Affamée par la Gloire, tu en viens à oublier que des gens t’attendent.
Divine.
Bras ballants, sourires vivants, rires d’enfants.

Mais ce n’est pas de cette vie dont tu te réclamais, malgré l’amour que tu leur portais. Non, cette vie était pour les femmes et les hommes, toi tu étais Divine. Fille de personne, chienne d’aucun dieu et pourtant, bénie par ceux qui voient en ses pas l’héritage d’un sang dont la fulgurance ne pouvait pas être maîtrisée.

Des grands nords, tu avais poursuivi le Lion.
Il n’était pas féroce, fuyant et grognant, attaquant quand la lune couvrait le soleil de sa poitrine stérile. Encore et encore, tu avais pansé tes plaies et tu l’avais suivi. Un croc fut arraché, volé pendant que la bête hurlait sa violence.

Brave bête, tu avais la rage Divine pour l’éternité que ton nom devait porter. Peu importe combien de peaux de Némée pouvait t’ôter, peu importe combien de sang pouvait couler, tu rameneras sa peau à la lueur des torches et des flambeaux de Nausikaa. Enfin dans la ville maintes fois parcourue de New York City, tu le bloquais.

La lune n’était guère dans le ciel, il ne restait au dessus que ces lumières artificielles chassant Pléiades et constellations. Il ne reste que toi et lui, le croc à la main dont l’éclat se réfletait nulle part. Essouflée, bridée mais tremblante, tu entonnais le dernier arc de ta marche.

Divine.

-Je suis Divine de Guisé. Enfant de Personne, soeur de nulle part. Lion de Némée, fils d’Echnidna la mère des monstres et de Typhon le Géant de Sel. Je te renverrai dans les affres de ton foyer, là où tu ne devrais jamais t’éloigner. Le monde n’est pas fait pour toi.

Tu rugissais, et enfin.
Tu sautais.
Bondissais.

Aucune stratégie ne guidait tes pas, juste la satisfaction d’une chasse enfin fructueuse.


 

Une vie convenable ? Tu aurais pu t’ébrouer d’un rire mesquin si ton corps ne brûlait pas autant de cette adrénaline addictive, si le moindre de tes nerfs n’hurlaient pas son désir absolus d’agir, de manier ce corps mannequin de ta volonté suprême.

Il prenait l’habit et le visage du plus simple des hommes, chevelure rousse et mine brillante par la peine de se savoir bientôt mort, et tu ne t’en souciais guère. Non, Divine, de vous deux, tu étais celle qui avait le plus de désir pour la mort. Plus de désir pour le sang versé. Combien d’années avais-tu passé étouffer derrière des bureaux et des papiers, à rêver de ce moment où ce corps fait pour combattre, affiner pour la violence pouvait enfin servir.

Lion de Némée n’était qu’une figure, une poupée de son et de paille vidée des volontés et des rêves. Elle voulait le tuer pour enfin naître, et il était un enième monstre, une figure contre nature, un enfant de la chienne des dieux. Le tartare était son berceau, n’était-ce pas là un acte de bienveillance que le retourner à ses couches et à ses hochets?

Tu roulais sur ton épaule, dents dégaînés comme ce poignard à ta hanche, tiré.

-ON A PEUR, LION?

Tu hurlais presque ces mots. Peu importe qui entendait les éclats de ta voix, tu ne désirais que de t’imposer face à ce monde indifférent.

-Ne réponds plus de rien, bête. Tu n’es pas fait pour une vie normale, dans mon sang et dans le tien, il y a qu’un seul ordre.


Dans un hurlement sans humanité, tu sautais. Enfonçait le croc volé dans son bras et à deux pas de lui, leurs souffles mêlés, tu annonaçs doctement cette vérité inscrit en eux :

-Tuer ce qui n’est pas de notre race.

Arrachant le croc, d’un coup de vent, tu reculais de quelques pas.

 

Voici ce pourquoi ils étaient tous fait, monstres et demi-dieux unis dans la violence des choses. Ils étaient ici pour mourir ou tuer, c’était les lois de la chasse la supériorité grotesque de leurs existences sur le destin des Moires.

Alors de la résignation dans les yeux de ta cible, de la colère, ses émotions dont le Lion se revendiquait ici et maintenant t’importait guère. Le remord n’appartenait qu’à ceux de ton espèce, Divine.

Alors qu’il ose s’approcher de toi, qu’ils accomplissent la danse auquel ils étaient destinés. Mais tu serais celle dont la force et l’audace porterait le coup final, comme Heraklès avant toi, comme ceux que ton nom devra inspirer.

Les voix des soldats du futur t’encourageaient, quand la bête vit l’arme désignée en ton poing serré, elle perdit pied, sautant sur ton corps.

La guerre, la mort, la violence, la lutte
Enfin.

La mort t’excitait plus que les clameurs de la foule, car face à l’ultime obscurité, tu te sentais enfin capable de hurler ton souffle à la face du monde. Le lion montrait enfin le premier faciès de sa monstrueuse apparence et d’un coup de pattes dont tu ne vis pas la provenance, ton corps fut marqué une première fois.

Une cicatrice dont tu pourrais raconter l’origine à tes fils, soufflais tu pour éloigner la douleur de ton esprit angoissé.

-LION.

Tu scandais, te donnait des forces.

Le croc retiré de la plaie, tu l’enfonçais à l’aveugle dans la chair. Profitant de la pagaille des corps, tu te saisis de ce qui est à la fois bras et pattes pour envoyer sur le côté l’être mythique. Car tu avais décidé que sur sa carcasse, tu allais marquer ton nom et ta gloire.

Lion de Némée, tu as été vaincu par Divine de Guisé.

 

Enfin l’exaltation de la chasse fructeuse hantait tes tripes, enfin l’appel du sang guidait tes pas. La nature suprème d’être ou de devenir, la lutte infinie entre la passivité et l’activité guidaient ses pas. Il s’essayait enfin à revêtir les apparats de l’adversaire.

Lion de Némée!
Tyran des cités antiques, chien à la solde de tant mais précieux de nuls seins, enfin, il offrait à tes yeux la grandeur de sa véritable apparence. Tu voyais le lustre de sa carcasse bientôt acquise, toi qui hurlait de la douleur de sentir ta chair percée.

Mais la douleur, l’exquise peine d’être soumise à cette réalité matérielle ne saurait te déterrer de cette volonté de le faire chuter.

Tu serrais tes dents usés par les coups subis, étouffait le hurlement pour en faire qu’un fin ruisseau terne de gémissements avant que d’une lame de vent tu fis valser celui dont la griffe blasphémait et bénissait ta chair. Le sang suintait, parade écarlate sur le sol souillé de ce béton lissé. Ta main par l’automatisme de la survie se déposait sur la chair, maquillant de rouge avant que tu en l’agitas.

-BETE. Viens ! Rapproche toi, Chaton d’Hera! Toujours aussi aigrie de voir le mari de ta courroucée de maîtresse s’amouracher de mortels ?

Tu le provoquais, t’amusais de ce passé pathétique dont il était le triste sire. Et tant qu’il s’avançait à grandes enjambées de ce qui pourrait être ton fumant cadavre, tu te saissis de ses babines. Et par la violence et les prières à tout les dieux des cieux, tu tirais, arrachais, voulant détruire cette bouche déjà trop rassasié d’hommes.

Un croc de plus,
Un sourire sur la face de ce lion,
une douleur comme façon d’écrire ta gloire,
Divine.


 

Il cédait face aux assauts, bête déjà vaincue gloire déjà écrite. Tu voudrais que la chasse soit de celle dont la mythologie pouvait trembler de, mais cela ne le sera pas.


Il déchirait ta chair, exposant tendons et muscles sous son impétueuse griffe. Tu hurlais de la douleur et de la colère de voir ton corps ainsi désacralisé. Alors par trois fois, tu frappais.

Gueule,
pattes,
ventre.


Tu frappais de tes poings dardés, tu frappais de ta haine, de ta colère, de ce désir impératif d’être sans jamais devoir sacrifier de devoir. Cette colère contre ton père entraînait les crins, le sang tâchait tes mains et tes yeux.

Rouge, tu voyais rouge.
Le lion ne beuglait plus pourtant ta main plongeait pour jouer de ces tendres cordes vocales.

Les pattes s’arrachaient sous le croc, laissant la fourrure sur le sol.


Le ciel se mit à pleurer, gorgeant les tripes de l’eau salée des larmes des cieux.

Et tête lêvée, tu brandis la bouillie hideuse, le corps dévasté de l’objet de ta colère.

-Pour vous, DIEUX.


Nul orage ne fendilla le ciel.
Nul gloire.
Juste la sensation d’être devenu un monstre.