T'observes le nouveau venu. Un gamin aux taches de rousseur plus grosses que tes doigts. Un bambin d'Hermes ton t'as oublié le nom et l'âge, mais tu lui donnes pas plus de 7 ans. Autour de toi l'ambiance est à la fête. Tout profiteur que vous êtes à célébrer un gosse dont vous aurez oublié le prénom demain. Ton regard balaie la foule, l'humeur sombre.

Aujourd'hui, tu as vingt-ans. Mais parce que ce chiard a eu le bon goût de venir aujourd'hui, l'information passe au second plan. Mais plus que ça, tu n'as plus la popularité et le pouvoir pour faire fêter ta nouvelle année. Voilà presque deux ans écoulés depuis la quête. Mais le constat restait le même. Ignoré par les plus intelligents, moqués puis craints par les plus bêtes. La plus horrible des punitions pour l'homme en manque d'attention que tu étais. Alors comme à chaque fois, tu le cherches. Ta chose. Ta distraction. Facile à trouvé, car toujours en retrait. Tu décoles ton dos du mur et traverse rapidement la distance qui vous sépare, prenant un verre au passage. Tu te glisses dans son dos et prends sa main.

— Amène-toi.

Tu souris, de ces sourires en coin et un brin mauvais qui sont les tiens. Tu le tires discrètement plus en arrière encore, à l'ombre d'un bâtiment. Tu te cales contre le mur, le tires pour l'amener vers toi. Sans lui laisser le temps, tu viens cueillir ses lèvres.

— Tu sais quel jour on est, le cadavre ?

— Oh, on a peur de se faire taper sur les doigts ?

Tu souris, souffle proche de sa bouche et tend le cou pour l'embrasser de nouveau. Pour autant, tu ne vas pas au bout. À quelques millimètres de ses lèvres, tu t'arrêtes, et recules doucement.

— Le 22 mars, ouais. Mais encore ?

S'il ne le sait pas, tu vas te vexer. Tu ne supportes pas cette ignorance, tu ne supportes pas cette sensation de transparence. Tu te sens étouffé, réduit à rien, c'est une détresse qui te prend à la gorge, terrorisé avec la même force et innocence que le sont les enfants. Mais Ezra est trop occupé à se préoccuper des détails. Tu fronces les sourcils, tu ne l'avais jamais embrassé avant ? Bizarre, à moins que tu ne le confondes avec un autre adolescent au regard morne. Y en a tellement. Mais qu'importe. T'es prêt à lui donner tout ce qu'il demande. Tu as besoin qu'il te calme, qu'il te rassure, qu'il te fasse te sentir spéciale. C'est bien parce qu'il en est plus capable que beaucoup d'autre que tu en es devenu fan.

— Ouais, on dirait bien.

Tu te colles un peu plus au mur, j'ai avec ses doigts emprisonnés entre les tiens alors que tu descends, enfin, ton verre de champomy (quelle blague).

— Pardon, fallait pas ?

Tu jettes ton verre dans l’herbe, comme s'il s'agissait d'un vulgaire déchet. Tu prends un air un peu confus. Un peu sincère, celui-là.

— Je pensais que t'en avais envie comme moi. C'est que, tu sais, depuis le temps qu'on traîne ensemble je me disais... Je me suis trompé ?

— Tu voulais pas ?

Tu re répètes, un mince sourire aux lèvres, le visage légèrement tourné de biais. Tu n'attends qu'une réponse en particulier et tu sais, qu'en plus de ça, c'est la bonne. Alors tu taquines, le pousse à dire l'évidence. À savoir qu'il en crevait d'envie parce que ça ne pouvait en être autrement et que ça t'arrange. T'as désespérément besoin de devenir le divin de quelqu'un. C'est trop dur, trop oppressant, trop effrayant d'être simplement humain.

— Alors ?

Tu souffles, suave, tendresse feinte. Et lorsqu'Ezra se souvient enfin que c'est aujourd'hui ton anniversaire ton sourire s'accentue. Tu hoches doucement la tête, viens laisser vos nez se frôler.

— Très bien Ezra, bravo.

Tu le gratifies d'une petite tape satisfaite sur la joue.

— Très, très bien.

Tu laisses l'arrière de ton crâne retrouver le confort du mur. Tu lèves tes yeux vers lui, comme-ci c'était lui, le plus grand.

— T'vois, j'avais envie de passer mon anniversaire avec toi. Les autres m'inspirent pas.

Les autres ne te veulent pas, soit trop attaché aux basques de ton frère, soit trop peut prompt à te pardonner les traces violacées dont sont ornées leurs gueules. Tu te promets qu'une fois sortie de cette colonie, ça changera. Nausikaa te rendra ta popularité et ta gloire. En attendant, tu n'as que lui. Quel chanceux.

— Donc, t'as pas répondu. Tu voulais pas que je t'embrasse ?

Il vise juste. T'ignores si c'est par hyper conscience ou chance, mais ton regard s'assombrit. Tu le toises, enfant capricieux terrifiés d'être noyé dans la masse. Tu veux tout. Tu veux, veux, veux. La gloire, l'amour, le respect, le pouvoir, l'approbation, l'admiration, la dépendance, la crainte, la hargne. Tout, dévorer tout jusqu'à en vomir mais jamais rien ne te rassasie. La faim, le manque, te fait connaître ce que tu n'assumes jamais de ressentir. Ta gorge se noue en silence, ton estomac se tord, ton cœur accélère dans ta poitrine. Tu te forces à ne pas détourner les yeux.

T'existes et t'as l'impression que tout le monde s'en fout.

— Personne n'a oublié, mais tout le monde se tait et tu sais très bien pourquoi.

C e c i l.

Tu hausses les épaules le repousse sèchement pour décoller ton dos du mur.

— Mais je m'en branle. Les autres je m'en fous, j'en ai rien à faire de cette bonne d'opportuniste qui retourne leurs vestes au moindre coup de vent, c'était toi que j'étais venu chercher. Mais si t'en a rien foutre alors je t'en prie, retournes-y.

Tu fourres tes mains dans tes poches, lui tournes le dos et shoot dans le gobelet échoué dans l'herbe. Il t'a vexé. Tu ne supportes pas être ramené à ton impopularité. Tu te sens faible, ça te fait vriller. Dans tes poches tes doigts s'agitent, tes yeux piquent, enragés. Tu te sens submergé par une contrariété que t'es pas en capacité de tempérer. Tu tournes la tête de biais, juste assez pour lui lancer un regard sincèrement blessé. Qu'il culpabilise, ce chien, c'est tout ce qu'il mérite. T'étais prêt à lui offrir tout ce que sa tête malade désirait. IL devrait te dire merci. À la place il te moque.

— Désolé d'avoir cru que t'étais au-dessus de la mêlée Ezreal.

Ses excuses, tu les entends de loin. Cadenassé dans ta peine, dans ta haine, tu te fais sourd. T'en est arrivé à préférer le dégoût dans les yeux de tes adelphes que l'invisibilité. Ce n'est pas toi. Ça ne devrait pas être toi. Tu hurles à l'injustice, devient l'ombre de ce que tu as toujours été destinée à être. Maman te le répétait dans le creux de l'oreille lorsqu'elle te berçait, le soir.

Tu les éblouiras tous, mon petit dieu.
Tu es le plus aimé d'entre tous. Le préféré de ton papa.

Tu lèves les yeux au ciel, ta lèvre tremble. Et s'il ne t'aimait plus, lui aussi ?

Ce sont ses mains sur tes épaules qui te ramènent à la réalité. Tu le laisses dissiper tes doutes et l'impuissance qui nécrose ton corps. Impuissant ? Non, tu ne l'es pas encore. Tu peux encore enjôler les cœurs, être le préféré de quelqu'un.

— Embrasse-moi.

Tu te tournes vers lui, lève un regard qui, cette fois-ci, ne rit pas.

— Je veux que tu assumes là, maintenant, tout de suite, ce que tu rêves d'obtenir de moi.

Tu glisses une main sur le col de son t-shirt informe et délavé.

— Ça te plaît, non, d'être spécial ? Ça te plaît de ne pas seulement être un point dans la foule. Alors vas-y, fils de Thanatos, personne te regarde, gagne ta guerre.

Pour que tu puisses gagner la tienne.

Ses baisers sont timides, maladroits. Tu fronces un peu les sourcils, entrouvres les lèvres mais perds patience face à son manque d'initiative. Il y a du boulot à faire. Mais c'est pas grave. Tu aimes l'idée de te faire professeur d'une discipline qu'il ne pourra pratiquer qu'avec toi. Tu souffles, un peu plus tendre.

— C'est pas grave, ça, ça s'apprend.

Tu te corriges, volontairement.

— Je t'apprendrai.

Tu reviens à sa bouche, le sentir tout tremblant face au contact de vos lèvres t’apaisent. Tu aimes l'idée d'être le moment marquant de sa soirée, aime l'idée de le posséder, d'être la cause de son ventre que se tord, de la moiteur de ses paumes. Tu te moques même pas de lui, tu n'as même pas une once de mépris. Tu aimes, avec une vraie innocence, le fait de dominer.

Tu glisses ta main à l'arrière de sa nuque. Puis il l'ouvre. Tu le dévisages quelques secondes.

— Qu'est-ce que ça veut dire ?

Tu le regardes, comme-ci la question était débile. Elle l'est. Dommage pour lui.

— On s'amuse, le cadavre. On s'amuse et on passe du bon temps. Comme on l'a toujours fait.

Qu'espérait-il d'autre ? Une bague au doigt ? Il ne t'aime même pas.

— T'es mignon, tu te prends trop la tête. Tu veux te sentir vivre, non ? Moi aussi, alors ça tombe bien, on s'est bien trouvé.

T'es pas stupide, dans son regard brille une surprise blessée. Oh, alors le cadavre voulait quelque chose de plus ? Tu lui offres déjà beaucoup. Mais tu trouves ça mignon. Tu passes la main dans tes boucles pour les remettre en place. La façon dont il sauve son égo est aussi risible qu'adorable.

— Théoriquement tu pourrais, encore faut-il que quelqu'un le veuille bien.

Un rictus provocant, quand tu prends ensuite un air plus tendre.

— Mais je préférerais te garder pour moi plus que les autres. C'est bien d'avoir un certain... Point d'ancrage, tu vois ?

Tu fais un pas, en recul de deux, pour avancer d'un pas de nouveau. Il ne faudrait pas qu'Ezra t'oublie et te laisse définitivement seul. Tu n'y survivrais pas.

— Suis-moi, je connais un coin où Chiron et Mr. D nous surprendront pas.

Tu le tires par la main, l'entraînes un peu plus profondément dans la colonie. Les éclats de voix se font lointains et discrets, tu connais une vieille cabane de jardin un peu perdue où sont entreposées du vieux matériel de jardinage. Enfin, plus proche du placard que d'une cabane, tu sais le lieu désert, et tranquille. Arrivé sur les lieux, tu lui montres.

— C'est mon coin, alors si tu t'en sers pour ton usage personnel sache je ferai de ta petite vie un véritable enfer.

Tu te tournes vers lui.

— Là on sera tranquille. Même Cecil ne sait pas que cette ruine miteuse existe.

Tu fracasses la porte. Comme ça, d'un coup. C'est impressionnant, malgré sa vétusté. T'as pas contrôlé ta force, tu ne la contrôle que trop peu en vérité. Mais là Ezra t'agace. Son impertinence t'agace. T'aimes pas les ingrats.

— Ok choupette, on va se la jouer autrement.

Tu le coinces contre une vieille étagère aux outils rouillés, non sans oublier de lui attraper le col avant. Ce serait dommage qu'il pense à fuir et tu ne le penses pas assez agile pour se débarrasser de son haut pour s'enfuir.

— J'ai compris, Ezra, t'es amoureux, tu voudrais qu'on devienne un couple alors t'essaye de me rendre jaloux. Mais t'vois, cette attitude-là, elle te rend pas sexy du tout.

Tu plisses le regard, te colles. S'il veut jouer les grands, tu vas lui donner de quoi redescendre.

— Qu'est-ce que tu veux entendre, choupette ? Ça ne te suffit pas d'être mon préféré ?

Tu penches la tête sur le côté.

— Tu préfères ruiner ce qu'on a et qui me tient à cœur ?

Tu le lâches, recul d'un pas. T'ouvres les bras en signe de provocation.

— Je te l'ai dit, avant d'espérer ramener qui que ce soit, faudrait déjà que quelqu'un veut de toi. Tu penses qu'ils seront tendres comme moi ? À t'estimer et à avoir de l'affection pour toi ? Si tu bats des cils t'aura personne. Montre-moi ce que t'as dans le ventre, le cadavre.

Tu sais pas ce que t'imaginais, mais clairement pas ça. Triomphant, certain, tu t'attendais à le voir craquer se jeter sur toi. Désespéré, qu'il était, il t'aurait embrassé et vous auriez fait de ses caprices la base d'un moment plus agréable. Mais te voilà au sol et alors que tu t'en amusais, tu sens quelque chose d'étrange.

— Qu- ?

Tes forces te quittent. Tu sens ton cœur ralentir, tes muscles s’engourdir, ta tête te tourner. Bientôt des points noirs viennent obstruer ta vue et tu ne parviens plus à respirer tant l'effort te coûte. Tu entrouvres la bouche, rien ne s'en échappe, si ce n'est un râle qui sonne comme une violente agonie. Tu te sens mourir, tu comprends à son nez qui saigne que c'est lui qui te tue. Tu écarquilles les yeux, sembles essayer de murmurer une insulte qui se meurt entre tes lèvres faibles. Puis enfin, il te lâche.

Tu reprends un grand souffle, cloué au sol quand lui se tient debout. Dans la brume, tu vises sa jambe. La tape du pied pour le faire tomber, mais ce que tu rencontres alors, c'est la jambe de quelqu'un d'autre.

Il un pantalon militaire et une veste de cuir. Des cheveux noirs en gras, coiffés en brosse.

— Pa...pa ?

Tu perds le fil, ton cœur manque un battement. Arès ! Arès est ici ! Mais alors que tu étires un sourire (enfin, tu le vois, il t'a tant manqué, tu as tant donné pour qu'il se présente à toi), tu vois, à côté de lui, ta mère, si belle, qui entoure dans ses bras Cecil. Arès tourne vers toi un visage dont tu reconnais la moue méprisante. Il ne dit rien. Il n'a pas besoin de dire quoi que ce soit. Ta gorge se noue, tu sens les larmes poindre tout de suite. Ta mère te lance un regard triste, cajole Cecil avant de tourner tristement des talons. Arès secoue la tête, tourne des talons.

— N-Non... Non ! M'abandonne pas ! Me laisse pas ! Maman ! Papa !

Tu tends la main pour attraper la veste de ton père mais elle se referme dans le vent. En face de toi, il y a le t-shirt d'Ezra. Tu lèves les yeux vers lui, sens la larme rouler sur ta joue.

— Toi.... Toi... Toi...

Tu saisis son t-shirt pour le jeter sur le sol à côté de toi. Tu n'as pas la force de te lever, mais tu retrouves celle de te le tirer. Tu hurles pour le contrer et vous rouler dans la poussière, toi au dessus de lui, ton poing brandit.

— QU'EST CE QUE TU M'AS MONTRE ? QU'EST CE QUE T'AS VU ?

Ta poitrine se soulève, encore agitée de ce que tu viens de voir. Tu retiens ton poing à quelques centimètres de son visage. Souffle comme un bœuf.

— Putain de freak.

Tu te relèves maladroitement en te tenant aux étagères. Titubes en reculant jusqu'à la porte ouverte.

— Je croyais qu'on...

Tu as vu ton père. Et il te détestait.

— Va bien te faire foutre.

Tu titubes, tes jambes te portent avec difficulté, tu ne te souviens pas avoir connu un tel état de faiblesse. Tu t'accroches à ce que tu peux, à coup de gestes rustres et brouillons. Dans le processus, ils sont nombreux à tomber les pots en terre, les outils en fer et autres éléments du décor que tu n'as pas identifié. Et dans tout se tintamarre tu entends la voix d'Ezra. Mais t'as le cœur encore agité, la gorge serrée par l’effroi et la colère.

— Mon père me déteste pas, t'entend ? Il est fier, il est obligé d'être fier !

Il est omniscient, il sait que tu n'as pas fait échouer la quête, il sait tout ce que tu donnes. Et lui, ce cafard, te montre le contraire. Tu revois la façon dont sa bouche s'est tordue de dégoût et ton estomac se soulève. Tu as besoin d'air. Tu tâtes derrière toi sans rien trouver d'autres que le vide. Tu te surprends de ne pas sentir de porte. Tu as oublié que tu l'avais défoncée il y a peine deux minutes. Tu as oublié qu'elle était tombée. C'est sur elle que tu trébuches.

— PUT-

Tu pousses un cri et tombes dans un bruit sourd. Sous tes doigts, un mélange de terre et de fragments de bois. Tu te redresses, hurles de rage face à ton corps mollasson. En face de toi, tu vois la silhouette d'Ezra dans l'ombre.

— Et c'est moi qui gâche tout.

Tu frissonnes, cherches malgré toi ta mère dans la brume en commençant à comprendre qu'elle n'est pas là. Tu serres la chaîne autour de ta nuque.

— Sale pédé.... Si tu parles à qui que ce soit de ce que t'as vu... Si Cecil l'apprend...

Tu vas le tuer. Sans une once de regret. Tu te sens humilié et t'as besoin de te rendre justice. Pour ça, tu ne connais qu'une seule solution.

— Tu veux te faire pardonner le cadavre ? Rampe.

Soumets-toi.

Il se précipite, l'air sincèrement désolé. Tu t'en émeus pas, non, tu t'en satisfais. À le voir se décomposer tu te recomposes une justice, un ego. Il ne dira rien et tu l'espères pour lui. Tu n'es pas connu pour être l'enfant d'Arès le plus magnanime. Mais ce n'est pas assez. Alors tu demandes.

r a m p e.

Tu soutiens son regard, jusqu'à ce qu'il le fasse. Tes yeux le suivent lorsqu'il se met genou à terre et mains au sol. Tu expires par la bouche. Pardon, qu'il demande.

— Mon père ne me déteste pas. Mon père est fier de moi.

Tu le regardes, tu as besoin qu'il le dise.

— Dis-le.

Tu as besoin de l'entendre. Tu es fort ! Tu es grand ! Tu es son digne fils ! Non, tu es le meilleur qu'il n'ai jamais eu ! Et il doit le dire. Il doit s'en rendre compte. Tu es grand. Merde, tu es grand.

— Tu veux que je te pardonne ? Tu veux que je reste ? Tu le veux à quel point ?

Tu trembles un peu. L'excitation comme seul rempart à la détresse.

— Dis-le.

Non, mieux.

— Montre-moi.

Ce n'est qu'en le voyant obéir que la peur se fait plus facile à tempérer. Tu souffles, comme-ci tu venais de courir tes tours de pistes. C'est sans pitié ni tendresse que tu le regardes. S'il veut que tu restes, il veut qu'il te retienne, qu'il vienne te chercher, qu'il te montre ! Tu veux te sentir important, tu veux contempler et te gorger de sa dépendance. C'est elle qui a sauvé ton ego depuis que Cecil s'est défiguré.

Tu le laisses s'approcher, tu ne fais rien pour l'aider. Qu'il agisse, qu'il mette sa pudeur de côté. Il t'embrasse une première fois, aussi timide qu'absent. Tu gardes les lèvres scellées. Qu'il fasse mieux, qu'il se condamne tout seul. Qu'il te montre à quel point il veut que tu restes à ses côtés. Alors il t'embrasse une seconde fois, cette fois-ci plus aventureux. Tu consens à lui laisser le passage de ta bouche, l'espères reconnaissant. Lorsqu'il le rompt, tu agrippes l'arrière de sa nuque.

— Gâche pas tout entre nous, Ezra.

Vos lèvres proches, si de loin ça pourrait passer pour un instant brûlant d'intimité, la réalité est toute autre.

— Sois sage.

Tu viens chercher sa bouche et le coller à toi. Une main dans ses cheveux, l'autre imposante dans le bas de son dos. Tu veux qu'il explose, tu veux qu'il se soulage de te sentir là. Tu veux qu'il tremble à l'idée que tu partes.

Aime-moi.

Ce serait parfait. Au moins, tu serais certain que jamais il ne partirait.

C'est bon, c'est bon. Tu soupires doucement, tapotes l'arrière de son crâne.

— Bien, bien.

Tes doigts se perdent dans ses cheveux, masses avec un peu plus de tendresse que les secondes d'avant. C'est comme ça que tu le veux. Oui, dévoué, sage, là. Quand il te regarde comme ça, tu te sens bien.

— Reste sage, Ezra. Ça me ferait vraiment chier d'être fâché contre toi, tu vois.

Tu le fixes, le message est-il passé ? Oui, tu penses qu'il l'est. Tu ne veux pas la haïr, alors il faut qu'il se tienne tranquille. Il semble enclin à se faire pardonner et tu es enclin à le laisser essayer. Il te parle de ce jour sacré qu'est celui de ta naissance et c'est vrai, que jusqu'ici, cet anniversaire était le pire de ta vie.

— Hm, c'est vrai.

Tu penches la tête sur le côté, cosses à un petit sourire en coin.

— Quel genre de surprise ? T'as une idée ?

Une à la hauteur de l'affection qu'il est censé te porter, c'est le minimum.