Fidèle à la promesse liée par écrans interposés la nuit passée, Veselin, voyant l'heure approcher, termine de se préparer. Ce rituel pourtant simple lui prend maintenant plus de temps qu'avant. Fini, les camarades de la colonie suffisamment serviables pour se faire ses yeux et pointer une chemise mal mise, ou des lacets mal noués. Désormais, il doit assumer seul ces choses presque insignifiantes du quotidien, et se débarrasser de l'habitude de la vie en communauté – une tâche bien compliquée, lorsque cela représente enfance et adolescence dans leur entièreté. Cet appartement qu'on lui a assigné depuis son emménagement à Olympus District, il a du mal à le considérer comme le sien, et plus de difficulté encore à s'y sentir bien. Tout semble vide, froid, solitaire.

Heureusement, aujourd'hui il n'aura pas à y penser, pas à s'en soucier. Aujourd'hui, il n'est question que de célébration, et avant tout, de retrouvailles. L'enthousiasme lui rend le pas léger, et c'est avec le cœur enjoué qu'il chemine à travers les allées de son nouveau district, sa canne blanche lui ouvrant la voie en cliquetant sur les pavés. En approchant le district voisin, sa méconnaissance des lieux l'oblige à demander sa direction à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'il parvienne enfin aux abords de l'arène. Il s'écarte alors du passage pour se tenir sur le côté, un peu impressionné par l'animation qui résonne tout autour de lui. Appuyé sur sa canne, qu'il tient cette fois bien droite, il attend patiemment, sachant pertinemment qu'en un lieu qui lui est ainsi aussi peu connu, c'est son ami qui viendra à sa rencontre.

Peu de temps s'écoule avant qu'il n'entende distinctement au-dessus du brouhaha environnant son surnom crié à plein poumons, ainsi qu'une cavalcade vers laquelle il a à peine le temps de tourner la tête qu'il se sent soulevé dans les airs par une poigne bien connue. Ton rire solaire résonne, et lui procure plus de réconfort qu'il ne l'avait imaginé. Bien évidemment, il se joint à toi de bon cœur en laissant échapper quelques éclats de rire enfantins, heureux de ta présence, amusé par l'étreinte dont tu le gratifies comme s'il n'était qu'une plume à tes muscles entraînés. Tu le laisses regagner doucement le sol pavé, et il termine de glousser avec légèreté en t'écoutant parler. Par tous les dieux, que ce timbre lui avait manqué.

T'inquiète pas, c'est rien, te rassure-t-il, sourire aux lèvres, balayant l'air de la main pour dissiper les excuses.

Une fois son geste dessiné, la paume finit par retomber sur le dessus de son sac en bandoulière, qu'il n'emporte que lorsque qu'il se déplace avec davantage que simplement son rainphone et sa canne. Il passe d'ailleurs l'autre main à travers la boucle de corde qui surmonte cette dernière, afin d'avoir ses deux mains de libres, et te répond avec le même enthousiasme dont tu rayonnes :

Très bien ! J'habite à Olympus District maintenant, tu sais ! Je travaille pour les olympiens ! qu'il ajoute fièrement, bombant un torse bien frêle comparé au tien.

Ce n'est pas l'entière vérité : même si ses nouvelles fonctions sont un honneur pour lui, il occulte volontairement la solitude qui a pris possession de son quotidien depuis qu'il a dû quitter la colonie – tout ce qu'il connaissait – pour se lancer dans une vie nouvelle. Mais il n'est pas question de ternir ce jour de fête, alors il chasse sans regret ces pensées grises et lance, sans se départir de son heureux sourire :

Et toi, alors ? Qu'est-ce que ça fait d'être gladiateur ?

Tout en parlant, il ressent le besoin d'initier un contact physique à son tour. Ainsi se communique votre affection, depuis aussi loin que vous vous connaissez. Levant son bras quasiment parallèlement au sol, il cherche à te toucher – finit par sentir du tissu sous ses doigts, et après avoir sondé de quelques gestes, s'aperçoit qu'il palpe une clavicule. Les sourcils se haussent alors qu'il monte la main, encore et encore, tâtant du bout des doigts cou, oreille, et finalement, le sommet du crâne, qu'il estime à une trentaine de centimètres au dessus du sien.

Ce que tu es grand, maintenant ! ne peut-il s'empêcher de s'exclamer. Je dois avoir l'air minuscule à côté de toi !

Ses derniers mots sont ponctués d'un léger gloussement, amusé par l'image qui se dessine maintenant dans son esprit de ta grande silhouette dépassant la sienne d'une bonne tête.