s'il avait su, aurait-il fait les choses différemment ?
cette question, il se l'interdisait : de la genèse au jugement dernier, il avait toujours su qu'il y aurait un prix à payer.
mais les nuits se font de plus en plus courtes, de plus en plus dures, de plus en plus froides. il redécouvre les angoisses incarnées dans l'obscurité - depuis, chassées, refoulées, glissées dans un placard à la porte doublement verrouillée.
il brûle.
fait les cent pas dans le domaine, le temple immergé de sa résurrection. il s'imagine réincarnation de caïn, le frère meurtrier. lassé de se faire poursuivre par l'oeil de la conscience, ce dernier s'est exilé six pieds sous terre.
(il connait déjà la fin :
mais quand on eut sur son front fermé le souterrain
l’oeil était dans la tombe et regardait Caïn.)
cette caverne sera son tombeau et même dans la mort il ne connaitra pas le répit.
pourquoi a-t-il accepté de s'attacher ?
il a honte de s'abandonner à l'espoir, de se laisser couler dans les affres des affections humaines; lui qui croit se connaitre de fond en comble mais qui, face à l'amour, n'est qu'un imbécile.
dans le coin le plus sombre du plus sombre des dédales, il s'autorise à pleurer.
ce sont les pleurs qui se refusent à lui : au fond des tripes, les sanglots bouillonnent et s'élèvent, mais une fois au bord des yeux, le corps est un désert à la surface duquel les émotions s'évaporent.
alors il attend, prostré dans un silence de funérailles. presque solennellement, il conjure le chagrin; l'implore de le submerger. le long de sa mâchoire, une larme trace un chemin jusque-là jamais emprunté.
peut-être aurait-il achevé la noyade, sans cette silhouette familière matérialisée dans l'ombre. un instant, il croit à une apparition.
puis il reconnait zuhair.
de nouveau, l'épiderme revêt l'hostilité d'une immensité aride.
il veut mettre le feu au monde entier.
qu'est-ce que tu fous là ? aux antipodes de la mort au fond du regard, la voix est d'une dureté métallique. et t'es là depuis combien de temps ? à l'idée qu'il ait pu s'autoriser la faiblesse devant un autre, il est comme écorché vif - il croit devenir fou. et que cet autre soit zuhair lui est insoutenable - par ses failles, par sa présence même, il se fait miroir de sa vulnérabilité. au fond, partage-t-il sa lâcheté ?
c'est brutalement qu'il se lève, déraciné sous la tempête. comme d'elle-même, la main saisit l'intrus à la gorge - et dans l'élan, le précipite contre le mur le plus proche. peut-être que sa tête le percute, peut-être que c'est injuste (et peut-être que dans les yeux de seraph, subsistent les vestiges miroitants de son émoi).
@zuhair<3