il faisait doucement tournoyer le contenu de son verre alors qu'il était assis, seul, faisant face à l'astre qui se couchait. le ciel était d'un rouge carmin et Nate expirait doucement l'air qu'il comprimait dans ses poumons. c'est que sa journée avait été frénétique et qu'il avait besoin, l'espace d'un moment, de se retrouver seul avec ses pensées : s'accorder une parenthèse, redevenir Nate et quitter le costume d'homme de pouvoir.
il sentait les regards insistants sur son dos droit mais il n'en avait cure; Nate avait grandi les regards rivés sur ses faits et gestes, et, quand il eut finit de jouer avec la liqueur, il apposa la surface en verre et laissa s'écouler, le long de sa gorge, le liquide froid. il continua de river ses iris sur le verre et finit par sourire seul. c'est que le quartier d'Agôn District se trouva particulièrement calme ce soir-là, et Nate savoura la quiétude miraculeuse du lieu un temps.
il sentit un moment son esprit se libérer de toutes les pensées parasites qui fomentaient des troubles en son propre sein et remercia sa vue pour lui offrir un spectacle court lors de son moment de répit. c'est qu'il commençait à se perdre devant l'explosion du ciel mais une démarche pressée et anxieuse vint dénoter dans son champs de vision. il crut reconnaître l'allure rapide et quand le corps fut assez proche il haussa la voix
Bellamy ? il haussa la voix et troubla ce moment de calme tu es pressé ? je ne te dérange pas ? il lui offrit un sourire dont seule son adelphie en avait le secret et tira le tabouret à côté de lui pour l'inviter à s'asseoir. il reprit un verre et en présenta un second à son partenaire du moment tout va bien ? t'as l'air tout tendu ...
tu veux prendre un moment avec moi ?

@bellamy de lioncourt

c'est que Bell avait quelque chose de touchant, dans sa façon de concevoir les choses. il abordait les choses avec une telle précocité qu'on ne pouvait s'empêcher de le vieillir. il avait, semble-t-il, renié sa jeunesse trop tôt et s'enfermait dans une vie d'adulte trop sévère et trop fort. Nate en avait le coeur fendu, quelque fois
cependant il éclata en fragment de rire quand Bell appela sa panique latente son état naturel tu vas croire que je suis superficiel, mais les sourcils froncés et l'allure angoissé ne vont pas à tout le monde, tu sais ? tu devrais te dérider, tout ne devrait pas toujours être si sérieux
il s'accouda plus longuement sur le bar et détailla le visage de son compère. il avait de jolis yeux et il pourrait être plus sympathique, s'il se décidait à abandonner son triangle de tristesse. Nate le regarda longuement, et quand il sentit son regard assez insistant il dévia son attention sur son verre, dont il prit une gorgée timide. l'amphithéâtre était presque vide et la soirée s'annonçait assez tranquille (peut-être était-il encore trop tôt) et le soleil semblait sur le point d'imploser
oh, tu sais, toujours la même rengaine. j'aimerai qu'ils soient plus consciencieux par moment mais je ne les changerai pour rien au monde. non, ce n'est pas tout à fait ça qui m'inquiète

c'est Malice. je ne sais plus comment l'aborder, j'ai tout essayé tu sais, mais elle ne veut rien entendre il soupira bruyamment ça me crève le coeur que de l'admettre, Bell, mais je ne peux pas m'empêcher de la voir comme un danger, des fois Nate fouilla la poche de son collègue et y prit son étui à cigarette, en glissa une entre ses lippes et approcha son visage vers Bellamy tu aurais du feu pour moi ? l'invitant à l'allumer pour lui

@bellamy de lioncourt

il prit un air faussement surpris moi ? t'insulter ? voyons je n'oserai jamais ... je suis taquin, au mieux !
et puis il se reconcentra sur Malice. il ne craignait pas pour sa position, bien au contraire; Nate craignait la sienne. il n'aurait aucun mal à laisser sa place, le pouvoir n'était pas une fin en soi, il le savait. c'était plutôt l'absence de limite de sa soeur qu'il craignait, et son incapacité manifeste à se soucier des autres et de ceux qui l'entoure. Nate voulait un règne de compassion et d'empathie, et malgré leurs traits maternels Malice en semblait par moment dépourvue. c'était une enfant jalouse et capricieuse : ce ne sont pas de bons traits pour régner

non, non bien sûr que non ! je céderai ma position avec plaisir, si tous estiment qu'il existe quelqu'un de plus apte à assurer ce rôle que moi. non, ce n'est pas tout à fait ça que je crains, Bell ... c'est plutôt ce qu'elle veut qui m'inquiète. je ne sais pas derrière quoi elle court et je n'arrive pas à la comprendre il aimerait pouvoir mettre Bellamy en garde, mais Nate se rendait bien compte qu'il était biaisé et qu'il n'y avait, en réalité, pour l'instant du moins, pas de raison de la diaboliser je ... je doute qu'elle puisse réellement nous défendre lors du moment opportun, voilà tout

pourquoi penses-tu que nous devrions avoir besoin de quelqu'un comme ça un jour ? le système a l'air de marcher tel qu'il est, non ? y'a-t-il quelque chose que tu n'oses pas me dire ? Nate était à l'aise pour lire entre les lignes. et il ne supportait pas d'être pris au dépourvu; en un sens il percevait quelque fois le monde comme un jeu d'échecs et s'il n'avait pas la prétention de se dire pièce maîtresse, il aimait au moins s'assurer d'un peu de sécurité

@bellamy de lioncourt

c'était souvent lors de ces moments-là, que Nate était renvoyé à une condition de petite chose, d'un petit Prince. on ne le percevait pas comme un guerrier ni un dévot. c'était lors de ces moments-là qu'il réalisait que malgré tous ses efforts, il ne serait jamais vu comme un tigre, un prédateur. il demeurait aux yeux de tous un être doux, une gazelle, un daguet qui s'essayait encore au monde réel
(il ne releva rien, le laissa probablement aucun agacement transparaître; c'est qu'être faussement vulnérable est bien souvent un avantage)
le pouvoir a peut-être été pris de force, mais il peut être partagé, ou imposé avec respect. tous les coups-d'États ne sont pas néfastes et toute autorité n'est pas dictatrice Nate gouverne avec écoute et bienveillance, tous le savaient. si guerre il y avait, il se réconfortait en se disant qu'il était excellent diplomate et qu'il y avait peu de chances que lui, parmi les autres, se fassent un jour renverser
et pour prévenir la guerre civile tu préconises une guerre que tu aurais toi-même organisé et instauré ? non, Bell, tu vois bien que ça n'arrangerait rien.
ce n'est pas votre intention, mais j'ai parfois l'impression que vous me prenez pour un imbécile, ou pire : un chevreuil égaré. je ne suis pas dupe, Bell : vous allez droit dans le mur si vous vous condamnez à user de quelqu'un comme Malice. et puis elle et moi, on n'est peut-être pas fait de la même essence, mais on dispose des même armes.
tu veux la paix interne, Bellamy ? sois prêt à la concéder : engageons un dialogue, soyons prêts à faire des consensus parce la répression ne marche jamais

et le tout avait été délivré avec une grâce savante, en un seul souffle alors que Nate aspirait une bouffée de sa cigarette volée. Nate aussi était un meutrier : ses armes étaient sa parole et sa gentillesse.

@bellamy de lioncourt

Nate n'avait la faculté divine et maternelle que de lire les émotions comme on parcourrait un livre; mais il sentait Bellamy disparaître dans les méandres de sa psyché et surtout, il sentait le poids sur les épaules de son confrère s'alourdir, encore. d'une charge pourtant fantôme : elle ne provenait que de ses craintes et ses angoisses!
Nate plaça sa main, soucieusement, sur celle de Bellamy et l'écouta déverser le flot de pensées qui s'échouaient sur les rigoles de ses lèvres. c'était un spectacle triste et désolant, mais Nate le connaissait bien; les rôles s'inversaient quelques fois, et à chaque fois, trouver les mots étaient une plaie, pour panses ses maux
doucement, Bell, doucement ! il lui sourit d'une allégresse contagieuse et d'une fièvre raisonnée
c'est la Fatalité qui nous révèlera tout ça
ne te tues pas à prévoir ce qui ne tombera pas dans tes bras ! on pourrait probablement tous mourir demain d'un bombardement nucléaire, et tu auras passé ta vie à angoisser ! tu mérites tellement plus que ça, Bell il resserra son étreinte manuelle
Malice n'est pas le problème, et tu sais très bien que je ne propose rien à échanger. tu t'en doutes Bellamy : je n'ai pas les réponses que tu cherches. et tu devrais arrêter de te buter à les apporter. personne ne te doit rien, tu le sais, ça, hein ?
reprends une gorgée, tiens il lui tendit son verre
je ne suis pas oracle et je ne peux pas prédire demain, mais toi non plus ! tu n'es pas responsable de la Peste et personne ne t'en tient coupable. apprends à vivre doucement; si pas pour toi au moins pour moi.
Nausikaa a survécu sans toi et survivra probablement sans nous, apprends à lâcher du leste mon grand ! il prit son verre, trinqua et bu une gorgée ce que je te propose c'est de t'arrêter un instant et de regarder autour de toi : le Soleil se couche et se relèvera. on saura faire de même en temps voulu, j'en suis convaincu

pas toi ?

@bellamy de lioncourt

il entendait cet enchaînement de mots souvent, sans vouloir prétendre à un ego gonflé, mais Nate se reconnaissait bien cette qualité : il était bon chef et c'était aussi valide que d'avancer la chance de son adelphie. Nate est un frère dévoué et sacrificiel à juste mesure et c'était un fait connu. il eut un geste de recul cependant et paru gêné un court instant (son sourire maladroit provenait d'une humilité authentique)
je ne sais pas s'ils ont vraiment de la chance, mais j'essaie d'aborder ma position avec le plus de bienveillance possible il réfugia son regard timide vers le contenu de son verre qu'il fit tournoyer, pour noyer sa timidité passagère
tu devrais déjà commencer par te tourner vers tes adelphes plus souvent ! ils sauront être partenaires de fête beaucoup plus efficaces que moi, j'en doute pas une seconde ! c'était assez ironique et cynique qu'un fils de l'Excès vienne prendre conseil auprès d'un fils Désir ; Bellamy avait probablement des raccourcis plus évidents pour trouver coeur à la fête
mais plus sérieusement, tu devrais essayer d'être plus présent pour eux. tu n'es pas qu'un ambassadeur et un olympien, Bellamy. tu es un grand-frère avant tout. tu es leur grand-frère. c'est important les positions de pouvoirs obscurcissaient souvent les liens amicaux, amoureux, adelphiques;
pourtant on ne perd jamais ses racines.

@bellamy de lioncourt

en proie à ses réflexions et devant la rigidité de son discours, Nate observait Bellamy s'enfermer dans un espace qu'il montait seul. et Nate pouvait s'armer de tous les instruments qu'il pouvait, il ne pourrait probablement escalader aussi vite que Bellamy semblait disparaître dans l'ascension de ses démons. Nate le voyait se noyer dans une mission de devoir qu'il se créait en partie seul alors que lui, essayait plutôt de s'ancrer dans le sol et s'enraciner là où le réel se mêlait au rêve. il ne voulait pas s'évaporer dans un supposé devoir; devoir sûrement aussi illusoire que réconfortant. Nate percevait une fuite de quelque chose chez Bellamy : il courait toujours et dans tous les endroits; seulement, de quoi courait-il vraiment ?
mais tu n'es pas leur père, Bellamy, enfin ! il lui saisit les épaules et essaie de le sortir d'une torpeur toxique; mais quelque part Nate savait que c'était comme réveiller un somnambule : on ne sait jamais comment en sera l'autre
ils sont adultes, eux aussi ! ils auront leur secret, que tu le veuilles ou non ! au même titre que tu gardes les tiens ! je ne cherche pas à t'imposer ma vision des choses, mais Bellamy, c'est exactement ça que je ne comprends pas il détend sa prise et regarde au sol, un moment, le temps d'un soupir, puis reprend tendrement
je ne peux pas t'apprendre ce que tu ne veux pas comprendre, tu le sais, ça ?
je te l'ai dit, il faut que tu leur parles ! demande-leur en quoi tu pourrais adapter ton comportement en leur égard et écoute ce qu'ils ont à te dire.
bien sûr ma situation est totalement différente de la tienne, mais nous sommes ambassadeurs Bell, pas policiers et encore moins dictateurs ! quand j'ai quelque chose à leur dire je vais les voir mais je ne vais pas les voir quand la situation est déjà critique ! j'estime qu'ils sont assez grands pour se défendre mais je leur indique les conséquences de leurs actes. je ne peux pas et ne veux pas les contrôler de quelque manière. ils répondent seuls de leur acte, mais je fais tout au quotidien pour qu'ils se sentent assez à l'aise pour venir me parler de tout. c'est aussi simple que ça les lèvres s'essaient à un sourire simple et timide mais Nate rêvait réellement atteindre Bellamy avec ses paroles je me montre ferme quand ils dépassent les bornes, oui j'ai déjà trop bu et j'ai déjà mis les pieds dans une boîte avec eux. pas tous les jours, certes, mais j'aime à leur rappeler que je suis humain, moi aussi, et que je veux me lâcher parfois.
la seule chose que je ne leur dis pas c'est que parfois ils m'épuisent, ça je le garde pour moi. je ne veux pas qu'ils le sachent mais je ne trompe personne, ils s'en doutent parfois un sourire attendri et dissimulé au bord des lèvres Nate s'amusait à s'imaginer excédé et ses adelphes le dorlotant à côté


@bellamy de lioncourt

Nate était un bon acteur, un bon menteur, un bon amant et un bon leader. mais souvent son 'bon' était un 'monstre' pour les autres. il achèverait les anges s'ils se mettaient un jour au travers de son chemin et s'abreuverait de leur sang sans s'en faire plus que ça
il en aurait probablement le sourire aux lèvres
non, c'est vrai, tu n'es pas moi. et laisse moi te dire, Bellamy, tant mieux. tu n'aimerais sans doute pas ma vie parce qu'elle n'est pas comme la tienne c'était délivré avec une candeur fragile; un soupçon d'amusement pendait aux bords de ses mots

tu es stable et fiable, inflexible parfois même. je ne le suis pas, moi, je me vois comme changeant mais tu pourrais dire inconstant, je ne vexerai pas
être rigide a du bon, sur la durée. être mouvant c'est souvent être malhonnête
mais tu sais ? il pose son verre et cendre sa cigarette désormais consumée, il exhale une dernière vapeur et lui accorde un sourire entier. Nate n'était pas mauvais. il ne se savait pas bon, s'ignorait fidèle, mais n'était sans doute pas mauvais
je suis mort, une fois, ça te change j'imagine
je me suis demandé : comment tu veux que les gens se souviennent de toi ? et je pense que je veux qu'on me perçoive comme je le suis maintenant

honnête mais arrangeant.
c'est ce que je me dis quand je doute : comment je veux qu'on écrive mon histoire ?
tu devrais essayer, ça sera ma réponse. mais Nate n'était pas mort, jamais, pas une fois. il n'avait pas tué les versions antérieurs de lui-même et ne s'était pas réincarné.
Nate est un bon acteur car sa vie entière n'est sans doute qu'un rôle qui lui colle à la peau et dont il écrit les dialogues au fur et à mesure de chacune de ses scènes


@bellamy de lioncourt