Tu te demandes au bout de la cinquième minute ce qu'elle attend pour s'annoncer. Du salon, tu fixes la porte d'entrée. Tu attends. Les battements de son cœur la trahissent, ça t'étonne qu'elle ne l'ait pas remarqué. Ou peut-être l'avait-elle remarqué, justement. Tu t'impatientes, lévite jusqu'à la porte pour en abaisser la poignée et lui ouvrir.

— Entre, je t'en prie.

Tu fais un pas de côté, la laisses rentrer avant de refermer derrière toi. Tu te soulages de la voir professionnelle. Tu ne sais toujours pas où tu vas et comment tu y vas en ce qui la concerne. Et, c'est peut-être bien la seule fois où tu n'es pas pressé de mettre les choses aux clairs. Elle évoque la réunion, tu en avais entendu parlé.

— On m'en avait informé. C'est déjà prévenant de la part de David d'avoir attendu ma sortie.

Tu avises le sac qu'elle tient entre ses mains. Tu le prends, t'aides de ta lévitation pour gagner la cuisine et le plan de travail. Tu retires méthodiquement un à un les aliments qu'elle a ramenés. Tu ne vois pas de corrélation entre eux, tu ne parviens pas à déterminer le plat qu'elle avait en tête. Qu'importe, on le rappel, si tu détestes, tu es doué pour improviser.

— La réunion est pour ce soir, tu as donc une après-midi pour me briefer.

Lancer par-dessus ton épaule, alors que tu sors déjà un épluche-légumes et un couteau en céramique. Tu te tournes de trois-quarts vers elle, manipules la lame d'un geste expert.

— Alors briefe moi. À quoi dois-je m'attendre ?

Tu n'es pas sûr d'être accueilli un ami.

Tu te fais écarté de ta cuisine à coup de gestes doux et calculés. Le message est clair, tu ne feras rien qui puisses te fatiguer. Mais à la voir s'agiter et toi à n'avoir rien à faire, tu te sens encore plus tendu, mal à l'aise. Tes mains s'empressent de venir chercher le contact d'un torchon que tu tritures tout en l'écoutant.

— Ce n'est pas qu'une possibilité. On sait que les égarés peuvent être l'instrument de notre chute si on le laisse s'organiser. La mort de Kastiel est l'excuse dont ils pourraient avoir besoin pour se rassembler.

Ton regard passe sur les légumes qu'elle découpe grossièrement. Tu te pinces les lèvres pour retenir tout commentaire ou conseils qui pourraient être, tu le sais, mal perçu. À la place, tu demandes.

— Comment se positionne David ? Tu lui as parlé ?

Finalement, à le voir hésiter, réfléchir, ne pas savoir où elle va avec sa préparation tu soupires et lâches le torchon.

— Peux-tu me laisser faire, s'il te plaît ?

Demandé poliment mais avec un ton si tendu et empressé que ça sonne plus comme un ordre.

— S'il te plaît, ça fait une semaine que je suis alité, j'ai besoin de m'occuper les mains.

Tu reprends ta place, coupe rapidement et plus élégamment les légumes que tu viens mettre dans la casserole qu'elle a mis au feu.

— As-tu la moindre idée de ce que tu prépares ou est-ce de l'improvisation ?

Tu viens passer tes mains sur l'eau, ne rebondis que tardivement au reste.

— Cecil c'est un problème qui se règle aisément. Un interrogatoire sous le jugement d'un enfant de Némésis et avec une promesse sur le Styx suffiront. J'espère simplement pour nous que Cecil n'a rien à se reprocher, on ne peut pas se permettre d'autres écarts.

Tu te permets de sortir de tes placards quelques condiments pour assaisonner le bouillon.

— Il y a des dissensions, dans leur groupe.

Tu relèves la tête vers Diane.

— Ils se sont rassemblés, mais ces créatures ne sont pas capables de s'unir. Ils sont trop chaotiques, égoïstes, sanguins. C'est une carte à jouer. Vous avez interrogé l'Aigle, n'est-ce pas ? Qu'est-ce que ça a donné ?

Tu lui accordes un regard en biais, puis un soupir avant de lever les yeux au ciel.

— Pour l'amour du ciel, Diane, je veux juste faire quelque chose de mes mains.

Le manque d'activité t'es insupportable. Tu te sens vieux, faiblard. Ça t’effraie. Tu penses préférer la mort à l'immobilisation. Après avoir mis les légumes dans la casserole, tu te tournes enfin vers elle.

— C'est très prévenant, merci.

Tu pourrais lui dire que tu as toute confiance en elle. Tu pourrais. Tu devrais. Tu la regardes, un peu avec cette même expression que la fois où tu lui as dit je t'aime pour la première fois. Puis tu détournes un peu les yeux. Tu ne sais pas si peux, si tu dois. Où est le mode d'emploi ?

— Duke a envoyé son oiseau de... Sœur, pour me forcer à sortir.

À sa dernière réplique tu t'appuies contre le plan de travail, fatigué.

— Bon sang.

Tu n'en prends conscience que maintenant. Mais Duke, Duke était venu te chercher entre tes murs. Si vous ne pouvez plus prétendre à être en sécurité dans votre propre cité...

Tu passes une main lasse sur ton visage, soudain moins vaillant. Le poids de ta capture soudain vient affaisser tes épaules.

— Comment va-t-on se sortir de ça ?

Tu n'en as, présentement, aucune idée. Tu secoues la tête, sors la viande pour la préparer.

— Après la réunion, j'aimerais qu'on parle.

Il a la bague à ton doigt.

— Là... Là, je ne sais plus où j'en suis. Après la réunion, j'aimerais qu'on parle.

Tu lui jettes un regard.

— Tu n'as rien dans l'estomac, n'est-ce pas ?

Tu ne sais pas si sa confiance est réelle ou une simple façade. C'est dur de savoir avec Diane. Elle arrive à trouver de l'espoir et du bon partout où tu ne vois que le pire. Tu la regardes, restes silencieux. Tu décides que tu vas la croire. Vous y arriverez, vous n'avez pas le choix.

Sans doute le moment est-il mal choisit. Vous avez d'autres choses à penser, mais il y a entre vous des flou à éclaircir. Il n'y a pas si longtemps tu lui disais n'être plus sûr de l'aimer tout en mettant à ton annulaire son ancienne bague de fiançailles. Tu la fixes à ton doigt.

— Rassures-toi, je n'ai pas spécialement envie que ça finisse mal.

Tu termines de découper la viande que tu finis de préparer avant d'aller te rincer les mains. Tu n'as plus rien à mettre, la table est déjà mise. Tu la soupçonnes d'avoir fait vite pour que tu n'aies pas à boitiller ou à léviter partout. Tu gagnes le canapé avant de te laisser tomber dedans.

— J'aurai besoin, plus tard, qu'on définisse ce que nous sommes. Parce qu'actuellement je ne sais pas.

Tu lèves les yeux vers elle.

— Je ne sais pas ce que je peux te promettre, ni quel idéal tu souhaites atteindre.

Tu fais tourner la bague à ton doigt.

— Nous en parlerons après la réunion.