'élégance de leur amour, du drame, de leur amour, de la théâtralité, de leur amour, c'est sûr ; et cet amour courtois et délicat ne se fait certainement pas dans la colère. Même à la fin, même à la mort. Peut-être après mais pas pendant et pas avant et surtout pas envers celui qui s'apprête à mourir.
Il se rappellera du rouge jusqu'à la fin, il se le promet : il veut que le rouge des joues de Nana qui a trop pleuré surpasse celui de son sang qui finira par couler. Il veut y penser quand il le verra avant de mourir, alors il le détaille, s'y attarde particulièrement, en fait un motif majeur du long instant que sa mort représente, et le garde contre son coeur. Non, je ne veux pas. Ce serait leur donner raison, tu ne crois pas ? Ils finiraient bien par me tuer, à la fin. Cela ne vaut pas la peine. Je préfère mourir ici peu importe le temps que cela prendra, au moins je peux te dire au revoir. Et elle peut, dès l'instant qu'elle quittera le Cénéas, penser à lui et faire son deuil. Il lui sourit et une de ses mains se détache pour venir cueillir ses larmes, lui cajoler la joue. Tu reliras mes lettres. Et puis tu continueras à penser à moi jusqu'à ce que cela te lasse quand tu passeras devant mon bureau. Tu viendras à mon enterrement, dis-moi ? Il dit plus bas et il regarde ses joues, encore, puis ses yeux. Pourras-tu m'embrasser avant qu'ils se débarrassent de mon corps ? Je veux que tu sois la dernière personne à m'embrasser. Il veut que ce soit la dernière personne à l'éprouver, même rigide et froid ; c'est une question d'intention. Il ne sera mort qu'à partir de là, pas avant. Et il pourra dire qu'il a été embrassé, finalement, par l'une des plus belles créatures de l'humanité. Une de celles qui transcendent le temps et avec cela, la notion de vie et de mort. Son baiser serait une bénédiction. | | | | |
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| the carnival is over, nana Ven 22 Mar - 0:15 Le rouge irrégulier de ses joues est celui des grenades qui poussent en grappes dans les arbres sinueux du bassin méditerranéen, où elle n’était pas née mais où la transe l’avait portée, quand elle priait encore l’Olympe avec la peur et la tendresse qui incombe aux filles de basse naissance. De ses doigts blancs et longs, elle avait fendu la peau dure des fruits pour en faire couler le jus, qui ressemblait au sang, et qu’on versait comme du vin sur le sol froid des temples — c’était le souvenir d’une vie servile, où ses lèvres roses disaient encore aux dieux les prières qu’elle réservait maintenant aux hommes.
Sa jeunesse avait le goût du sucre des fruits mûris au soleil, et l’odeur d’agrumes et d’olives propre à la côte grecque. Précieux, lui, n’avait jamais connu tout ça : elle aurait voulu le lui montrer. Je ne suis pas prête.
Cette acceptation qu’avait Précieux d’une mort jeune et tragique était pour Nana une consécration — c’était la promesse d’infini et de divin qu’elle demandait de ses amants, qui ne pouvaient mourir laids et consommés d’une vie de vice. Il fallait partir ainsi, avec éclat et dignité, fort d’une vitalité qui servirait de terreau aux tragédies : elle tiendrait un rôle clé dans la mort de Précieux Martin, et ça serait très beau.
Nana voudrait dire : je ne t’oublierai pas. Nana ne voudrait pas mentir à Précieux au soir de son existence. Je penserai à toi tous les soirs, jusqu’à ce que je finisse par t’oublier. Il ne resterait rien, un jour, du monde que Précieux avait connu — il ne resterait qu’elle. Elle ne garderait rien, alors, de sa mémoire quand viendrait le jour où les murs qui avaient abrité leur amour seraient réduits à la poussière.
Il s’agissait là d’une fatalité nécessaire, et Nana le savait : ils étaient déjà des centaines, dans les limbes de l’Histoire, à avoir versé leur sang pour elle. Elle ne s’en souvenait pas.
Elle fleurirait sa tombe d’iris, de crocus ou de jonquilles, pour qu’ils continuent de fleurir quand elle ne viendrait plus y prier.
Nana donnera à Précieux Martin l’extrême-onction qu’il lui demande : elle avait déjà embrassé des cadavres, et n'avait pas peur des lèvres froides, rigides, qui rencontreraient les siennes encore pleines de vie. Il resterait ainsi pour toujours un peu de Précieux Martin dans le monde des hommes, éternité infime que Nana offrait à ses amants. Je viendrai, je serai là, et je pleurerai, et je t’embrasserai.
Elle détache ses mains des barreaux pour les déposer sur ses joues, et tracer la courbe d’un calice qui contiendrait sa tête — c’est un nouveau saint Jean-Baptiste. Je t’ai aimé, Précieux Martin.
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